Massacres du 17 octobre 1961 : L’Etat colonial français était "foncièrement raciste" en Algérie (historien)

Publié par DK NEWS le 16-10-2021, 14h33 | 10

L’Etat colonial français était "foncièrement raciste" en Algérie, soutient le chercheur en histoire, Fouad Soufi, déplorant "le déni et le refus" de celui-ci de reconnaître ses multiples crimes, dont les massacres du 17 octobre 1961 perpétrés en France et ayant coûté la vie à des dizaines d'émigrés algériens.  "Il ne faut pas être naïf. 
L’Etat colonial en Algérie était foncièrement raciste et fondamentalement au service de la minorité européenne. 
Quant à la population colonisée, c’était comme l’a écrit Olivier Le Cour Grandmaison, +coloniser, exterminer +", affirme l'historien, dans une déclaration à l'APS, à la veille de la commémoration du 60ème anniversaire des massacres du 17 octobre 1961, perpétrés à Paris par la police française contre des manifestants algériens pacifiques. 
Situant le contexte de cette manifestation pacifique, "contrairement à l’ambiance générale" dans laquelle baignaient la capitale française et d'autres régions de France, il rappelle que les policiers de Paris "étaient chauffés à blanc par leur hiérarchie". 
Ces derniers ayant été ciblés, durant les semaines précédentes, par des actions attribuées aux commandos de l'Organisation Spéciale en raison de leurs attitudes racistes à l'égard des Algériens. 
"D’où, les contrôles systématiques au faciès, les arrestations arbitraires ainsi que les matraquages auxquels ils se livraient", rappelle-t-il encore, insistant sur le fait que "ce n'est pas le nombre de morts qui rend un événement plus tragique qu'un autre et qui caractérise un massacre, un massacre étant aussi un événement tragique". 
Et de soutenir son propos par des faits comme celui de l'assassinat, en avril 1962 à Oran, par l’Organisation de l'Armée secrète (OAS) de 17 Algériens, hommes et femmes, alors qu'ils s'étaient réfugiés dans un garage. 
De même que l’exemple de ces femmes (une dizaine) des Aurès, assassinées par l’armée française avant d'être jetées dans un puits. 
"Ces événements sont bel et bien des massacres", martèle-t-il, déplorant qu'ils aient, toutefois, "pratiquement disparu de notre histoire". 
Et de plaider, à ce propos: "Je crois que ce qui est important pour une connaissance toujours plus approfondie de notre histoire, c’est que, désormais, il nous faut nommer et non plus seulement compter ! ". 
Il s'agit, explicite-t-il, de se poser toutes les questions sur les circonstances, les auteurs, le pourquoi et le comment des événements liés à la présence coloniale française en Algérie, regrettant, par ailleurs, que "même 60 ans après, pour ne pas dire 191 ans après, puisque les premiers massacres ont eu lieu en 1830, la France coloniale, et plus précisément la France colonialiste et nostalgique, soit dans le déni et le refus de reconnaître ses crimes". 
Et de faire observer que "très souvent, c’est la raison d’Etat qui prévaut en France", tout en évoquant le poids de l’opinion publique et de l’électorat français, avant de considérer que le contentieux mémoriel entre les deux pays est "l’expression d’un conflit entre les mémoires nationales", citant, à ce sujet, le contentieux entre la Turquie et la Grèce, d'une part et celui entre le Japon et la Chine ainsi que la Corée du Sud, d’autre part. 
Convié, par ailleurs, à commenter la récente sortie médiatique du président français, Emmanuel Macron, le chercheur rétorque: "c'est l’occasion de rappeler que des cartons d’archives produites par l'Etat algérien, d’avant 1830, se trouvent encore en France. 
Un ancien Directeur général des Archives nationales l’avait signalé il y a plus de vingt ans et M. Benjamin Stora l’a confirmé dans son rapport à M. Macron". 
Toujours à propos de la problématique des archives, l'historien déplore "l’écart trop grand" s'agissant des travaux effectués sur la mémoire et l’histoire en Algérie, comparativement à ceux réalisés dans l'ancienne colonie, plaidant, par conséquent, pour accorder une "juste place" à ces questions, afin, argumente-t-il, de "mieux appréhender l’identité nationale, laquelle demeure sous-jacente à ce genre de débats". 
"Grâce aux témoignages et aux études d'acteurs, de responsables de la Fédération de France du Front de Libération nationale (FLN), ainsi qu'aux travaux novateurs d’historiens sur la Spéciale et sur la Fédération et aux archives de cette dernière, nous pouvons et devons continuer dans cette voie", recommande-t-il, avant de conclure en revendiquant "l'accessibilité de tous" aux archives en question.