Le Pr Kamel Senhadji, directeur de recherche en immunologie au CHU de Lyon (France) et éminent spécialiste du sida,invité hier du forum de dk news : Traquer le sida, une mission de tous les jours

Publié par DK News le 03-12-2014, 19h31 | 2154

Rencontre-débat à l’occasion de la commémoration de la Journée mondiale du sida. Non, pas à cette occasion corrigea le Pr Kamel Senhadji, directeur de recherche en immunologie au CHU de Lyon, éminent spécialiste du sida. Ce n’est pas une fois par an qu’on s’intéresse au sida, c’est tous les jours, c’est une mission permanente.

Lors de son dernier passage au forum de DK News, le Pr Kamel Senhadji avait dit que la recherche a évolué et qu’on était à la quatrième molécule, soit un traitement appelé la quatrième quadrithérapie qui a permis d’augmenter l’espérance de vie de 12 à 15 années et maintenant à presque 20 ans. Avant, c’est-à-dire au tout début, l’espérance de vie du sidéen était très courte, à deux années presque.
Il s’était montré disponible à transférer les compétences vers l’Algérie mais des raisons vagues empêchaient cette initiative de se transformer en réalisation concrète.

Le traitement en question a été assez efficace puisqu’il accordait un espoir de vie allant jusqu’à 20 années. Serait-ce possible d’arriver à stopper la dégradation de la maladie ou plutôt à rendre réversible le processus de dégradation physique? Pour lui, cela prendra trop de temps. On n’y pense pas encore comme relevant du domaine du possible.  Le mode de contamination est toujours le même et se décompose en trois chemins qui sont la voie sexuelle , la voie par le sang et la voie mère-enfant.
Une femme enceinte transmet le virus à son bébé.

 Plutôt que de stopper l’avancée du virus dans le corps du malade, il faudrait concentrer les efforts à stopper la transmission du virus. Cela n’engendre aucun coût.Faire baisser la prévalence par la persuasion en priorisant la campagne de prévention dans le système éducatif à tous les paliers, le primaire plus particulièrement, même une heure par mois, par l’enseignant des sciences naturelles par exemple, avec ses propres mots. L’élève finira bien par l’intégrer.

Où en sommes-nous en Algérie ? Les médicaments arrivent en Algérie même pour la quadrithérapie.
Le ministre de la Santé informe qu’il va y avoir 7 centres nouveaux pour les futurs sidéens. Il devrait y avoir en Algérie environ 30 000 cas de sidéens. L’OMS donne le chiffre de 0,1% dans le monde ce qui se traduit pour l’Algérie par un nombre d’environ 30 000. Dans le monde il y a 30 à 35 millions de cas.
Il se commet une injustice dans le monde quand on compare la répartition des médicaments portant sur le traitement du sida.

Dans le Nord, il y a 20% de malades et 80%  de médicaments. Dans le Sud, il y a 80% de malades et seulement 20% de médicaments.Le coût de revient du traitement par malade et par an  est de 10 000£.Le coût de revient du traitement par un médicament générique est de 300 à 400 £ par personne et par an.

Le problème qui freine la production du générique est la durée d’un brevet, qui est de 15 à 20 années. La Cour internationale de La Haye ferme les yeux devant une plainte de fabrication du générique pour raisons humanitaires. De justice également. Il ne faut pas laisser mourir des populations pour cause de pauvreté.

Y a-t-il un lien entre Ébola et le sida ? La recherche est pratiquement commune.
Il faudrait élever la capacité de recherche et donc de  traitement par l’installation d’un laboratoire P4, qui coûte extrêmement cher. Il le faut car le virus peut arriver en Algérie.

Par Saïd Abjaoui


Risque de contamination mère-enfant : Il est de -1% selon l’OMS

Sur 100 femmes séropositives qui accouchent, 25% risquent de transmettre le virus du sida (VIH) à leur enfant lors de l’accouchement. Toutefois, avec la découverte de la trithérapie, ce risque a baissé pour atteindre -1%, selon l’OMS.

Par ailleurs, afin de réduire encore plus ce risque, des précautions supplémentaires doivent être prises. L’accouchement doit être programmé par voie césarienne afin d’éviter les contractions et la mère doit éviter l’allaitement qui augmente le risque de contamination de 10%.
Par R. R.


Les femmes touchées autant que les hommes par le virus

 De 5% lors de l’identification du virus dans les années 80, le nombre de femmes contaminées par le sida n’a cessé d’augmenter au fil des années pour arriver aujourd’hui au même niveau que les hommes.
Par R. R.


«Pour 1 cas diagnostiqué, 10 nous échappent»

D’après l’OMS, 0,1% de la population seraient contaminée par le virus du sida en Algérie. «En se référant à ces statistiques, on estime à 30 000 le nombre de séropositifs en Algérie.

Le ministère de la Santé fait état de près de 10 000 cas dans tout le pays mais il ne faut pas oublier que pour 1 cas diagnostique, 10 nous échappent».

Par R. R


La sensibilisation à l’école pour une génération sans sida

Pour le Pr Senhadji, l’école est le meilleur moyen pour sensibiliser les jeunes sur les risques et les modes de transmission du virus du sida. «Le système éducatif doit intensifier et améliorer la prévention contre les maladies transmissibles dont le sida.

Les méthodes de communications doivent être adaptées aux aspects culturels et religieux de la famille algérienne. Une formation spéciale doit également être dispensée aux enseignants pour renforcer leurs capacités de communication».
R. R


Ebola arrive !

Selon le Pr Senhadji, Ebola arrivera tôt ou tard. Les pouvoirs publics doivent par conséquent se préparer et mettre en place les moyens nécessaires pour la prise en charge rapide des premiers cas. Le pays a en effet, la capacité de mobiliser les moyens nécessaires pour parer à toute éventualité.   
Par Rachid Rachedi


Pour une génération sans sida

Directeur de recherche au Centre d’immunologie du CHU de Lyon, l’éminent praticien algérien est toujours disponible pour intervenir et promouvoir la science, son projet de centre de recherche à Tizi-Ouzou est sur le point de voir le jour, tout comme il prône la prévention pour éviter les maladies et en réduire l’expansion surtout lorsqu’il s’agit de pandémies.

Hier, au Forum de DK News, le professeur s’est surtout appesanti sur la prévention, non pas sur la célébration d’un jour de la lutte contre telle ou telle maladie, mais une action permanente qui touche toute la population.

5 minutes par mois

La  prévention est une politique de longue haleine : le 1er décembre, Journée internationale de lutte contre le sida, j’étais à Souk-Ahras en conférence devant les étudiants de 4 universités (Annaba, Guelma, Tébessa et Souk-Ahras). Les débats ont été riches et animés. Aujourd’hui, devant les médias, je poursuis ma campagne de sensibilisation.

En prenant cet angle : comment pérenniser la prévention de toute maladie ? «Il faut asseoir la démarche en direction du plus grand nombre, d’abord les écoliers. Les professeurs des écoles doivent être instruits pour traiter des maladies épidémiques au  moins 5 minutes par mois ! C’est peu, mais les enfants sont des vecteurs formidables de communication !

Il y a ensuite les jeunes des quartiers : ce n’est pas difficile  de convaincre un de leurs camarades  influent, respecté pour toutes les raisons possibles. L’imam de la mosquée du voisinage est habilité à introduire dans son sermon ou son commentaire religieux des éléments d’information et de bonne conduite devant les problèmes infectieux. Enfin, les centres de rééducation pénitentiaires sont des lieux où il est possible de mener une éducation sanitaire positive. »

L’ atout prévention

Le professeur Senhadji a une parole qui compte. Il rappelle que le président Bouteflika lui a intimé de tout dire sur le sida en brisant les tabous ! « Le président est conscient de la nécessité de la prise de conscience par tous des dangers encourus en adoptant des conduites à risques.  En conséquence, la création du centre de recherche de Tizi-Ouzou a été décidée, mais il a fallu 10 ans de patience  et d’efforts pour que son inauguration se précise pour bientôt. »

«Aujourd’hui, le ministre de la Santé annonce l’ouverture de 7 centres de diagnostic du sida : c’est très important pour deux raisons. D’abord, on reconnaît que la population algérienne n’est pas immunisée contre cette pandémie, puis que le nombre de porteurs sains est évaluable (si on estime à 0,1% la population qui peut être touchée, on obtient 40 000 cas possibles) ; on est loin de la sous-estimation des années passées. »

Ceci dit, le professeur s’empresse d’ajouter que les malades sont bien pris en charge, en Algérie, au moins pour le traitement par trithérapie : «La quadrithérapie qui pourrait prolonger l’espérance de vie au-delà de 20 ans est à ses débuts en Europe. Ici, on peut estimer à 15 ans les effets de la trithérapie. C’est important pour une personne âgée de 60 ans, mais pour un jeune de 20 ans ? »
On en revient au propos de fond du professeur : la prévention par l’information des jeunes générations.

« Ebola est à nos portes, il entrera »

Au détour d’une question, le professeur a attiré l’attention sur le danger imminent que représente le virus Ebola qui est «  à nos portes, puisqu’il y a eu des cas au Mali et au Niger.Les précautions prises doivent  être complétées par la construction d’hôpitaux de type P4 qui est des blocs indestructibles ne laissant passer aucun virus à l’extérieur, où on travaille dans des conditions des plus draconiennes :

scaphandre de protection, atmosphère négative, notamment. Il existe 3 P4 dans le monde : à Lyon, en Californie et en Afrique du Sud. Les pays touchés par Ebola disposent depuis peu de 7  P 4 mobiles.»
Puissent les savants être entendus.

Par O. Larbi