Conférence, hier, au forum de DKNews - Violence dans les stades : Carton rouge

Publié par DK News le 28-12-2014, 19h59 | 67

Le phénomène de la violence  est une préoccupation permanente, quotidienne, tant des populations que des forces de sécurité. Elle ne connaît pas de pause, tant du côté de ses acteurs  que de celui des institutions chargées de la prévention et de sa gestion. 

Nous n'avons pas encore fini avec la violence en général, celle qui s'incruste dans et autour des stades, dans et autour des établissements d'éducation,  dans les foyers, dans la rue, dans les milieux professionnels et partout ailleurs où se concentrent des hommes et des femmes…

Nous n'avons pas encore fini avec elle, celle qui utilise les moyens de force, produit des blessures physiques ou même la mort, et celle qui produit des pressions intolérables sur le moral.
Parmi toutes ces violences, hier, le Forum du quotidien  DK News en cette fin d'année, a choisi le thème de la violence dans les stades. La conférence débat a été animée par des experts liés aux sports et à l'éducation.    

La violence s'appuie sur l'usage de la force pour contraindre, pour exercer une hégémonie, pour s'approprier illégalement des objets, ou un territoire pour des enjeux financiers, les parkings de stationnement de véhicules par exemple, ou de parcelles à exploiter en bord de plage, durant la saison festivale. La violence et les insécurités, ont-elles un avenir en Algérie ?  Qu'en sera-t-il des implications de la mondialisation ?

La violence dans les stades, a-t-elle un avenir  en Algérie ? Est elle un phénomène étranger à notre société ? La violence n'est pas que physique. Elle est également morale  et est difficile  à évaluer dans son intensité.

Quatre spécialistes ont été hier les invités du Forum à savoir :
-Nassredine Guemiche, expert en sport, et enseignant à l'ISTS    
- Gueshtouli Nourredine, membre du bureau fédéral de la FASS (Fédération Algérienne du sport scolaire)

-Mustapha Biskri , Docteur en sport, et ancien entraineur,
-Abderrahmane Bergui Président de l'association Ouled El Houma.
Pour M. Guemiche, les effets de la violence, de tout type de violence sont largement identifiés et cela, depuis qu'on s'est intéressé à ce type d’agression, ou plutôt depuis que la violence a grimpé en intensité.  Elle s'est alors imposée à nos attentions. Même si le constat est connu, il est quand même nécessaire d'en citer quelques éléments.

Quand il y a plusieurs individus rassemblés dans une enceinte fermée, ou même ouverte, il y a ce qu'on appelle la pression du groupe. Chacun peut être entraîné malgré lui à se joindre à une action collective, comme l'expliquent des psychologues et sociologues.  Pour une raison ou une autre, pour être comme les autres, l'individu fait comme les autres, d'autant qu'il n'y a pas de responsabilité individuelle.

Le football a ceci de particulier qu'il ramène des foules et même qu'il prend une tournure politique.
Le stade a servi à des mobilisations anti coloniales. Avant l'indépendance,  dans les stades fusaient des slogans anti coloniaux.

Pas la tête à des revendications socioéconomiques. Après 1962, fini les slogans anticolonialistes,  place aux revendications socio politico économiques. Ajoutons que l'indépendance fut suivie de l'urbanisation accélérée qui a dépeuplé les campagnes.

Une forte densité des populations dans et autour des villes accroît les frustrations.  Octobre 1988 a traumatisé es jeunes qui étaient majoritaires , le terrorisme étant venu avec les faits tragiques qui laissent des séquelles en matière de violence. Les jeunes ne sont plus inhibés car ont vécu tous ces drames.

Les capacités des stades offraient peu de places par rapport à l'ensemble des supporters. Le stade du 20-Août par exemple offrait 1000 places pour une population de jeunes dont le nombre était de 15000. Les mêmes disproportions étaient observées aussi dans d'autres stades.D'autres dysfonctionnements sont également enregistrés. Il y a de nouvelles lois et règlements qui ne sont pas faits pour être appliqués, ou plutôt difficiles à appliquer.  


Il n'y a pas de stade capable d'accueillir tous les jeunes qui veulent aller supporter leur équipe ou pour qu'eux-mêmes pratiquent le sport de football. Où sont les stades annoncés ? Où sont les études dont on dit qu'elles sont lancées ?

Heureusement que la DGSN intervient avant, au moment et après  le match car des troubles et des insécurités sont coutumières à la sortie du stade.     

« One, two, three »

Il y a le sport qui n'attire pas les jeunes en terme de spectacle quelconque, et ceux  ci réagissent par la violence. Par contre, il y a le football qui suscite les « one, two,  three » mais les joueurs se rendent directement du stade à l'aéroport  car ils sont nés à l'étranger ,  y ont grandi, y jouent  et ne rendent pas visite à nos clubs et à nos  jeunes qui sont en apprentissage dans des écoles de football.

Ce n'est pas le cas pour Rabah Madjer qui est très souvent en visites-conseils auprès de nos jeunes.
 En parlant donc de la sécurité, c'est l'équipe qui reçoit qui devrait accueillir  et organiser la sécurité dans le stade. La police n'a pas à se substituer à ceux qui ne font pas leur travail. Il faudrait comme préalables disposer d'une stratégie, claire, transparente, pour qu'elle soit discutée et ensuite s'appliquer. Il faut planifier et programmer.

Concernant les stadiers, il faudrait disposer d'un plan recrutement et surtout d'un plan formation, est ensuite qui doit participer à cette formation. Un certain nombre de critères doivent être énoncés.
Il est apparu dans le débat un certain nombre de données qu'il faudrait prendre en compte quand on parle de stadiers et d'agents de sécurités.

Les systèmes internes des établissements, à charge des organismes civils par le biais de la création d´agences de sécurité (ou de gardiennage de sécurité) étaient principalement conçus pour prévenir les intrusions terroristes. Chaque établissement devait se pourvoir d’un plan de défense.

Mais, aujourd’hui le contexte stratégique a changé, ce dispositif avec les missions qui lui étaient confiées par l’ordonnance portant sûreté interne des établissements est resté pratiquement figé en l’état, alors que les menaces se sont diversifiées et ont changé de nature.

La réflexion portant sur la sûreté interne des établissements sécuritaires par contre, n’a pas accompagné ce changement de contexte, plus particulièrement en ce qui concerne le gardiennage sécuritaire des stades. Selon la définition de la SIE (sûreté interne des établissements), les agents de sureté sont figés aux postes de contrôle qu'ils devraient maintenant assurer la sureté à l'intérieur des établissements, universités par exemple,  gares ferroviaires, terrestres, maritines...

Tous concernés

Le deuxième intervenant est celle du président de l'association Ouled El Houma. Violence dans les stades. Sujet de grande actualité. Sujet qui préoccupe tout le monde et toutes et toutes les institutions. Pas seulement les forces de sécurité. Sujet d'importance nationale, mais aussi internationale.

M. Abderrahmane Bergui. C'est un Monsieur qui en avait bien vu de par son ancienne activité d'arbitre international . C'est un Monsieur qui continue encore à en voir de toutes les couleurs, vu qu'il milite à la tête de l'association Ouled El Houma, qui l'amène à s'impliquer personnellement dans l'aide à apporter aux jeunes en perdition du fait de la consommation de drogue et de l'emprunt de la voie de la délinquance.

M. Bergui, est également membre de  la commission inter sectorielle de lutte contre la violence.
Il faut s'impliquer dans la défense des valeurs de notre football. La violence gangrène le football, la jeunesse.

Ce problème concerne tout le monde et pas seulement les forces de sécurité.
Nous pouvons même dire que la violence et la corruption sont deux fléaux qui minent le football.
Il faut construire  une stratégie planifiée, agir sans complaisance, engager sa responsabilité, s'attaquer aux causes.

Parmi celles-ci, il y a des déclarations insensées de certains dirigeants du football. Pour le moment, à ce jour, aucune stratégie alors que les retombées de la mort de Ebossé sont négatives sur la crédibilité de l'Algérie. Tout le monde du football parle de l'insécurité en Algérie, dans nos stades bien sûr, Dans cette stratégie globale unifiée, chacun aura son rôle à jouer.

Pour le moment, il y a eu trop de réunions et aucune décision de résolution de la crise. Des jeunes sont livrés à eux-mêmes, face à ce phénomène de violence sans traiter l'environnement de ces jeunes. Ils sont désœuvrés, sans encadrement.

C'est dans les quartiers qu'il faudrait porter les attentions et les efforts. Il faut y aller et les écouter. Dans les stades, il n'y a pas de hasard. Certains supporters et dirigeants ont des intérêts claniques. La gestion s'impose comme une dictature.

Des dirigeants ont composé avec des personnes pour les intégrer dans les équipes dirigeantes et en ont fait des notables. Il faut une révolution pour que ça change et surtout ne pas rester indifférents et laisser les jeunes dans les mains de dirigeants. Si on résume, parmi les causes, il y a des déclarations insensées, des compromissions avec des personnes non recommandables, l'anarchie  dans la gestion des stades..

Il y a des références à nos adaptations. A Marseille par exemple, ville dite la plus dangereuse, il s'exerce un respect total dans les stades car les spectateurs considèrent le match comme un spectacle. Ce n'est pas le cas dans nos stades.

Les stadiers (notion nouvelle), sont prévus dans un objectif de prévention, et il ne faudrait pas les placer sous les ordres des présidents. Au stade, il faut clarifier le rôle de chacun. Le directeur, le commissaire de match qui est sensé exercer tous les pouvoirs durant les 90 mn de jeu. Pas de confusion des rôles. Il faut savoir « qui fait quoi ».

Pour ce qui concerne l'arbitrage, il y a trop d'enjeux et certains arbitres en salissent l'image.  
Le troisième intervenant est M.  Mustapha Biskri. Il est docteur en sport et ancien entraîneur. Il allie la théorie, à la recherche et à l'application. Les jeunes ont besoin de considération. Ils n'ont plus d'interlocuteurs.   

On oublie de demander aux supporters de d'identifier leurs préoccupations car ceux ceux-ci sont absents des orientations.    La violence est partout. Elle est sur la route. C'est le même supporter qui maintient la même attitude sur la route. La cause ou plutôt les causes ?

Il y a d'abord la gestion. Il y a l'(équipe de football, l'équipe nationale qui bénéficie de toutes les attentions. Il y a les frustrations des jeunes supporters qui ne trouvent pas pour jouer  un stade qui les accueille. Ensuite, les joueurs des équipes locales n'ont pas de référence, les joueurs de l'équipe nationale étant absents du territoire national.   

On ne sait pas perdre  

Ensuite, il n'apparaît pas normal que des dirigeants d'équipes amateurs grimpent sans formation (comme récompense à quoi) à des postes de dirigeants d'équipes professionnelles. Il faut savoir gérer, organiser des plans de développement des sections de football.

Ce qui paraît absurde, pour sanctionner un entraineur, il est rétrogradé comme entraîneur d'une équipe qui se trouve en division inférieure. Qui est sanctionné ? L'entraîneur ou l'équipe qui le reçoit?
Il y a plusieurs anomalies qui se présentent. Il y a celle citée précédemment. Il y a celle de refuser un spécialiste en psychologie de haut niveau pour une préparation mentale des joueurs. Le psychologue est vu comme un psychiatre.

Enfin, M. Guechtouli Nourredine, membre du bureau fédéral de la FASS, annonce des chiffres qui peuvent servir d'éléments de base à une appréciation du contenu de nouvelles politiques d'encadrement des jeunes en matière de leur extraction à l'usage de la violence, soit 200 000 licenciés en sport scolaire..  

Une donnée intéressante :  avant le changement des jours de week end, les élèves disposaient de deux séances pour la pratique du sport, ; et depuis le changement, seule une séance est rendue disponible.

Il cite le cas d'une violence morale pratiquée sur l'enfant qui se retrouve hors du système éducatif et nombre de parents Se  désintéressent du sort de leurs enfants. En dernière remarque à faire concernant la violence dans les stades, il faut bien admettre qu' «on ne sait pas perdre ».

Par Said Abjaoui


A retenir / Abderrahmane Bergui tire la sonnette d’alarme : «Notre football est pris en otage»

Le président de l’association Ouled El Houma a déploré la situation «catastrophique» dans laquelle se trouve le football algérien, gangréné par la violence, et souillé par des individus qui n’ont rien à avoir avec le sport.

«Des organisations qui n’ont aucun rapport avec le sport sont derrière la recrudescence du phénomène de la violence dans les stades. Des pseudo-supporteurs, bien connus dans le milieu, sont spécialement chargés de manipuler les supporteurs en provoquant des incidents extra sportifs. L’enjeu financier, fait qu’aujourd’hui tous les moyens sont bons pour obtenir des résultats. Il y a une manipulation dans les stades c’est inadmissible».


Nassreddine Guemiche: «Le sport, un moyen d’expression populaire»

Considéré comme un moyen d’expression et d’affirmation  de l’identité nationale lors de la période coloniale, le sport est devenu après l’indépendance, un moyen d’expression populaire. «Aujourd’hui, les jeunes défavorisés trouvent dans le sport un moyen de s’exprimer et s’extérioriser. Ces derniers scandent des slogans qui reflètent leur vécu et leurs besoins socioéconomiques» a indiqué  M. Guemiche.


Mustapha Biskri: Les supporteurs de l’USMA, un exemple à suivre

Faisant preuve d’un grand fair-play lors d’une rencontre perdue récemment par leur équipe au stade Omar-Hamadi de Bologhine, les supporters de l’USMA ont tapé dans l’œil du coach Mustapha Biskri qui on a fait un exemple à suivre pour les supporteurs des autres clubs. «Je tire chapeau aux supporteurs de l’USMA qui malgré une défaite concédée à domicile face à l’ASM d’Oran, sont resté dans le stade pour applaudir les joueurs à la fin du match.

Ce comportement exemplaire a très certainement influé sur le rendement de l’équipe qui a quelques jours plus tard et ont billé pour les 8e de finale de la coupe d’Algérie face à une très bonne formation de l’USM El Harrach».


Guechtouli Noureddine : «Inculquer aux écoliers la culture de la victoire et de la défaite»

Après la famille, l’école joue un grand rôle dans l’éducation et la socialisation des enfants. «Avec 8 millions d’écoliers et 200 000 licenciés dans la Fédération algérienne du sport scolaire, l’école est l’endroit idéal pour promouvoir les bons comportements.

Pour juguler le phénomène de la violence en milieu sportif, il est donc nécessaire d’inclure cette population dans les programmes de sensibilisation afin d’inculquer à nos enfants une culture de la victoire et de l’échec», a souligné le membre de la FASS.
Par Rachid Rachedi

Publié dans : hier, Conférence