Drames de l'immigration : Une réunion européenne pour des «mesures immédiates»

Publié par Par Nora Benaceur le 20-04-2015, 15h55 | 33

Le naufrage, en une semaine, de plusieurs bateaux de migrants clandestins en Méditerranée faisant des centaines de morts, a poussé l'Union européenne (UE) à convoquer en urgence une réunion ministérielle, lundi à Luxembourg, afin de débattre de sa politique migratoire et prendre des mesures «immédiates» pour prévenir de nouvelles «tragédies».

La réunion des ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères intervient après la disparition d'au moins 700 migrants dans un naufrage survenu dimanche dans les eaux libyennes, quelques jours seulement après un drame similaire au large de l'Italie.

Le commissaire européen chargé du dossier de l'immigration, Dimitris Avramopoulos, est également attendu à Luxembourg, en vue de contribuer à la préparation d'«une nouvelle stratégie» européenne sur l'immigration, à présenter la mi-mai, a-t-on indiqué.

Dans la foulée de cette mobilisation face au «drame», le président du Conseil européen, Donald Tusk, compte consulter les dirigeants européens sur l'organisation d'un sommet de chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE consacré à la question de l'immigration, rejoignant ainsi le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, dont le pays est en première ligne dans cette crise, appelant à la tenue d'un tel sommet.

«Agir ensemble de façon cohérente»

Pointée du doigt après les derniers naufrages, l'UE s'efforce désormais de prévenir de nouvelles «tragédies» en Méditerranée.

Pour cela, l'Europe «a besoin de mesures immédiates de la part de l'UE et des Etats membres», a souligné la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.

Parmi ces mesures, figurent notamment «le renforcement de l'opération européenne de surveillance maritime Triton, mais aussi une meilleure répartition de l'accueil des migrants au sein de l'Union».

«Les tragédies de ces derniers jours, de ces derniers mois, de ces dernières années, c'en est trop», a-t-elle dit avant le début de la réunion de Luxembourg.

Plusieurs pays de la rive méditerranéenne, membres de l'UE, reçoivent sans cesse des flux migratoires, à savoir l'Italie, la Grèce et l'Espagne. A elle seules, l'Italie a récupéré 11.000 personnes en mer en une semaine.

La responsable européenne a toutefois reconnu qu'il «n'y a pas de solution facile, de solution magique». «Mais nous avons la responsabilité d'agir ensemble, de façon cohérente», a-t-elle dit, en indiquant qu'il s'agit là d'«une obligation morale».

De son côté, le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Antonio Guterrez, a plaidé pour une action d'urgence face à ce qui représente potentiellement «la pire tragédie» dont sont victimes des migrants dans des conditions jamais intervenue en Méditerranée.

Le naufrage de la veille a, selon un bilan officiel, fait 24 morts et 28 rescapés. Mais il risque d'être beaucoup plus lourd, des survivants ayant fait état de la présence de quelque 700 personnes à bord du bateau.

Ce drame fait suite à deux naufrages la semaine dernière, dont l'un a fait 400 disparus, et l'autre plus de 40, selon des récits de survivants recueillis par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et des ONG.

Par ailleurs, d'après les estimations du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), au moins 218 000 migrants ont tenté de traverser la mer Méditerranée l'an dernier afin d'entrer dans l'UE depuis ses frontières sud, et près de 3 500 candidats à l'immigration ont perdu la vie dans ce genre d'aventure.

Originaires essentiellement d'Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient, en particulier de Syrie, ces migrants s'efforcent de gagner l'Europe en traversant la Méditerranée sur des radeaux de fortune ou des bateaux surchargés.

Et les passeurs profitent du chaos qui règne en Libye et ce pays est devenu l'une des principales routes du trafic illégal de migrants.

Solutions: Pacifier la région et rétablir les opérations de secours

Parmi les solutions proposées pour résoudre le problème de l'immigration clandestine «à la racine», le ministre espagnol de l'Intérieur, Jorge Fernandez Diaz, a jugé nécessaire de «pacifier» la Libye et d'autres pays comme la Syrie, tout en luttant contre les trafics d'immigrants.

«Ce qu'il faut faire, c'est rétablir la normalité dans les pays d'origine et dans les pays de transit, collaborer pour leur développement, pacifier la région», a estimé Jorge Fernandez Diaz.

De l'avis du responsable espagnol, «si ces conflits belliqueux tragiques en Syrie et dans d'autres zones ne se produisaient pas, le problème (...) n'aurait pas la gravité et l'ampleur que nous observons en ce moment».

Par ailleurs, plusieurs opérations de secours des migrants fuyant depuis les côtes nord-africaines vers celles de l'Europe ont été lancées en Méditerranée, dont la plus importante, baptisée Mare Nostrum, a été abandonnée par l'Italie à l'automne 2014.

Dans ce contexte, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a appelé à rétablir l'opération militaro-humanitaire italienne Mare Nostrum et encouragé d'autres pays européens à participer à cette opération qui avait été abandonnée l'an passé en raison de son coût élevé, et remplacée par une autre opération, Triton jugée «insuffisante».

Tandis que Mare Nostrum était une mission de sauvetage et oeuvrait jusqu'aux côtes libyennes (elle a sauvé 200.000 vies d'octobre 2013 à décembre 2014) , Triton vise d'abord le contrôle des frontières et reste limitée aux eaux territoriales européennes.

Pour sa part, le directeur adjoint de l'Agence de contrôle des frontières extérieures de l'Europe (Frontex) a envisagé au rang des solutions pour éviter les naufrages de migrants, l'ouverture de «nouvelles voies d'immigration légale» pour les personnes fuyant les conflits.

«Les moyens sont limités et même s'ils étaient plus importants il est très difficile de garantir que l'on évite des tragédies comme celles que l'on vit en Méditerranée ces derniers temps», a déclaré Gil Arias à la radio Cadena Ser.

La solution pour ce responsable, «c'est une plus grande coopération avec les pays d'origine et de transit, c'est de trouver des solutions à l'instabilité dans ces pays. C'est un travail de diplomatie».