Histoire

L’Emir Abdelkader dans la légende

Publié par Par Amar Belkhodja le 21-06-2015, 15h39 | 106
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Pour mieux comprendre les véritables desseins de la France, il est utile d’évoquer l’effort financier qu’elle a mis dans l’expédition contre l’Algérie. L’ampleur de l’arsenal et des moyens humains déployés le 14 juin 1830 démontre de l’ancienneté du projet dont les plans topographiques localisant les objectifs remontent à 1808 déjà.

Razzias et crimes de l’armée française
C’est là un chapitre quirenferme les pages les plus atroces qu’ait connues le peuple algérien pendant toute la durée de la résistance mai aussi tout le long de la période coloniale.L’armada de Bugeaud ne parvenait pas à capturer l’Emir Abdelkader.

Alors pour le contraindre à abandonner le combat, les gouvernants Français et les chefs militaires décident de détruire la base économique du vaillant résistant. Le peuple algérien est alors livré à une véritable extermination. Les accrochages avec les troupes de l’Emir ne constituent plus un objectif principal pour l’armée française. Toutes les actions sont dirigées contre des populations désarmées.

 Paris institue un véritable terrorisme d’Etat que nous retrouverons plus tard durant la guerre de libération de novembre 1954. Le paradoxe veut que cette « civilisation » qui sème la mort et la terreur, glorifie les Bugeaud, les Saint Arnaud, les Bigeard, les Massu, les de Gaulle. Nous ne somme pas encoure puissant pour instituer un tribunal international qui jugera ceux qui ont donné les ordres d’exterminer et ceux qui les ont exécutés et enfin désolidariser les peuples pacifiques des systèmes qui les subjuguent et les aliènent.

Mais revenons à l’épopée de l’Emir Abdelkader pour situer dans quelles conditions l’illustre résistant fut contraint à renoncer à la lutte.     Les razzias se multiplient et plongent les tribus dans un cortège de malheurs.

Les douars sont pillés et brûlés impitoyablement, les massacres sont généralisés et on assiste à une véritable compétition dans le meurtre collectifs commis par des officiers sanguinaires de l’armée française qui ont pour noms : Bugeaud, Pélissier, Cavaignac, Youssouf, Saint Arnaut, Canrobert, Beauprêtre, Montagnac, Lamoricière… «En 1832  on avait vu Yusuf rentrer à Bône à la tête d’une troupe qui portait, surmontant le drapeau de la France, une tête de maure.

Parmi les objets composant le butin fait sur la tribu d’El Aoufia, sous le gouvernement du duc de Rovigo, on avait vendu à Bab-Azzoun des boucles d’oreilles et des bracelets encore attachés au poignet coupé »

Bugeaud n’avait-il pas proclamé : « Il ne faut pas courir après les arabes, il faut les empêcher de semer, de récolter, de pâturer ». Saint Arnaud, un autre criminel de guerre dira : « Je ne laisserai pas un seul arbre debout dans leurs vergers, ni une tête sur les épaules de ces misérables arabes ».

Ces précurseurs du nazisme ont envoyé des cargaisons entières d’ossements humains (d’algériens) en direction de la France pour être traités dans certaines industries. C’est un véritable banditisme d’Etat qui s’instaure. Bugeaud avait ordonné d’enlever surtout des femmes et des enfants pour les envoyer en France et terroriser, par cette méthode, les populations insoumises. Deux des jeunes fils des meilleurs lieutenants de l’Emir Abdelkader – Ben Allal et Ben Salem – furent enlevés et envoyés en France pour constituer, vainement d’ailleurs, des moyens de pression et de chantage sur les khalifats de l’Emir Abdelkader et les obliger à se rallier.

Les généraux Français avaient également pris goût à une méthode des plus barbares en matière d’assassinats collectifs : enfumer des populations entières à l’intérieur des grottes. C’est toujours Bugeaud qui encourage ces ignobles forfaits : « Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéah, Fumez-les à outrance comme des renards » ordonnera-t-il à Pélissier qui se trouvait en expédition dans les monts du Dahra (Mostaganem). C dernier n’hésita pas à faire brûler et asphyxier à l’intérieur d’une grotte la tribu des Ouled Ryah en juin 1845. Une méthode qui décima mille personnes (femmes, enfants et vieillards).    

En 1841, L’Emir Abdelkader perd ses places fortes et sa capitale Tagdempt. En 1843, sa Smala fut détruite. La politique de la terre brûlée et le génocide affaiblissent le peuple algérien. Le pays est ruiné. L’Emir dispose de très peu d’armement. Les Français se sont emparés de son trésor, de ses biens et de ses livres.

Malgré tous ces malheurs qui l’accablent, l’Emir Abdelkader se bat avec la même ferveur et la même détermination. Son armée régulière est affaiblie, réduite, mais il continue toujours à harceler les unités françaises avec le peu de fidèles qui l’entouraient. En 1846, le maréchal de Castellane s’exclame : »Est-il honorable de voir une armée de 90.000 hommes tenus en échec par un partisan à la tête de 500 chevaux ? ».

L’espion et le parjure Léon Roches correspondait avec l’Emir Abdelkader pour le persuader à cesser les combats. Traqué, le fils de la Gueitna est néanmoins insaisissable. Bugeaud s’empêtrait dans une guerre qui ne finissait pas et dont il ne sortira pas victorieux. Il est rappelé avant la reddition de l ‘Emir. Il avait tant espéré vaincre et capturer Abdelkader. Il y employa tous les moyens y compris la religion musulmane.

Il aura chargé Léon Roches – qui avait feint de se convertir à l’Islam – de solliciter un fetwa auprès des théologiens de Kairouan, du Caire et de la Mecque. Cette fetwa recommandait aux algériens – au nom de l’Islam bien sûr – la cessation des combats.

Epuisé par une longue guerre et trahi de toutes parts, l’Emir Abdelkader voit ses troupes s’affaiblir. Il ne dispose plus ni de ravitaillement ni d’armement. Prolonger le lutte, c’est exposer son peuple à d’inutiles et cruelles souffrances, c’est le conduire au suicide collectif face à une machine de guerre française qui sème la terreur, la mort, la destruction, la ruine morale et matérielle.

L’Emir Abdelkader prend donc la grave décision de mettre fin aux hostilités. Il entre en pourparlers avec le général Lamoricière. Le 23 décembre 1847, il accepte la fin de la guerre sous condition d’être autorisé de quitter le pays pour s’installer soit en Palestine soit en Egypte. La rencontre avec les officiers Français se passe à Ghazaouet. Le moment est fort émouvant et si pénible pour un homme qui s’est battu avec fougue jusqu’aux derniers instants et qui fut contraint pour une multitude de raisons d’arrêter le combat, lui qui rêvait de faire de l’Algérie la perle du Maghreb et du monde arabe, lui le précurseur de la renaissance musulmane.

Soulagés par la décision de celui qui leur tint tête pendant 17 années, les Français acceptent les conditions de l’Emir Abdelkader en lui promettant son départ pour le Moyen-Orient. Mais la parole donnée – combien de fois donnée – fut de nouveau trahie : l’Emir Abdelkader est fait prisonnier alors qu’il n’a pas été capturé. Le  vaisseau devant le conduire à Alexandrie avec sa famille et ses compagnons met le cap sur Toulon. Les dépendances du château de Pau, puis celles d’Amboise furent aménagées en prison pour accueillir les captifs algériens et le chef de la résistance. L’Emir Abdelkader ne fut libéré que le 11 décembre 1852.

En Avril 1849, Louis-Napoléon Bonaparte avait proposé à l’Emir Abdelkader de résider en France, condition  de sa libération. Le vainqueur du Mactaâ lui répondra : « Si tous les trésors de la terre pouvaient tenir dans le pan de mon burnous et qu’on me proposait de les mettre en balance avec ma liberté, je choisirai ma liberté. Je ne demande ni grâce, ni faveur. Je demande l’exécution des engagements pris envers moi. J’avais demandé une parole française. Un général français me l’a donnée sans restriction. Un autre général, fils de roi, l’a confirmée. La France est liée vis-à-vis de moi, comme moi vis-à-vis d’elle. Votre parole, je ne vous la rends pas. Je mourrai avec elle pour votre déshonneur».

C’est l’Emir Abdelkader qui répond aujourd’hui également, lui-même, aux falsificateurs, aux détracteurs et aux calomniateurs de tous bords qui méprisent leur histoire, accusant un grand patriote de s’être « rendu » et d’avoir mené une « vie de château ». Certes il y a une malhonnêteté chez certains d’entre nous qui, tout en reniant leur histoire, bradent aussi et surtout leur dignité et leur honneur.

N’en déplaise à tous ces renégats à la solde du mensonge entretenu par les Français, l’Emir Abdelkader restera l’un des  grands hommes, sinon le plus grand, de l’histoire contemporaine. Que cela soit écrit et accompli. Que dis-je ? C’est déjà écrit et reconnu pour ceux qui prennent la peine de dire et de défendre la vérité.
 
 

 

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