REPORTAGE Sur les traces de Mohamed Salah

Publié par Dk News le 29-06-2019, 17h18 | 11

«Les légendes débutent ici». Cette phrase est largement visible à l’entrée du bloc réservé aux jeunes talents du club égyptien Arab Contractors, véritable pépinière qui a vu passer un certain Mohamed Salah, devenu plus tard l’un des meilleurs attaquants de la planète et récent vainqueur de la Ligue des champions d’Europe avec Liverpool.

Le club, basé au Caire, est la propriété d'une grande entreprise nationale éponyme de construction et de passation de marchés régionale égyptienne, créée en 1955 par Osman Ahmed Osman (1917-1999), entrepreneur et homme politique égyptien qui a exercé les fonctions de ministre égyptien du Logement sous l’ancien président Anouar El-Sadate (1970-1981).

Situé dans le district de Nasr City, au gouvernorat du Caire, l’immense complexe sportif d’Arab Contractors (traduit de l'anglais El-Mokawloon El-Arab), est implanté sur une superficie estimée à 122.000 m², soit beaucoup plus important que les complexes des deux clubs mythiques de la capitale Al-Ahly et le Zamalek.

Outre le football, plusieurs disciplines sont pratiquées par des centaines d’athlètes. C’est donc dans ce club fondé en 1972 que Mohamed Salah est arrivé très jeune pour intégrer le centre de formation, en provenance de son village natal de Nagrib, à proximité de Basyoun dans le gouvernorat de Gharbeya au delta du Nil (nord-est du Caire).

Connu pour être un club formateur par excellence en Egypte, Arab Contractors est un véritable réservoir de jeunes joueurs qui sont aussitôt arrachés à coups de millions de livres égyptiennes une fois arrivés à maturité, mais également à l’étranger comme ce fut le cas avec Mohamed Salah, transféré au club suisse du FC Bâle en 2012 contre un chèque de 2,5 millions d’euros.

C'est à Mohamed Redouane, premier responsable des jeunes catégories, que revient le mérite de découvrir l'ancien attaquant de Chelsea, la Fiorentina et l'AS Rome.

«En 2008, j’étais à la tête du staff technique de l’équipe première. Mon travail ne se limitait pas aux seniors. J’étais toujours attiré par les jeunes talents du club, je suivais leurs rencontres régulièrement avec l’objectif de dénicher l’oiseau rare, et c’est ce qui est arrivé avec Mohamed Salah, à peine âgé alors de 16 ans. Dès la première fois que je l’ai vu, il a vite attiré mon attention, c’était un génie, j’ai aussitôt pris la décision de le promouvoir en équipe fanion», se souvient-il.

«Non coach, je n’ai pas peur»

Animé d’une grande envie de percer et de réussir, Mohamed Salah, infatigable, parcourait une longue distance pour rejoindre le centre de formation. «Il faisait le va-et-vient entre le centre de formation et son domicile, ce qui est très difficile pour un jeune joueur surtout que la distance était longue. Nous avons décidé alors de le prendre en charge au niveau de notre hôtel avec ses coéquipiers.

C’est à partir de ce moment-là que nous avons entamé un travail de fond avec lui sur tous les plans : psychologique, physique et même nutritionnel. C’est là où sa formation prenait sa vitesse de croisière», a raconté à l'APS Mohamed Redouane. Et le jour J arriva enfin pour Mohamed Salah. Alors âgé de 15 ans et 10 mois seulement, il effectua ses grands débuts en équipe fanion. Mohamed Redouane, ému, a bien voulu relater cet événement.

«Je l’ai convoqué pour la première fois pour un match en fin de championnat en déplacement contre Enppi au stade Petrosport. Il avait 15 ans et 10 mois. C’est vrai qu’il était talentueux, mais il fallait bien avoir du courage pour faire jouer un jeune élément, surtout que notre équipe traversait une mauvaise passe.

Sa première apparition a été une grande réussite. En seconde période, et après quelques consignes tactiques sur son placement sur le terrain, je lui ai demandé : ++Est-ce que tu as peur ?++ Sa réponse a été sans équivoque : ++Non coach, je n’ai pas peur++». Et d'ajouter : «C’était quelqu’un d’ambitieux, qui voulait tant réussir en football et atteindre ses objectifs. Mohamed Salah était rapide, doué tactiquement en dépit de son jeune âge, il avait une grande avance dans ce domaine par rapport aux autres joueurs de sa génération».

Fidélité

Ayant rejoint en 2012 le club suisse de Bâle, pour sa première expérience à l’étranger, «Mo» Salah, comme l'appellent les Britanniques, n’a pas coupé les liens avec Arab Contractors, faisant preuve notamment d’une grande reconnaissance envers son «père spirituel» Mohamed Redouane à qui il «demandait conseil, notamment sur la gestion de sa carrière», et l’ensemble des fonctionnaires du club.

«Avant son départ en Suisse, il avait été convoité avec insistance par Al-Ahly et le Zamalek, mais son objectif était toujours l’Europe. Je lui avais conseillé de ne pas brûler les étapes en rejoignant un championnat moyen en Europe pour pouvoir jouer souvent, c’est ce qu’il a fait exactement en allant en Suisse. La suite vous la connaissez». Avant d’enchaîner : «C’est un joueur très reconnaissant, il n’a jamais tourné le dos au club. Dès qu’il arrive à l’aéroport du Caire, il se dirige directement au complexe sportif pour prendre de nos nouvelles, avant même d'aller au domicile de ses parents. Arab Contractors bénéficie toujours financièrement du moindre transfert de Mohamed Salah pour avoir inclus une clause relative à la prime de formation».

Interrogé sur l’ailier algérien Riyad Mahrez (Manchester City), qui côtoie Salah sur les terrains de la Premier League anglaise, Mohamed Redouane n’a pas tari d’éloges sur le capitaine de l’équipe nationale, tout en refusant de le comparer au joueur de Liverpool.

«Mahrez est un très grand joueur, il est très populaire ici en Egypte, nous l’encourageons.

Je refuse de le comparer à Salah parce que chaque joueur a ses qualités et ses spécificités». Outre Salah, Arab Contractors a également permis au milieu de terrain égyptien Mohamed Elneny (Arsenal) de se frayer un chemin sur la scène footballistique. A l’instar de l'attaquant des «Reds», Elneny a quitté Arab Contractors en 2013 pour s’engager avec Bâle puis avec Arsenal en 2016.