Algérie-Tunisie : Les évènements de Sakiet Sidi Youcef, un champ d’investigation ouvert pour rapprocher davantage les peuple algérien et tunisien

Publié par Dk News le 06-02-2019, 16h58 | 32

Pan d’une mémoire collective entre les deux   peuples algérien et tunisien, et témoins de la lutte des peuples maghrébins   contre le colonialisme, les évènements sanglants de Sakiet Sidi Youcef dont   le 61ème anniversaire sera célébré vendredi prochain, demeurent un «champ   d’investigation ouvert» à même de rapprocher davantage les deux peuples. 

Pour Dr Djamel Ouarti, enseignant d’histoire à l’université Mohamed-Chérif   Messaadia de Souk Ahras, les évènements de Sakiet Sidi Youcef «n’ont pas   suffisamment été étudiés». 

Pour lui, les quelques études et recherches universitaires consacrées à   ces évènements sont basées sur des informations rapportées par la presse   d’alors ou dans le cadre des articles abordant ces évènements en tant qu’un   «détail» de la Guerre de libération nationale. 

Ainsi, cet épisode a été évoqué par le défunt Dr Yahia Bouaziz, dans le   second tome de son ouvrage «la révolution d’Algérie aux 19ème et 20ème   siècles» et par Abdalah Megalati dans sa thèse de magister sur «le rôle des   pays du Maghreb arabe dans le soutien de la révolution de libération   algérienne», souligne l’universitaire. 

Dr Ouarti affirme également qu’en dépit des efforts des deux ministères   des Moudjahidine et de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche   Scientifique, les chercheurs sur la révolution libératrice trouvent des   difficultés d’accès aux diverses archives exigeant des déplacements   personnels vers les lieux de leur conservation à l’étranger, à l’instar de   la France, la Tunisie, le Maroc, l’Egypte et de la Syrie. 

Il a également rappelé que le défunt Achour Bouchama qui enseignait   l’histoire à l’université des sciences islamiques, Emir Abdelkader de   Constantine, a entamé, de son côté, en 1997 une thèse de doctorat sur «la   révolution algérienne à travers les deux quotidiens La dépêche de   Constantine et Le réveil de Sétif», où les événements de Sakiet Sidi Youcef   constituaient un chapitre de l’histoire, mais il est mort en 2018 avant de   la terminer. 

Dr Ouarti a appelé, à ce titre, les universitaires à consacrer des   mémoires et des thèses à ces évènements en consultant des archives, des   journaux (El Moudjahid, la Dépêche de Constantine) et des témoignages en   plus des écrits. 

«L’agression sur Sakiet Sidi Youcef traduisait la situation confuse de la   IVème République et la suprématie de l’idée de l’Algérie française   consacrée par la décision de la France prise le 1er septembre 1956 de   poursuivre les unités de l’Armée de libération nationale (ALN) même en   territoire tunisien», a ajouté le même spécialiste qui a relevé qu’entre   juillet 1957 et janvier 1958, l’ALN a mené 84 opérations sur la frontière   algéro-tunisienne. 

Dr Ouarti a rappelé aussi qu’une série de frappes avait déjà touché Sakiet   Sidi Youcef le 1 et 2 octobre 1957 et qu’à la mi-janvier 1958, des djounoud   de l’ALN avaient tué, dans une embuscade à une patrouille de l’armée   française, 15 soldats et en emprisonnaient 4 autres. Le 30 janvier 1958, la   défense anti-avion de l’ALN tire sur un avion français et le 7 février   1958, des unités de l’ALN ripostent à un autre avion français. 

Le 8 février 1958 qui est, ajoute Dr Ouarti, un jour de marché   hebdomadaire du paisible village de Sakiet Sidi Youcef et précisément à   9h00, un avion français touché est contraint à atterrir en catastrophe à   Tébessa et à 10h00 du même jour, l’état-major des forces armées françaises   donna l’ordre de frapper le village de Sakiet Sidi Youcef.  Vingt six (26) chasseurs-bombardiers Corsair lancent le bombardement   meurtrier contre le village tuant 79 personnes dont 20 enfants et 11   femmes, blessant 130 autres et rasant des infrastructures, rappelle   l’universitaire. 
Le bombardement avait détruit quatre camions de la Croix-Rouge suisse et   du Croissant-Rouge tunisien chargés de vêtements qui allaient être   distribués, assurent plusieurs sources historiques. 
 
  Le bombardement de Sakiet Sidi Youcef reflète le désespoir de la  France 

Le bombardement de Sakiet Sidi Youcef a provoqué sur le plan international   un revirement en faveur de la cause algérienne, a indiqué l’universitaire.  «Le commandement de la Révolution a exprimé sa solidarité totale avec le   peuple tunisien et placé les unités de l’ALN à la disposition du   gouvernement tunisien dans le face-à-face contre l’ennemi commun», note la   même source. 

Les Etats-Unis avaient qualifié le bombardement d’»acte fou» note Dr   Ouarti, qui souligne que l’événement, contre les attentes françaises, «a   dopé le moral des révolutionnaires algériens». 
Il a ajoute que l’Union soviétique avait expliqué l’attaque par «le   désespoir de la France devant son incapacité à brider le peuple révolté».  «L’emplacement de Sakiet Sidi Youcef était stratégique en tant que zone   frontalière pour l’activité de l’ALN, centre de transit des armes et   munitions et lieu de regroupement des réfugiés», ont relevé Amel Djeddi et   Khaoula Bouziane, dans leur mémoire de master présentée en 2016 à   l’université de Tébessa et intitulée «l’agression française sur Sakiet Sidi   Youcef et son impact sur la position tunisienne envers la révolution». 

Approchées par l’APS, les deux chercheuses ont souligné que parmi les plus   importants ouvrages de référence à leur travail figurent le livre «Les   tunisiens et la révolution algérienne» du chercheur tunisien Habib Hassan   Ellaouleb et l’étude «Les rapports algéro-maghrébins et africains durant la   Révolution algérienne» d’Abdallah Megalati. 

Pour ces deux universitaires, ces mémoires abordent les évènements étudiés  selon des angles multiples malgré le fait de refléter parfois «des points   de vue personnels ou des orientations politiques et idéologiques».