Les massacres du 17 octobre 1961, commis par la police française à l'encontre de manifestants algériens pacifiques, ont constitué la répression "la plus sanglante" en France depuis la Commune de Paris, affirme le chercheur en histoire, Hassan Remaoun, déplorant "le déni mémoriel" pratiqué par la France sur ces événements.
"La violence de la répression déclenchée le 17 octobre 1961 va occasionner ce qui semble être le plus sanglant des massacres commis à Paris depuis l’épisode de la Commune de Paris, en 1871", souligne M. Remaoun, dans une contribution, à publier ultérieurement et adressée à l'APS, à l'occasion de la commémoration du 60 éme anniversaire de ces tragiques événements.
Tout en insistant sur le caractère "pacifique" de la manifestation initiée par la Fédération de France du Front de Libération nationale (FLN ), le chercheur au Centre de Recherche en Anthropologie sociale et cultuelle (CRASC) précise que les quelques 30.000 à 40.000 travailleurs algériens étaient "accompagnés de femmes et d'enfants". Ce qui n'empêcha pas qu'elle soit "réprimée de manière particulièrement violente par les milliers de policiers mobilisés", a-t-il déploré.
Et de rappeler le motif invoqué par la Préfecture de police de Paris d’instaurer un couvre-feu, destiné aux seuls musulmans algériens, à savoir le nombre d’attentats commis, précédemment, contre des policiers français dans la France métropolitaine et attribués au FLN. A ce propos, le chercheur a tenu à préciser que la riposte du FLN était motivée par le fait que les cibles avaient "participé à des opérations de torture, de disparitions et d'assassinats d’Algériens".
Ceci, poursuit-il, "y compris par noyades dans la Seine, le nombre des victimes étant en augmentation depuis la mise sur pied de la Force de Police auxiliaire (FPA) constituée de harkis déplacés en France pour quadriller la communauté algérienne, dans la capitale et sa banlieue et dans toute la France".
"L’objectif était d’affaiblir au maximum le FLN, pour réduire sa représentativité au moment où des négociations se déroulaient entre les nationalistes et les autorités coloniales. Ceci en sus d'un contexte marqué par des désaccords au sein du gouvernement français sur l’attitude à adopter", a-t-il expliqué.
Et de rappeler le profil de celui qui a dirigé la répression, à savoir le préfet de police, Maurice Papon, à l’origine de la création à Constantine de la Section administrative urbaine (SAU), puis du Centre de renseignement et d’action (CRA), généralisé ensuite à toute l’Algérie et introduit, à partir de 1958 à Paris, sous le nom de Service de coordination des Affaires algériennes (SCAA), lequel s’appuyait sur la FPA et d'autres services de police parallèle.
"Ce dispositif renforcé par les autres moyens rattachés à la préfecture de police (des milliers d’agents) a été mis en branle lors de la répression de la manifestation, provoquant l’arrestation de près de 12.000 personnes, pour subir les pires sévices, avant que des milliers d’entre elles ne soient expulsées et internées ou même sommairement exécutées en Algérie. A Paris même, des sources crédibles enregistrèrent plus de 120 tués ", détaille-t-il.
Et de faire observer "la possibilité qu’il y ait eu plus de 200 victimes, en incluant les assassinats des jours et ceux qui précédèrent l’évènement", avant de souligner que "comme c’est le cas dans de pareilles situations, même des étrangers non originaires d’Algérie ont été arrêtés et brutalisés durant cette nuit, à cause de leur faciès, le cas le plus connu étant celui du Colombien, futur prix Nobel de littérature, Gabriel Garcia-Marquez".