Libye: Enlisement de la bataille autour de Tripoli, les belligérants face à leurs responsabilités

Publié par DK NEWS le 31-07-2019, 16h55 | 5

La crise en Libye prend désormais une autre trajectoire avec de nouvelles «tactiques militaires» adoptées par les belligérants multipliant des raids aériens contre des objectifs secondaires mais aux retombées catastrophiques sur les vies humaines, alors que l'ONU et l'opinion internationale leur incombent désormais la responsabilité de la résolution de la crise.

Face à l'enlisement de la bataille pour le contrôle de Tripoli, les belligérants libyens «changent de tactiques et intensifient leurs raids aériens», une escalade militaire dont s'est alarmé l'émissaire spécial de l'ONU, Ghassan Salami, en les exhortant à la trêve.

«L'incapacité d'un camp comme de l'autre à progresser militairement (...) les pousse à repenser les tactiques militaires», explique Khaled al-Montasse, professeur à l'université de Tripoli.

En effet, les belligérants ciblent des objectifs de second plan, à l'image de base-arrières, de centres d'approvisionnement, de centres de rassemblement de troupes, ainsi que des centres de santé, et ce, dans l'objectif d'affaiblir les forces et le moral de la partie adverse, selon des médias locaux.

 Les troupes du général à la retraite, Khalifa Haftar, s'en sont prises, au cours de ces deux dernières semaines, à au moins trois objectifs qui n'ont rien avoir avec les forces du gouvernement d'union nationale libyen (GNA), dirigé par Fayez al Sarradj.

 Il s'agit de son attaque contre un centre d'hébergement pour migrants, de son attaque contre un hôpital civil et tout récemment contre l'aéroport international de Tripoli, le seul aéroport encore en activité dans le pays.

 Toutes ces attaques se sont soldées par des dizaines de morts parmi les occupants des lieux, majoritairement des civils et complètement innocents.

 Les troupes de Haftar, qui peinent à avancer sur Tripoli depuis le 4 avril, recourent souvent au recrutement des mercenaires, affirme-t-on de sources concordantes, pour réaliser les objectifs en question.

De leur côté, les forces du GNA qui tentent de repousser les troupes de Haftar du Sud de Tripoli, prennent des objectifs secondaires dont la portée ne pèse rien sur le cours de la guerre en cours, toujours selon les médias.

 Les dernières opérations qu'ont effectuées ces dernières sont celles ayant ciblé samedi une école militaire à Misrata, à 200 km à l'est de Tripoli et une base d'approvisionnement de vivres pour les forces de Haftar. Les combats entre les belligérants se poursuivent en dépit des appels de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et d'autres organisations humanitaires à l'effet d'épargner les civils et des objectifs civils.

 Les combats aux abords de la capitale libyenne ont fait 1093 morts et 5752 blessés ainsi que plus de 100 000 déplacés depuis le début de l'offensive de Haftar, selon un dernier bilan de l'OMS.

L'ONU se démarque et met les belligérants devant leurs responsabilités

L'ONU, qui suit de très près l'évolution de la situation en Libye depuis son déclenchement, a tenu, lundi, à travers son émissaire spécial, Ghassan Salami, à se démarquer de l'«enlisement» qui caractérise les rapports entre les belligérants et à condamner leurs «surdité» et «ignorance» quant au différents appels à la retenue et au calme.

 «Les parties ignorant les appels à la désescalade, ont intensifié les raids aériens, avec des frappes de précision par des avions et des drones», a constaté M. Salamé, faisant observer que «la portée géographique de la violence s'est également étendue».

«Les risques d'une guerre d'usure ou d'une escalade vers un conflit armé sur les rives du sud de la Méditerranée sont également inacceptables», a-t-il martelé, exhortant les Libyens à ne plus tenter d'«atteindre leurs objectifs par des moyens militaires».  L'émissaire onusien a dit regrette cette situation, alors que ses soins ont proposé un plan de résolution de la crise se déclinant en trois: «la mise en place d'un cessez-le-feu, puis une réunion de haut niveau entre les pays concernés par la crise libyenne pour faire respecter l'embargo sur les armes en Libye et la réunion de personnalités influentes du pays pour cimenter un consensus».

M. Salamé a exhorté ainsi les belligérants à saisir la date du 10 août prochain, correspondant avec la veille de l'Aid al-Adha pour amorcer une trêve.

Pour commencer, l'émissaire onusien a préconisé aux belligérants de s'échanger des gestes de confiance, à l'instar de l'échange des prisonniers.  Pour sa part, la Chine qui a montré son inquiétude vis-à-vis de la situation en Libye depuis le début de l'escalade a appelé, jeudi, l'ONU à l'effet de confier désormais le processus de paix en Libye aux libyens eux -mêmes.

 Wu Haitao, représentant permanent adjoint de la Chine auprès des Nations Unies, a dit «que l'avenir de la Libye devrait être déterminé par son people et que la communauté internationale devrait respecter sa souveraineté, son indépendance et l'intégrité de son territoire».

«Des pays qui exercent une influence sur le terrain devraient pousser les parties libyennes à chercher un consensus et leur fournir une aide constructive en vue d'établir une trêve et de reprendre le dialogue politique», a-t-il dit lors d'une réunion du Conseil de sécurité.

 Le diplomate a appelé à une résolution politique du conflit en cours, déclarant que toutes les parties libyennes devraient demeurer engagées envers l'objectif final d'une résolution politique et que la question libyenne devait être résolue par des moyens politiques.