Internet satellitaire : Les grandes manœuvres des géants du numérique

Publié par Aziz Khalil le 31-10-2021, 18h05 | 47

 Les observateurs ont eu de la matière à analyser avec cette annonce faite, en mai dernier, par SpaceX, la société d’Elon Musk  d’un accord avec Google, pour la mise en place d’un réseau internet de haut débit. En fait, 
il s’agit de deux géants respectifs sur des créneaux spécifiques de la bataille de la big data qui décident 
de mettre en synergie leurs forces pour mieux se positionner dans le futur internet des objets. Chemin faisant, ils visent également à placer leurs pions bien avant des concurrents déjà dans les starting-blocks.   

SpaceX met dans l’affaire son impressionnant réseau de  satellites Starlink, qui couvre  la planète : « Il s’agissait du dixième lancer de satellites Starlink de 2021, et du 26e lancer au total.

1.300 satellites sont aujourd’hui en orbite basse pour alimenter le réseau, rapporte le site d’informations générales français www.20minutes.fr qui ajoute : « Fin avril, SpaceX a de plus reçu l’autorisation de la FCC (Federal Communications Commission) d’envoyer 2.814 satellites supplémentaires sur une orbite bien plus basse qu’auparavant, à 540 km d’attitude », écrit-il dans un article inséré le 9 mai dernier.

L’objectif des ingénieurs de cette société étant de surmonter les contraintes du débit et de  la latence, mais surtout d’offrir l’accès à internet dans des zones où l’infrastructure est inexistante.

Pour la patronne de l’exploitation de SpaceX,  citée dans un article de 20minutes.fr, daté du 15 mai dernier, «Combiner le haut débit et la faible latence de Starlink aux infrastructures et aux ressources de Google va offrir aux organisations du monde entier la connexion sécurisée et rapide qu’elles attendent».

Pour l’heure, et bien avant le lancement officiel de son service, SpaceX ne se cache pas pour faire savoir qu’il a déjà enregistré près de 500.000 précommandes En prévision d’une expérience de démonstration publique, la société avait envoyé des invitations par courrier, accompagnées   des indications spécifiques à ce nouveau produit, à savoir : « des vitesses estimées de 50 Mb/s à 150 Mb/s ; une latence estimée de 20 à 40 ms ; quelques interruptions de la connectivité à prévoir ; 499 $ pour l'antenne réseau à commande de phase et le routeur ; un abonnement de 99 dollars par mois », lit-on dans un papier du site www.developpez.com, daté du 6 mai.Les responsables de la société ont fait part de la disponibilité de   SpaceX à assumer ces commandes, même s’ils reconnaissent que  «la seule limitation est la forte densité d'utilisateurs dans les zones urbaines », lit-on sur le même site.

Le patron de la société, Elon Musk s’est impliqué dans l’effort de communication sur cette nouvelle offre en assurant n’avoir « aucun problème technique pour répondre à la demande », et que, de toute façon, « les dépôts de 99 $ que SpaceX a pris pour le service étaient entièrement remboursables et ne garantissaient pas le service », relève  developpez.com qui cite, par ailleurs, un ingénieur de chez SpaceX confirmant que « plus d'un demi-million de personnes ont passé une commande ou fait un dépôt pour bénéficier de Starlink »

Google, un incontournable

A l’annonce du projet d’accord, beaucoup se demandaient pour savoir quels bénéfices le géant de la recherche sur internet devait-il escompter de cette alliance.

Il faut d’abord rappeler que les liens entre les deux sociétés remontent à loin, au moment où Google avait décidé d’investir dans la constellation de satellite de SpaceX.

« L'investissement de Google dans SpaceX est confirmé.

La firme de Mountain View et la société Fidelity contrôleront ensemble un peu moins de 10 % de SpaceX, pour un milliard de dollars », trouve-ton dans une information émise par le site d’information français  www.numerama.com, le 21 janvier 2015.Intéressé par la problématique de la connectivité à haut débit, son projet Loon de ballons à hélium ne lui a pas permis de s’assurer une domination de l’accès à internet dans différentes zones du monde.

Challengé par Facebook sur le créneau de la connectivité à internet, Google aura en effet tenté toutes les méthodes pour régner sur ce marché.

C’est ainsi  que le géant de la recherche sur internet avait entrepris un projet de satellites, en investissant dans une jeune start-up  O3b Networks, avant de racheter en 2014, « le fabricant de satellites Skybox pour 500 millions de dollars », selon une information du site lemonde.fr, du 21 janvier 2015.

En parallèle à son projet de ballons, Google s’était également essayé aux drones en faisant l’acquisition de Titan Aerospace, une société de conception de drones.

 En misant sur ce partenariat avec Starlink, Google entend valoriser son potentiel de cloud computing, et notamment son parc de Datacenter avec leurs capacités de calcul, de traitement et de d’exploitation des données, assises sur un potentiel d’intelligence artificielle capable de rendre de multiples services ; « Dans le cadre d'un nouveau partenariat, les centres de données Google Cloud abriteront l'infrastructure clé Starlink afin de permettre aux utilisateurs d'entreprise de mieux accéder aux services clés, Google mettant notamment en avant la faculté de connecter des sites distants et difficiles d'accès avec les mêmes performances et la même sécurité que par la fibre », explique le site www.developpez.com, dans son article du 15 mai dernier qui retient comme objectif final de cet accord, « de rendre les services, les données et les applications cloud disponibles aux entreprises des zones rurales ou éloignées ».

Devancé par Microsoft, acteur puissant, après Aamzon, dans les offres en cloud, qui, de surcroit a déja passé un contrat avec Starlnk, Google entend mettre à profit ce nouvel accord pour valoriser son potentiel et rééquilibrer les rapports de force ; « Cet accord apparaît comme une victoire pour Google...

Ainsi, un partenariat comme celui-ci est inédit pour Google.

Il lui permettrait d’occuper une place plus importante sur le marché du cloud au prochain trimestre », constate ce même site rappelant néanmoins, que « Microsoft avait pris de l’avance sur l’entreprise en signant, l’année dernière, un accord similaire avec l’entreprise d’Elon Musk.»

Duel entre Elon Musk et Jeff Bezos

L’accord passé entre Google et SpaceX donne du coup un peu de tonus à Elon Musk embarqué dans une compétition, voire une rivalité avec un autre manager milliardaire, Jeff Bezos, patron du leader mondial du commerce en ligne.

C’est à couteaux tirés entre les deux rivaux qui n’ambitionnent rien de moins que d’occuper l’espace de la basse orbite par leurs constellations de satellites pour couvrir la planète en connexion de haut débit et de  faible latence : « Comme les corps célestes, les entrepreneurs milliardaires entrent parfois en collision » constate le site du quotidien français lemonde.fr qui avance que  « le patron de SpaceX, Elon Musk, et le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, veulent l’un comme l’autre connecter à Internet toute la surface du globe, grâce à leurs constellations de milliers de satellites, baptisées respectivement   "Starlink"   et   "Kuiper" », écrit-il dans un article publié le 2 avril dernier. Un bras de ferles avait en effet opposés devant l’autorité fédérale en charge des communications, la FCC auprès de laquelle Elon Musk avait plaidé en faveur de  sa constellation au détriment de celle d’Amazon : «Ce n’est pas rendre service au public que d’essayer de couper les jarrets de Starlink aujourd’hui, au profit d’un système de satellites Amazon qui ne fonctionnera pas avant plusieurs années, au mieux »,a ironisé le patron de SpaceX, cité par le monde.fr,  à propos du retard pris par le projet d’Amazon.

Mais ce qui fait le plus jaser Amazon, et d’autres concurrents, c’est la faveur obtenue par SpaceX d’abaisser le niveau de l’orbite pour ses futurs satellites ; l’autorisation lui a été accordée en 2018 pour le placement  de 4 425 satellites de communication sur des orbites situées entre 1 110 km et 1 325 km, et pour le lancement de 7 500 autres satellites sur une orbite de  350 km.Mais dès 2019, Elon Musk indiquait son souhait de placer ses satellites sur des orbites plus basses, « entre 328 et 580 km d’altitude », selon le site  www.clubic.com, qui explique que cette diminution de « l’altitude de sa constellation, et donc la distance avec les stations relais et les utilisateurs de Starlink au sol, SpaceX devrait améliorer significativement la qualité de son réseau satellitaire.La latence et la vitesse de connexion seront améliorées, et la connexion dans les zones polaires sera bien meilleure », avance-t-il dans un papier daté du 29 avril.

L’accord obtenu récemment auprès de la FCC n‘a pas été du gout des autres concurrents et, notamment, Amazon qui ne s’est pas caché pour pointer qu’avec  cette réduction d’orbite, « SpaceX va en effet surcharger l’orbite basse d’ondes électromagnétiques, qui pourraient créer de nombreuses interférences avec les réseaux concurrents », relève ce même site. Face à ces critiques, la FCC a imposé à SpaceX d’améliorer la précision de la trajectoire de ses satellites pour réduire la marge d’erreur à moins de trente kilomètres, comme elle lui a « spécifié qu’en cas d’interférence, c’est SpaceX qui devra réduire la qualité de son service, et non ses concurrents », lit-on sur clubic.com.

Selon un expert cité par lemonde.fr, la bataille semble pencher en faveur d’Elon Musk qui, a-t-il expliqué, possède  «des années d’avance », en ajoutant que SpaceX a déjà « déposé au total 42 000 demandes d’autorisation… soit cinq fois le nombre d’objets lancés dans le ciel depuis Spoutnik, en 1957.»  

Microsoft, l’autre allié de SpaceX contre Amazon

Les accords d’Elon Musk avec les opérateurs du cloud, notamment Micorsoft, redynamisent la compétition sur ce créneau d’avenir par lequel seront captées, traitées et exploitées les données de la big data.

La firme de Bill Gates a déjà annoncé un partenariat avec SpaceX, il y a de cela quelques mois, au moment où la société s’était engagée dans une offre marketing ouverte à tous les opérateurs pour les ramener à son offre de cloud computing, intitulée "Azure Space", soit « un ensemble de produits et de partenariats conçus pour positionner Azure comme un acteur clé dans le domaine de la connectivité et du calcul dans l'espace lié au marché du cloud », écrit le site français zdnet.fr, dans une nouvelle insérée le 23 octobre 2020.

Et Microsoft a alors ratissé large en configurant son offre, non seulement pour les opérateurs de l’aérospatiale, mais également  pour « attirer les entreprises clientes dans les domaines de l'agriculture, de l'énergie, ou encore des télécommunications », selon ce même site qui précise que ce nouveau service « est également destiné à tout client ayant des besoins d'accès à distance et de bande passante.» Microsoft affiche ainsi un positionnement face à un concurrent redoutable, Amazon, qui a développé, lui aussi, une offre propre à destination des acteurs de l’aérospatiale, et mis sur pied un service dédié, en juin 2020, "Aerospace and Satellite Solutions".

 En plus de disposer de son propre service de connexion à internet, AWS Ground Station,  Amazon  a donc lancé un  service de  constellation satellitaire autour de son projet ‘'Kuiper’'.

 De son côté, Microsoft  s’abstient de  toute velléité d’aller sur le marché des satellites, préférant bâtir son offre sur un partenariat avec SpaceX, pour faire transiter les connexions internet sur son  nouveau centre de données modulaire Azure de Microsoft (Azure Modular Datacenter) ; il s’agit d’un centre de données sur le cloud installé sur un conteneur de transport qui offre toutes les garanties d’un bon fonctionnement : « son propre système de ventilation et de climatisation, des baies de serveurs, des capacités de mise en réseau et de sécurité », selon zdnet.fr qui ajoute que le  service  «  est destiné à offrir aux clients une option robuste pour installer un centre de données Azure dans des endroits éloignés».Microsoft a la volonté de se développer dans l'industrie spatiale.L'entreprise a dévoilé il y a quelques mois un nouveau service appelé Azure Orbital, pour connecter les satellites directement au cloud.Dans un papier du 22 octobre 2020, le site d’information français siecledigital.fr  expliquait ainsi les motivations de l’accord passé avec SpaceX :  « les équipes de Microsoft souhaitent faire de l'ombre aux activités de Jeff Bezos.

En effet, Amazon Web Services propose déjà un service pour connecter son offre de cloud à des satellites et travaille avec un concurrent de Starlink appelé Kuiper », indiquait-il.

A.K