Histoire

«Baba Merzoug» : histoire particulière d'un canon algérois «captif» depuis 1830 en France

Publié par Dknews le 12-07-2015, 16h11 | 187
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Il y a 185 ans, presque jour pour jour, le 17 juillet 1830, le mythique Baba Merzoug, un canon de sept mètres, qui défendait Alger des envahisseurs, avait été pris comme trophée de guerre et exposé en 1833 dans la cour de l'Arsenal militaire de Brest (France).

Au XIVe siècle, Alger était une citadelle imprenable, coquettement surnommée par ses habitants «El Mahroussa (la bien gardée)». Cette situation a duré plusieurs siècles, en dépit des attaques de Charles Quint ou des français, procurant paix et sérénité à ses habitants, jusqu'à la chute de la régence d'Alger, en 1830, et le début de la colonisation française en Algérie.

Pour la médina d'Alger, trois années après la défaite de Navarrin (Italie), cette pièce d'artillerie unique, avec les autres «mille canons» installés sur le Pénon, était le dernier rempart entre la ville et ses ennemis, dont les français, qui ont débarqué à Sidi Fredj justement pour ne pas avoir à affronter cette formidable puissance de feu.

Ce protecteur tout en bronze n'est autre que Baba Merzoug, un formidable canon de 7 mètres, pouvant à lui seul dissuader toute velléité belliqueuse contre la ville d'Alger, cité des Rais Hassan et Hamidou, et très souvent envoyait par le fonds les navires de ceux qui voulaient soumettre El Djazair.

Il en est ainsi, par exemple, de l'invincible armada de Charles Quint, dont l'expédition contre la ville d'Alger en 1541 s'était terminée en débâcle, avec la perte de la moitié de son «invincible armada».

Avec sa flotte décimée par les mille canons qui gardaient Alger, Charles Quint est reparti défait et dépité d'avoir échoué, après un siège de plusieurs mois, de faire tomber Alger pour se venger de la perte d'Oran.Baba Merzoug a été construit en 1542, une année après l'expédition de Charles Quint sur Alger.

Chute d'Alger, saisie de Baba Merzoug

Aussi, dès les tout premiers jours de la chute d'Alger, en juillet 1830, l'amiral Guy Duperré s'est-il empressé de se saisir de Baba Merzoug pour l'expédier immédiatement à Brest, où il gît jusqu'à nos jours sous une nouvelle identité, «La Consulaire», son appellation française.

«Les batteries de cette ville étaient bâties avec une magnificence extrême. Les pavées, les murailles, les embrasures, étaient faits avec un luxe de matériaux, un fini de travail dont on ne saurait se faire une idée», écrit dans ses mémoires le capitaine Barchou, lors de la prise d'Alger en 1830.

Il ajoute : «Les embrasures se trouvaient garnies de pièces dont quelques une étaient remarquables par les riches ciselure qui les recouvraient, d'autres par leur histoire. La Consulaire (Baba Merzoug) était du nombre de ces dernières».

C'est sur le rapport du ministre de la guerre, le général Gérard, et conformément à la demande du général Clauzel, que le roi de France Louis-Philippe décida le 9 octobre 1830 que 23 d'entre elles seraient envoyées aux Invalides.

Parmi les canons disposés de chaque côté de l'entrée des Invalides, à Paris, seize pièces choisies pour «leur intérêt artistique et historique» proviennent de l'arsenal qui protégeait Alger, composé autant de canons fondus dans la médina que d'autres pièces saisies lors des courses en Méditerranée.

Selon un inventaire fait par l'armée française, le nombre total de pièces d'artillerie en bronze que comprenait l'arsenal d'El Djazair en 1830 était de 900, avec un poids global de 3.000 quintaux.

Pour autant, l'intérêt de l'armée coloniale ira vite vers Baba Merzoug, la Consulaire. Baba Merzoug avait été, dans un premier temps sélectionné pour figurer au nombre des trophées de l'Hôtel des Invalides.

Mais, l'amiral Duperré, qui a ramené en France les canons algériens, a demandé au ministre de la marine son transfert vers la ville de Brest, où il a été érigé face contre ciel dans la cour de l'arsenal. Par la suite, un coq en bronze a été placé sur la bouche de La Consulaire.

La Consulaire

Baba Merzoug est venu au jour à la fin des travaux de fortification de la ville d'Alger, en 1542. Fabriqué par un fondeur vénitien suite à la commande du pacha Hassan, qui avait succédé à Kheireddine, sa portée était exceptionnelle pour l'époque, 4 872 mètres, et un poids impressionnant, 12 tonnes.

C'est une superbe pièce d'artillerie, unique en son genre, finement ciselée, qui va dorénavant défendre Alger, la rendant inviolable, absolument inattaquable par mer. Servi par quatre «Tobdjis» (artilleurs) et un chef-tobdjis, le canon est dirigé vers Raïs Hamidou (ex-Pointe Pescade, ouest d'Alger), interdisant dorénavant à tout navire de s'approcher d'Alger.

En 1671, l'histoire de ce canon terrible va basculer: il interdira à la flotte de l'amiral Duquesne, qui assiégeait Alger, de s'emparer de la ville. Un fait de guerre qui va lui valoir une animosité tenace de deux siècles, après une vengeance terrible des français.

Le consul de France et missionnaire auprès du Dey à Alger, le père LeVacher, accusé de traîtrise par le raïs Meso Morto (demi mort), a été mis dans la bouche du canon et «tiré» avec un boulet vers le navire amiral français, dont l'escadre bombardait la ville.

Il sera appelé, dès lors, par la marine française «La Consulaire». Mais, ce sera la dernière fois qu'il envoie un boulet. La charge employée était si forte que le canon se fendit à la culasse.

Il ne servira plus après. Mais, l'endroit où il se fendit a été masqué par une toile goudronnée, et le secret de sa «mort» bien gardé. Il gît sur  son emplacement actuel, au port de Brest, depuis le 27 juillet 1833. Un comité chargé de sa restitution a été mis en place dans les années 2000.

Mais, sans résultats, jusqu'à présent. Son lointain souvenir, ainsi que les 1.000 canons qui défendaient El Djazaïr, est toujours présent pour les algérois notamment, lorsque la fin de la journée de jeûne, au mois de ramadhan, était annoncée jusque vers les années 1970, par un coup de canon, tiré du port d'Alger.

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