Les massacres du 17 octobre 1961 à Paris, un "crime d’Etat contre l’humanité"

Publié par DK NEWS le 15-10-2021, 17h24 | 40

 L’historien et politologue français, Olivier Le Cour Grandmaison, a qualifié les massacres perpétrés le 17 octobre 1961 à Paris contre des manifestants algériens pacifiques de "crime d’Etat contre l’humanité", commis en vertu d'un "plan concerté" à l'encontre de civils qui furent "torturés et sommairement exécutés".

"Ce qui a été perpétré alors est bien un crime d’Etat", a affirmé M. Le Cour Grandmaison dans un entretien à l'APS, relevant que "la question désormais est moins celle de la connaissance de ces que celle de la reconnaissance des crimes d’Etat commis alors".

S'exprimant en sa qualité de docteur en sciences politiques et enseignant dans cette discipline à l’université et aussi auteur de plusieurs ouvrages sur la colonisation française, historien et politologue, il a rappelé que "des contemporains, comme l’historien Pierre Vidal-Naquet et Paul Thibaud, dans le numéro de Vérité-Liberté de novembre 1961, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, entre autres, de la revue Les Temps modernes, avaient déjà une connaissance précise de ce qu’il s’était passé au mois d’octobre 1961 en général et lors de la soirée du 17 octobre en particulier".

L'universitaire a fait savoir que ces contemporains savaient que "plusieurs centaines d'Algériens avaient été tués et ils n'hésitaient pas, contrairement à certains aujourd’hui, à qualifier les faits de +massacres+ perpétrés dans le cadre d’une +terreur d’Etat+ mise en œuvre en Algérie et à Paris".

Il a ajouté que la regrettée Nicole Dreyfus, avocate des militants du FLN, estimait "qu'il s'agissait, conformément à l'article 212-1 du Code pénal, d’un crime contre l'humanité exécuté en vertu d'un plan concerté à l'encontre de civils qui furent torturés, exécutés sommairement, noyés et parfois soumis à la disparition forcée".

En ce sens, M. Le Cour Grandmaison a fait observer qu’à l'occasion du 60ème anniversaire de ces massacres, "ceux-ci doivent être enfin qualifiés de façon précise par le président de la République, et l'Etat, responsable et coupable, nommé comme tel", ajoutant que "cela vaut aussi pour le préfet de police, Maurice Papon, et ses supérieurs hiérarchiques, le ministre de l'Intérieur, Roger Frey, et le premier ministre, Michel Debré".

S'exprimant sur les raisons qui empêchent la réconciliation des Mémoires entre l’Algérie et la France, il a estimé que "l'un des obstacles majeurs est le refus des chefs d'Etat français, qu'ils soient de droite ou de gauche, de reconnaître les crimes commis au cours de la colonisation de l'Algérie à partir du moment où les colonnes infernales du général Bugeaud se sont abattues sur cette colonie".

Il a rappelé que "de nombreux crimes de guerre et crimes contre l'humanité ont été commis", soulignant à cet égard que "les massacres du 17 octobre 1961 prouvent que les techniques de la guerre contre-révolutionnaire n'ont pas été seulement mises en œuvre de l'autre côté de la Méditerranée, mais aussi dans la région parisienne et dans la capitale".

"A preuve, la torture, les disparitions forcées et les exécutions sommaires. Il est temps que l'Etat français reconnaisse enfin ses responsabilités, comme de nombreux pays (Allemagne, Grande-Bretagne, Canada, Nouvelle-Zélande, Australie, Etats-Unis).., l'ont fait", a-t-il indiqué avant de faire observer que dans ce domaine, "les autorités françaises se distinguent par une pusillanimité scandaleuse et inacceptable".