Histoire

L’Emir khaled – 1875- 1936 : Colons, renégats et exil

Publié par Par Amar Belkhodja (*) le 22-06-2015, 15h59 | 813
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Dans l’analyse des faits historiques, sociaux, politiques et culturels, les concepts d’origine occidentale ont fait école et par voie de conséquence influencé une partie de l’élite algérienne dans son discours politique ou dans l’écriture littéraire ou historique en ce début du XXe siècle.

On parle souvent de «naissance» du nationalisme algérien mais jamais de «renaissance» ou de ranimation de la conscience nationale maghrébine d’une manière générale et algérienne de façon particulière, puisqu’en réalité, la résistance anticoloniale fut permanente et a pris plusieurs formes en dépit de son affaiblissement en égard à une impitoyable répression.

Plusieurs auteurs et hommes politiques français, surtout ceux qui ont joué un rôle actif dans la colonisation et le développement de l’idée coloniale ont souvent nié à notre peuple son attachement à sa patrie et accusé son avant- garde- de différentes époques- d’importer l’idée nationale soit du Moyen-Orient ou encore d’Europe.

Pour peu que l’on se donne la peine de jeter un regard sur l’histoire du Maghreb, on  saura que cette contrée a toujours joui de sa propre entité depuis Jughurta jusqu’à novembre 1954 en passant par la grande épopée d’Abdelkader Ben Mohieddine sans oublier toutes les dynasties amazighes qui se sont succédées au lendemain de l’avènement de l’Islam et qui ont adhéré volontairement à la civilisation musulmane.

Remontons donc dans le temps et nous découvrions que toute la période coloniale depuis la pénétration en 1830, jusqu’au début du XXe siècle, est jalonnée de soulèvements et de faits d’armes qui ont forgé une conscience nationale, prééxistente.

Benzaâmoun (1830), El-Hadj Sidi Saâd (1830), Messaoud Ben Abdeloued (1830), Mohieddine El Hassani  (1830-1832), Abdelkader Ben Mohieddine (1832-1847), Mohamed Esseghir Benahmed (1842), Boumaâza (1845), Boubaghla (1847), Sidi Abdehafidh (1846), Zerrouk Ben Sidi Salah (1848), Si Sadek Benelhadj (1848), Boucif (1849), Nacer benchohra (1851), Bouziane Zaâtcha (1852), Mohamed benabdellah (1852), lalla Fatma N’soumeur (1852), Ouled Sidi Cheikh (1864), Sidi lazreg Belhadj (1864), Bouchoucha (1870), Boumezrag, El Mokhrani (1871), Malek Ben Berkani (1872), El Amri (1876), Bouamama (1881), Arezki Bachir (1894), Cheikh Amound (1900), El Hadj Benaïcha (1914), Benali Benaoui (1916), Boubakeur El-Goui (1917).

Nous nous abstiendrons de citer les noms de tous les algériens qui ont choisi de prendre individuellement les armes contre «l’ordre» colonial et qu’on surnommait « bandits d’honneur » ou encore les réactions individuelles des paysans persécutés par la grosse colonisation jusque dans leurs minuscules carrés auxquels ils étaient réduits au fur et à mesure que le vampirisme des colons absorbait les terres et exploitait les hommes.

En dépit d’une longue résistance menée avec des moyens nettement inférieurs contre l’armée française, l’ennemi et ses « penseurs » avançaient avec mépris et désinvolture que le nationalisme algérien était un « article d’importation ».

Le premier « chef d’inculpation » s’impose du fait que notre pays ait un passé, une langue et une religion commune à d’autres pays du Maghreb et du Machrek. La deuxième source s’appuie sur le fait que les futurs fondateurs et cadres de l’Etoile Nord-Africaine  soient des émigrés du début du XXe siècle dont l’activité nationaliste s’était, du départ, confondue avec les idées nouvelles qui agitaient le mouvement ouvrier européen surtout au lendemain de la révolution russe de 1917 qui va évidemment constituer une référence capitale.

C’est pour cela certainement que la gauche française de l’époque s’est targuée d’être à l’origine de la «naissance» du premier parti nationaliste (l’ENA.) tout simplement parce que ses premiers animateurs avaient auparavant sympathisé et milité avec et au sein du PCF. C’est à croire qu’en ce début du XXe siècle le peuple algérien était devenu la proie de la léthargie. Pourtant la volonté de se libérer des chaînes du colonisateur gagnait toute la contrée maghrébine.

Car à cette même époque, nous retrouvons en Tunisie un Tewfik El Madani qui va contribuer activement à la montée du nationalisme tunisien, au Maroc l’un des fils de l’Emir Abdelkader, l’Emir Abdelmalek prend la tête d’un soulèvement et meurt au combat. La lutte est ensuite reprise par un grand chef de la guerre populaire : Abdelkarim El Khettabi, Ali El Hammami, l’algérien, aura servi lui aussi aux côtés du premier et du second dans l’insurrection contre les protectorats français et espagnol.

En Algérie, c’est l’Emir Khaled qui va prendre le flambeau d’un mouvement de revendications. Né le 20 février 1875, le petit fils du vaillant résistant algérien entreprend une lutte contre les injustices endurées par le peuple algérien. Il dénoncera le code de l’indigénat et autres abus, d’arbitraires, de discrimination et d’avanies. Les déboires avec l’administration française commencent aussitôt. L’Emir Khaled et sa famille sont relégués pendant une année à Bousaâda.

L’élève Saint-Cyrien reprend son combat politique avec un certain rythme dès 1913, ralliant plusieurs lettrés et notabilités de l’époque tels que Kaïd Hammoud, Ben Rahal, Ben Aboud. Précurseurs du mouvement nationaliste en ce début du XXe siècle, Khaled, dans ses nombreux meeting et conférences, stigmatise les procédés de l’administration coloniale, les pratiques féodales des « grandes tentes » et caïds qui soutenaient le régime colonial contre leurs propres coreligionnaires. Nous ne sourions résumer ici toute l’action de l’Emir Khaled.

Nous renvoyons le lecteur aux nombreux travaux qui lui furent consacrés par des historiens et publicistes parmi lesquels vient en tête  le docteur Mahfoud kaddache ou encore les professeurs Abdelkader Djeghloul, Nadia Bouzar Kasbadji ainsi que ceux qui ont signé les actes du cinquantenaire de la mort de l’Emir Khaled publiés par le CNEH.

Nous puiserons toutefois quelques faits pour mieux cerner la personnalité de l’Emir Khaled. Nous évoquerons plus particulièrement la réaction virulente des colons contre Khaled qui, de par ses revendications, commençait à menacer sérieusement leurs intérêts.

Dans leur littérature de riposte, les colons se sont abonnés à toutes sortes d’extravagances, niant à Khaled tout sentiment nationaliste en le qualifiant de «Mahdi du Bolchevisme Nord-Africain».
A cet «étiquetage» qui devient à la mode à presque toutes les époques – y compris à celles qui correspondent à notre souveraineté- Khaled répliquera :

« On vous accuse de précéder la révolution parce que vous écrivez que des pauvres meurent de faim». On vous taxe de mauvais français quand on revendique l’égalité des hommes…  Eh bien soyons amarchistes, bolchévistes, anti-Français, nationalistes et tout ce que vous voudrez, mais restons hommes » (L’Emir Khaled M. Kaddache – OPU- pp. 214-215).

Chez les français il y a une constance dans l’emploi des qualifiants. Ainsi Abdelkader aurait été un « fanatique » qui avait proclamé la guerre sainte contre les roumis, Bouamama un « perturbateur ». En 1954, lorsque les premières balles retentissent des Djebels de la patrie de Hassiba ben Bouali, encore une fois, les colons hurlent à qui voudra les entendre, que le F.L.N. est un produit à la solde du communisme. C’est là une démarche hypocrite qui consiste à trouver le «coupable»  ailleurs que dans le sentiment de dégoût et de révolte de l’algérien contre l’injustice.

Khaled aura droit également au ressentiment d’Octave Depont, un autre théoricien de la colonisation qui tentera lui aussi de nous faire croire que  le caractère révolutionnaire du communisme convient à merveille au tempérament berbère (O. Depont L’Algérie du Centenaire p.21). Depont critiquera sévèrement les articles que Khaled publie dans « l’Ikdam», en déplorant surtout que « la bonne princesse (l’administration) continuait, de son côté, à favoriser indirectement, par ses largesses, une feuille que son rédacteur en chef (Khaled) employait à rosser le pouvoir ». (L’Algérie du Centenaire pp. 178-179).

Khaled n’avait pas à ses trousses uniquement les colons et l’administration coloniale. Il combattait d’autres adversaires dénombrés parmi ses propres compatriotes dont le plus zélé à cette époque n’était autre que le fameux professeur Mohamed Soualah auquel Khaled infligera un retentissant camouflet :
A suivre

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