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Le moudjahid Mohamed Ghafir dit Moh Clichy de la Fédération de France du FLN au Forum de DKNews - 17 octobre 1961: Une étape charnière du parcours de la Révolution algérienne

Publié par DK News le 14-10-2014, 19h34 | 602
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L’histoire demande à être écrite pour qu’elle soit un témoignage crédible et non une suite d’histoires. Elle doit éclairer pour que ne se pose pas la question : d’où venons-nous et où allons nous?

Le 17 octobre 1961 est retenue comme date de massacre d’Algériens à Paris. Ces Algériens étaient sortis dans la rue, pour manifester en faveur de l’indépendance.

Le 17 octobre 1961 est une date qui a marqué l’histoire. La commémoration de cet évènement offre l’opportunité politique de revenir sur cet évènement. Pour nous en parler, pour nous éclairer, le forum de DK News a invité Mohamed Ghaffir qui a été un acteur actif, car chef d’une super zone  rive gauche de Paris. Paris dit-il est au cœur de l’ennemi. Ghaffir ne veut pas parler de lui.

Il a horreur dit-il d’utiliser le « je »car la révolution c’est le peuple qui l’a faite. C’est la base qui commande et non des chefs. Son nom de guerre est Moh Clichy. Clichy car c’est là où il résidait. Pour l’histoire dit il, il n’est pas écrivain. Seulement, responsable à l’époque.

« Un peuple qui n’a pas de mémoire n’a pas d’avenir », disait Aimé Césaire. L’histoire, c’est savoir d’où on vient, pour savoir où on va.1er novembre, 5 juillet. Un ensemble d’étapes dont celle du 17 octobre.  

20 août 1955 , 12500martyrs à Constantine.  Les populations étaient sorties manifester pacifiquement sous le commandement de Zighout Youcef. 20 août 1956, c’est le congrès de la Soummam avec la création du CCE. Nombre d’étudiants et de lycéens ne savent même ce que signifie le CCE.  Ils ne savent pas que 5 dirigeants étaient désignés et que fut élaborée la charte de la Soummam. Le FLN avait appelé à une grève de 8 jours. Cette grève a été décidée par le CCE. Tout le monde devait rester chez soi.

Et cela avait été fait presque à 100%. Il s’agissait de donner un nouvel élan à la révolution.
Cette grève a été un 1er Novembre bis. En 1957, 300 000 Algériens ne sont pas allés à leurs usines, paralysant leur fonctionnement.

Messali Hadj fut approché deux fois pour lui dire que la décision est prise de passer à l’action armée le 1er novembre. Il avait refusé de donner son accord et de prendre la tête de la révolution. En réponse, il créa le MNA pour combattre non pas la France mais le FLN.

Le premier martyr tombé sous les balles du MNA est Rabea Rabea. C’était le 28 février 1957, de deux balles dans la tête. Les autorités françaises se réjouirent d’annoncer qu’il s’agit d’une guerre entre Algériens. 1958, année de la 2e étape. Le second front armé (28 août 1958). Le GPRA fut créé ce qui constituera un nouveau souffle.

En 1957, Abane  se rendit en Tunisie et désigna Boudaoud pour diriger la Fédération FLN de France avec pour consigne de s’installer en dehors de la France..,  Abane lui dit qu’il faut se préparer pour le moment opportun. L’organisation s’inspira des grandes structures de l’OAS.

Abane visionnaire inscrit l’action armée en France pour ouvrir un second front. Revenu aux affaires de Gaulle lança la formule : l’Algérie française est de Dunkerque  à Tamanrasset. La réaction  du FLN a été de faire la révolution de Dunkerque à Tamanrasset. Zohra Drif a écrit dans un livre que les bombes d’Alger ont traversé la Méditerranée  pour influencer de Gaulle.

En 1959, Maurice Papon préfet de Constantine fut muté à Paris avec la consigne d’assainir Paris de la présence du FLN.

Le 15 septembre, Jacques Soustelle a échappé à un attentat. Sa voiture fut criblée de balles. Le 9 décembre 1960, de Gaulle à Aïn Témouchent parla de l’Algérie algérienne. Formule ambiguë.Les Algériens répondirent « Algérie musulmane ».

L’année 1961 est une année charnière. Le 8 janvier, fut organisé un référendum en France qui révéla que 80%des Français étaient pour l’autodétermination algérienne. Des pourparlers devaient se tenir à Évian. L’OAS assassinat le maire d’Evian.

Le premier rendez-vous fut annulé. Ce n’était que partie remise. Après une nouvelle rencontre, c’était les Algériens qui avaient refusé de négocier pour une Algérie indépendante sans le Sahara. Août 61, le mois rouge. Beaucoup de morts des deux côtés. Instruction de Papon il faut tuer 10 Algériens pour un Français tué.

Enfin   le 17 octobre, 80 000Algériens étaient descendus des banlieues vers Paris. Il pleuvait. C’était un dimanche pluvieux.
C’était un massacre d’Algériens sortis manifester pacifiquement.
De Gaule avait compris que c’était le moment de faire la paix car la guerre se serait installée sur le territoire français.
Il contacta le gouvernement suisse pour reprendre les négociations à Evian.  Le GPRA était l’interlocuteur algérien.

Par  Saïd Abjaoui

L’enfant de Guenzet

Mohamed Ghafir est un fidèle porteur de l’action collective du peuple algérien pour sa libération. Il inscrit toutes les dates de son histoire dans le « nous » unitaire.

Le 20 août 1955 en est la première expression populaire, après le 8 mai 1945 : 12000 mots algériens !
Le 20 août 1956, « le congrès de la Soummam a fondé la stratégie collective de la Révolution algérienne, y compris l’étape d’installer la guerre sur le territoire français » affirme Mohamed Ghafir.
Il démontre dans ses conférences que le FLN a toujours eu l’initiative.

 Mohamed Ghafir parle «au nom des morts et des vivants», évoque Aimé Césaire pour qui « un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir», s’investit dans la transmission de l’histoire, «ce qui me fait vivre et revivre » dit-il.

Notre histoire n’est pas connue

On pourrait adresser ce poème de Kateb Yacine à ceux qui vivent aujourd’hui, en Algérie et en France :
«  Peuple français, tu as tout vu
Oui, tout vu de tes propres yeux
Tu as vu notre sang couler
Tu as vu ta police
Assommer les manifestants
Et les jeter dans la Seine.
La Seine rougissante
N’a pas cessé les jours suivants
De vomir à la face.
Du peuple de la commune
Ces corps martyrisés
Qui rappelaient aux Parisiens
Leurs propres révolutions
Leur propre résistance
Peuple français, tu as tout vu
Oui tout vu de tes propres yeux,
Et maintenant vas-tu parler ?
Et maintenant vas-tu te taire ? »

Avant que Kateb ne pose cette question, il y a eu la décision de Michel Debré de confier à Maurice Papon l'instruisant sous la forme péremptoire qui ne souffrait d'aucune équivoque : «Il faut me nettoyer Paris des tueurs du FLN. La capitale du FLN c'est Paris, ni Tunis, ni Le Caire !».

L'ordre  se mua dans la bouche de Papon en appel au meurtre à ses sbires: «Réglez vos comptes personnels avec les Algériens, vous êtes couverts par le pouvoir.»

Plus de 300 morts, 400 disparus et 16.000 détenus sans compter celles et ceux qui n’ont jamais été inscrits au registre des martyrs.

« Deuxième Front,  1er Novembre bis »

Depuis le 25 août 1958 à 0 heure, la guerre est transportée « en France sur le territoire de l’ennemi » comme l’ont écrit des historiens français. Au lieu de la France, «  la Révolution algérienne de Dunkerque à Tamanrasset ! » jubile Mohamed Ghafir.

Signe de l’offensive  continue de la direction de la révolution, 20 jours après, le GPRA était créé le 19 septembre 1958 avec à sa tête Ferhat Abbès. Papon décrète un couvre-feu « contre les musulmans algériens et tous les hommes et femmes ayant le teint basané. »

« Alors que les actions armées s’inscrivaient dans une logique de clandestinité et de guerre, le boycott du couvre-feu doit prendre la forme d’une manifestation pacifique de masse au grand jour», explique l’ancien chef de l’AMALA (super zone) de la FDF. » Comité fédéral a donné des consignes pour que la manifestation se déroule en trois phases : les responsables du FLN ont demandé à tous les Algériens et Algériennes de Paris et de sa banlieue de tout âge de sortir.

Par mesure de sécurité, les cadres recherchés ont été dispensés de présence aux côtés des manifestants. Les organisateurs ont prévu des arrestations. Des consignes ont été données aux femmes de sortir dans la rue pour scander les slogans «A bas le couvre-feu raciste !», «Libération de nos époux et de nos enfants !», «Négociez avec le GPRA !», «Indépendance totale de l’Algérie !»

L’extension des manifestations à tout le territoire français et une grève générale sont les deux autres étapes. »  Sur instruction de la direction de la révolution, tous les détenus de France ont observé, entre le 2 et le 22 novembre 1961, une grève de la faim amplifiant la victoire politique du 17 octobre.

Les 15 000 Français musulmans algériens, (FAM) détenus dans divers camps en France ainsi que les ministres du GPRA emprisonnés (Ben Bella, Boudiaf, Aït-Ahmed, Bitat et Khider) ont envoyé une lettre au président français, lui demandant la reconnaissance de l’indépendance de l’Algérie, la reconnaissance de l’unité du peuple algérien et de l’intégrité de son territoire ainsi que l’engagement des négociations avec le GPRA.

 Le gouvernement français en a tiré les leçons : reprendre les négociations et reconnaître les droits des Algériens sur tout le territoire, la légitimité de leur combat et leur indépendance.
Un enfant de Guenzet a participé à cette épopée et a rapporté fidèlement ces faits.

Par O. Larbi


9100 hommes pour réprimer les manifestants

 

7000 policiers, 1400 gendarmes et 700 harkis ont été mobilisés à partir du 6 octobre 1961 par Maurice Papon pour réprimer l’action du FLN en France.

Le 17 octobre, malgré l’interdiction, 80 000 hommes, femmes et enfants, adhérant de la fédération de France du FLN, vêtus de leur tenue du dimanche, ont marché dans les principales avenues de la capitale française pour revendiquer l’indépendance de l’Algérie.

L’économie française paralysée

L’action de la Fédération de France du FLN a mobilisé autour d’elle plus de 300 000 ouvriers algériens, paralysant ainsi l’économie française.

«Cette grève, aux répercussions économiques conséquentes, a causé plus de mal à la France que tout autres action militaire menée sur le sol algérien» a souligné M. Ghafir.     

Les raffineries, une cible prioritaire

S’étant rapidement rendu compte du danger que représentait les raffineries françaises qui transformaient le pétrole extrait du sous-sol algérien dès 1956, pour alimenter les troupes militaires présentes en Algérie, Abane Ramdane, a donné l’ordre aux adhérents de la Fédération de France du FLN de s’en prendre à ces raffineries et de faire d’elles une cible prioritaire.  

1958 : Soustelle échappe de justesse aux balles du FLN  

Le 15 septembre 1958, Jacques Soustelle, alors ministre de l'Information dans le gouvernement de Gaulle, a été pris pour cible par les membres de la Fédération de France du FLN.Cette action a donné un nouveau souffle à la révolution algérienne. «Ce jour-là, Jacques Soustelle a goûté à la poudre du FLN en plein cœur de Paris, place de l’Etoile. Il échappa de justesse à la mort» a indiqué M. Ghafir.     

80% des finances du GPRA provenaient de l’émigration

En plus de leur engagement dans la lutte armée de l’autre côté de la Méditerranée, les migrants algériens ont contribués par leurs dons à 80% des finances du Gouvernement provisoire algérien (GPRA).

Par R.R


A retenir A retenir A retenir A retenir ...

Le parcours de Mohamed Ghafir du groupe scout musulman de Guenzet dont la devise était : «  science, coran, nationalisme » alors qu’il avait 11 ans, à son rôle dans le déroulement de la manifestation du 17 octobre 1961, à Paris qui a marqué une étape décisive dans « la bataille de France du FLN » est l’illustration des qualités et des caractères fondamentaux de la personnalité algérienne.

Marqué par les échos des événements du 8 mai 45, il garde le souvenir de l’irruption de tirailleurs sénégalais venus s’assurer que les Français n’avaient pas été «  touchés » à Guenzet : ces deux personnes, le directeur d’école, M. Wolf et la postière ont refusé de quitter le village s’ « y sentant en sécurité ».

Il obtient en 1951 son CEP, mais ne peut poursuivre ses études au lycée de Sétif, «  le trousseau étant hors de portée des économies de mon père, chauffeur de taxi à Paris. » Il s’installe à Alger, où il fait une formation de 3 ans en tant qu’ajusteur dans CFPA de Bab El Oued.

Habitant dans un hammam à Belcourt où il hébergé sans payer de loyer en échange de la tenue du registre des nuitées qu’il présentait chaque matin au commissariat du 7e arrondissement. Ce registre comportait sa propre présence.

Au commissariat, les noms des clients étaient confrontés avec ceux des personnes recherchées ou en délicatesse avec la justice. C’est ainsi que l’agent lui annonça un jour qu’il était insoumis pour n’avoir répondu à l’appel de l’armée.

Transféré à la caserne Bizot de Blida, il y rencontre un soldat, originaire de Guenzet et secrétaire du commandant Idir. Son incorporation se faisant attendre, il demande une permission, l’obtient et se rend directement à la compagnie de navigation où il achète un billet pour Marseille.

A Paris, il retrouve son père et se fait embaucher dans une usine où sa formation d’ajusteur lui permet d’avoir un bon salaire.En décembre 1955, il est recruté par le militant Midouni, responsable du FLN de l’usine où ils travaillaient.

Il est impatient de parler du 17 octobre parce que «  moi, je, ne sont pas dans nos habitudes ! « Nous » est notre force ! »

Il rappelle que le « je » a été aboli dès le congrès de la Soummam par les dirigeants de la Révolution, par les militants :« C’est cela la marque de notre révolution ».

Il répète que l’organisation du FLN depuis le militant, la cellule, le groupe  la section, la Kasma, le secteur, la région, la zone et la super zone et enfin  la wilaya «entièrement cloisonné».A la veille du 17 octobre, il est responsable de super zone dans la wilaya 1 de Paris rive gauche avec 12000 militantes et militants sous sa responsabilité : il n’a pas 30 ans.

Arrêté en 57, il est incarcéré à Fresnes où 18 000 Algériens sont détenus. A l’infirmerie, il rencontre Mohamed Boudiaf, ils parlent du djihad : «Le militant armé ou celui qui luette sans armes ont la même importance dans le mouvement révolutionnaire » lui dit Mohamed Boudiaf.

Sur ordre de la Fédération de France du FLN, les responsables permanents de l’organisation sont interdits de manifestation/ Mohamed Ghafir s’installe chez un couple d’intellectuels habitants rue du Temple et suit le déroulement des événements en collectant les rapports oraux des membres du réseau Janson qui étaient sur les grands boulevards, les Champs-Elysées, les avenues de Paris intra muros, c’est-à-dire hors banlieues : «  Une manifestation à Nanterre-El Kahira ou Aubervilliers n’aurait eu aucun impact».

Les informations faisaient état des massacres et des ratonnades, des femmes, hommes et enfants jetés dans la Seine. «  Les premiers journaux ont relaté les événements de la nuit, les photos d’un photographe de l’Humanité ont montré les agissements des 7000 policiers, 1500 gendarmes, 500 harkis de Maurice Papon. »

L’émotion universelle, l’ONU sous la pression du groupe afro-asiatique a obligé de Gaulle à reprendre les négociations sur le devenir de l’Algérie avec le GPRA et cette fois en respectant la souveraineté sur tout le territoire, Sahara compris.

La bataille de France a précipité la défaite du colonialisme.Le jeune, le toujours jeune Mohamed Ghafir reste à 81 ans l’homme qui dit : «Nous,
les militants ».
par O. L.

 

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