Histoire

L’Emir khaled – 1875- 1936 Colons, renégats et exil

Publié par dknews le 23-06-2015, 16h12 | 296
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« Il croit (Soualah) que sa naturalisation, le reniement de sa foi et de sa race, l’ingestion de viande de parc et le port de chapeau lui confère de plana la qualité de français chevaleresque. Telle la chauve-souris, il n’est ni oiseau ni rongeur. Il personnifie l’hypocrisie et quelque côté qu’il se trouve, il ne trouve devant lui que la malédiction et le mépris » (L’Emir Khaled M. Kaddache- OPU-p.143).

Rappelons dans ce contexte que khaled rejetait toute idée de renonciation au statut personnel et dénonçait tous ceux demandaient la naturalisation pour accéder à la « citoyenneté française » et profiter de quelques privilèges.

Plus tard, Abdelhamid Ben Badis adoptera la même attitude que Khaled. Qualifiant lui aussi « d’apostats ceux qui renonçaient à la législation de l’Islam ».En début du XXe siècle, les tunisiens refusaient à ce que les «naturalisés» soient enterrés dans les cimetières musulmans si bien que leurs sépultures étaient déterrés de nuit.

Les français n’avaient mieux à faire qu’aménager une aire spéciale isolée des cimetières chrétien et musulman, où les familles «M’tournis» venaient enterre leurs morts. Autrement dit même morts, les naturalisés n’étaient pas entièrement assimilés puisque les cimetières chrétiens leurs étaient fermés.
L’Emir khaled avait une grande estime pour Victor Spielman, algérianophile, duquel il disait : «Il vaut, à lui seul, toute la lâche et indifférente bourgeoisie indigène». (M. Lacheraf L’Algérie Nation et société p. 193). De son exil à Alexandrie.

De son exil à Alexanderie, Khaled écrivait à son ami Spielman : «Je sais que vous êtes un homme de grande lutte, plein d’énergie et de dévouement à la cause indigène avec un désintéressement complet» (M. Kaddache L’Emir Khaled p. 102).

Effectivement, Victor Spielman (1866- 1943) collabora dans L’Ikdam de Khaled et dirigea Le Trait d’union. Il publia un grand nombre d’écrits par lesquels il dénonça la dépossession des paysans algériens.

Le mouvement dirigé par Khaled s’amplifiait tous les jours. Ce qui ne manquera pas d’inquiéter la grosse colonisation qui se mettra à le faire persécuter et lui imposer l’exil dès 1923. Alors qu’il se trouvait en 1924 à Paris où il animera des conférences qui auront de très larges échos, Khaled rencontra l’un de ses anciens compagnons.

Ce dernier s’empressera de lui demander congé de crainte d’être vu et signalé à l’administration française en sa compagnie. Khaled, fier de sa lignée et de son valeureux ancêtre, Abdelkader, lui répondra : «Pourquoi m’éviteras-tu ? Mon grand père m’aurait-il légué une forge ?»
  Khaled qui deviendra le président d’honneur de «l’Etoile Nord-Africaine», sera contraint de nouveau à l’exil. En 1926, il choisira Damas, comme le fit avant lui Abdelkader, où il mourra en 1936.

Ali El Hammami, son cadet et compagnon de lutte l’évoquera en termes émouvants : «L’Emir Khaled est mort pour l’Algérie. J’oserai même dire pour le Maghreb. Pour cela, il a tout subi : souffrances, privations, insultes. A un âge qui sollicite le repos, il a enduré un exil dur et outrageant.

Que les Algériens de cette génération qui ont une mauvaise tendance à oublier ce qu’était leur pays en 1919 ou en 1914, ne passent pas rapidement l’éponge sur cette mémoire qu’un peuple, qui renaît dans le feu d’harassants combats, se droit avant tout d’en honorer le souvenir. Ils ne rendront pas hommage par un tel exemple à un homme : mais à un moment de leur propre conscience» (La République algérienne  du 4 mars 1949).

Pour conclure sur la personnalité de Khaled nous dirions que malgré une instabilité politique truffée de dilemmes, malgré l’aversion des colons et la trahison de la part de ses propres compatriotes, malgré les persécutions et les bannissements de l’administration française, l’Emir Khaled aura sans conteste contribué grandement, à l’aube du XXe siècle, à l’éveil nationaliste, à la réanimation de la conscience nationale, combien de fois étouffée et combien de fois ressuscitée.

Remarque à propos de Mohamed Soualah
La commune de Frenda a, il y a quelques années, baptisée une école primaire au nom du professeur Mohamed Soualah, natif lui-même de cette ville. J’ai signalé le fait aux autorités compétentes pour que ce nom soit retiré du fronton de l’institution éducative. Rien ne fut.

Je mettrais cette baptisassions sur la méconnaissance du passé politique de «l’homme cultivé» qui semblait séduire ceux qui ont voulu lui rendre hommage. Il aurait fallu que je sois de passage à Frenda pour constater de visu qu’une école primaire portait bel et bien le nom du tristement célèbre professeur Mohamed Soualah, adversaire acharné de l’Emir Khaled.

En effet, au début du XXe siècle, pendant que l’Algérie supportait les affres et le fardeau du colonialisme français, le professeur Soualah a carrément opté pour la francisation et la naturalisation. Pour montrer concrètement le reniement de son peuple, de sa culture et de sa patrie, Soualah ne trouvait pas mieux que de se promener dans les rues de Frenda avec un chapeau en guise de couvre-chef. Les vieux frendéens gardent encore en mémoire le souvenir de ce curieux personnage qui «a cru en la France».

 A cette dépersonnalisation délibérée, le professeur Soualah, alors directeur de la publication Ennacih ne cessait de vilipender le courant khalédiste d’une plume insultante et renégate Il avait droit, toutefois aux répliques dignes et percutantes du petit fils de l’Emir Abdelkader qui, acculé par les colons, l’administration française et ses valets de l’espèce de Soualah, a quand même réussi à semer les graines de l’éveil nationaliste.

Pour mieux éclairer le lecteur sur la question nous nous reférons au magistral travail fourni par le professeur Mahfoud Kaddache notamment L’histoire du nationalisme algérien (Sned 1980) et L’Emir Khaled (OPU – 1987)Je cite : «Le journal Ennacih du professeur Soualah accusa le petit fils d’Abdelkader de rallier autour de lui une poignée d’arrivistes et d’ambitieux amoraux et immoraux, de fruits secs de l’oukilat de gens sans aveux» (L’Emir Khaled – p.62).

L’Emir Khaled dénonce, quant à lui, Ennacih comme étant «Une feuille créée dans le seul but de contrecarrer les intérêts des musulmans algériens, défendre les requins rouges, les pseudo-marabouts exploiteurs des ignorants, les représentants incapables et serviles qui la font vivre et attaque systématiquement et ignominieusement, par dépit, les hommes indépendants, librement choisis par les électeurs» (L’Emir Khaled – p. 139).

Je lance, par voie de conséquence un appel aux autorités compétentes pour faire débarrasser l’école primaire de Frenda du nom de Mohamed Soualah et lui donner un autre nom. Les figures locales et nationales qui ont inscrit leurs noms dans les combats politiques et armé ne manquent pas, ou le remplacer carrément par le nom de l’Emir Khaled.   

Sinon, nous commettrons une grave atteinte contre la mémoire du patriote Khaled et entacherons l’histoire nationale par le nom d’un «intellectuel» peu clairvoyant et qui avait choisi de vendre son âme aux conquérants de 1830.

Ceux qui ont proposé le nom de Soualah  n’ont retenu de lui que son savoir et ses travaux pédagogiques en matière linguistique. Etre instruit en Algérie ne suffisait pas. Bon nombre «d’intellectuels» de culture française ou arabe ont choisi le camp colonialiste soit par conviction à savoir que la France coloniale était établie en Algérie pour l’éternité, soit encore par intérêt matériel et lâcheté parce que être patriote dans les années 1920, c’est forcément s’exposer aux foudres et au châtiment des maîtres.

L’Emir Khaled a d’ailleurs été banni sous la pression de la grosse colonisation et des «intellectuels indigènes» de service.Ceux qui connaissent des «vérités historiques» ne doivent pas garder le mutisme. Sinon, notre histoire continuera à subir tous les affronts du mensonge et de la falsification.

J’engagerai les mêmes démarches pour libérer un grand quartier de la banlieue algéroise : Hussein Dey. Le dernier des Deys qui a livré Alger et son trésor aux agresseurs de 1830. Pour débusquer également une rue à Alger qui porte encore le nom de Mustapha Ben Smaïl, un implacable adversaire de l’Emir Abdelkader, proclamé général par l’armée d’invasion.
A suivre

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