Nouvelle loi sur le renseignement en France : Qui faut-il interroger ?

Publié par Par CEM le 21-03-2015, 17h17 | 34

Avec beaucoup de mal, le gouvernement français est parvenu à déposer, cette semaine, devant le Parlement un projet de loi de programmation militaire dans l’espoir de le faire adopter d’ici l’été. Il comprend de nombreuses dispositions de lutte ‘’numérique’’ contre le terrorisme et les atteintes à la sécurité  publique, encore loin de faire l’unanimité.

En rangs  serrés, le gouvernement français mène une opération de séduction auprès des parlementaires, des opérateurs du monde numérique et de l’opinion publique en général, pour faire passer une nouvelle loi qui donne des pouvoirs exorbitants aux services de renseignement pour agir sur les réseaux de communications à la recherche de données dans le cadre de la lutte contre différentes atteintes aux biens, aux personnes et aux intérêts de la France.

Adoptée en fin de semaine en Conseil des ministres, la loi sur le renseignement élargit le champ de la surveillance des communications électroniques et, en même temps, avalise l’introduction de nouveaux outils de captation des données. Du coup, les inquiétudes se font entendre de partout, notamment des opérateurs du numérique et de l’internet et même des organismes publics, tels la Commission nation informatique et libertés ou encore le Conseil national du numérique.

Avant de présenter le texte, le gouvernement a convié les entreprises du numérique à des consultations auxquelles  seuls quelques-unes ont assisté, alors que Free et Numéricable-SFR ont opté pour la chaise vide. Les assurances du Premier ministre Manuelle Valls clamant, comme le cite le site du journal  latribune.fr, que  «la République, ce sont des moyens d'action légaux, mais pas des moyens d'exception, ni de surveillance généralisée des citoyens.

Il n'y aura pas de Patriot Act à la française » ne sont pas parvenues à éteindre le flot des inquiétudes alimenté en premier par des institutions publiques. Ainsi, le vice-président du Conseil national du numérique, instance de consultation relevant du ministère de l’Economie,  faisait-il part d’une sérieuse inquiétude  en déclarant,  selon latribune.fr : « Il ne suffit pas de répéter qu'il ne s'agit pas d'un Patriot  Act à la française.

Pour s'en assurer, il faut inclure de manière contraignante le principe selon lequel la surveillance de masse, généralisée et indifférenciée, est étrangère à l'Etat de droit». Beaucoup ont par ailleurs vite fait le raccourci pour parler d’un Patriot Act à la française, en référence à la loi d’exception votée en 2001, aux Etats- Unis, sous l’ère de Bush junior, et reconduite à maintes reprises, y compris en 2011 par le président Obama, et qui est à l’origine des programmes de surveillance de masse révélés par l’ancien agent de la NSA, Edward Snowden.

Parmi les points interrogés dans ce projet de loi, les nouveaux champs d’application de ces nouvelles mesures. Les techniques de surveillance autrefois réservées aux domaines de la lutte contre le terrorisme, à la sécurité nationale et à la défense des intérêts économiques, serviront désormais   à la  «prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique », et aussi à « la défense des intérêts de la politique étrangère», note latribune.fr qui souligne, à ce propos l’avis du Conseil national du numérique déplorant que ces   « deux champs  ont des contours flous ne permettant pas de définir avec rigueur le champ d'intervention légal du renseignement ».

Le projet de loi prévoit également de nouveaux dispositifs technologiques de captation de données à titre préventif,  poussant certains à redouter, comme le souligne le  quotidien économique français, « une dérive à la ‘’Minority Report’’,  où l'on arrêterait les individus avant même qu'ils commettent des actes répréhensibles». 

Les inquiétudes pointent également une autre nouvelle disposition envisagée, celle des ‘’capteurs de proximité’’, « sorte de fausses antennes-relais de téléphonie mobile (IMSI catchers) permettant ‘’l'identification d'un équipement terminal ou du numéro d'abonnement de son utilisateur’’ », d’après latribune.fr qui note qu’en dépit des craintes exprimées,  pour Manuel Valls, «il n'y aura en aucun cas aspiration massive de données personnelles».