Les professeurs Ahmed Ahras, Abderezak Belmihoub, Mohamed Rachedi, invités du forum de DK News : Réadaptation des personnes en situation de handicap majeur : Les béquilles, ce n’est pas tout

Publié par Said Abjaoui le 13-03-2016, 19h20 | 463

Tout handicap devient un calvaire dans un environnement non adapté. Un calvaire pour un malade handicapé moteur. Il y a plusieurs formes de handicap et chacun de ceux-ci peut être considéré comme brisant la volonté du malade et désarmant son moral.

Il y a une obligation pour la société à réintégrer, à redonner sa place au handicapé. Si la société fait défaut, elle aura bafoué, violé le droit de la personne à accéder à une vie de relatif confort.

«Réadaptation des personnes  en situation d'handicap majeur» est le thème traité au Forum DK News par le professeur Ahmed Ahras, chef du service médecine physique et de réadaptation (MPR), EHS Ben Aknoun, le professeur Abderezak Belmihoub, du service médecine physique et réadaptation,  EHS Tixeraine, et le professeur Mohamed Rachedi, président de la Société algérienne de médecine physique et réadaptation.  

Ce type de médecine est orienté vers la récupération des capacités fonctionnelles et de qualité de vie des personnes atteintes de handicap, congénital ou acquis. Les handicaps sont divers, et il s'agit de récupération d'une fonction optimale (dos, paraplégique, pied diabétique, récupération suite à des accidents de la route). Dans cette catégorie, celle des accidents de la route, ce sont donc l'ensemble des mesures destinées aux personnes en situation de handicap à s'adapter à son environnement. Cette réhabilitation est possible pour ce qui reste à cette personne à  vivre.

Le problème réside au moment où le patient doit quitter l'hôpital. Il ne veut pas justement quitter l'hôpital et il a de sérieuses raisons à craindre l'environnement en dehors de l'établissement de santé. Le monde extérieur lui est étranger. Comment vivre dans un environnement qui ne lui est pas adapté? Le problème ne réside pas seulement dehors. Comment vivre chez lui, où partout il ne rencontre que des « obstacles» (escaliers, toilettes à la Turque, meubles...). Les adaptations sont dans les deux sens. Adapter le patient à son environnement et adapter l'environnement au patient. Même l'accès à l'hôpital n'est pas adapté. Prenons un exemple. L'accès à l'intérieur de l'hôpital de Ben Aknoun se fait en gravissant une grande pente.

Selon des statistiques OMS, 15% de la population mondiale est constituée de personnes en situation de handicap.

Environ 3 millions en Algérie sous toutes les formes. Quand il y a des accidents de la route, on ne s'intéresse qu'aux personnes décédées, et pas à celles qui sont blessées. On ne donne pas le nombre de blessés, encore moins d'atteintes importantes aux organes moiteurs.

Dans les  60 000 AVC qui touchent les Algériens chaque année, 1/3 des personnes atteintes en sortent avec des handicaps.

Quel environnement attend les paraplégiques des suites des accidents de la route? Il leur faudrait habiter au rez-de-chaussée des immeubles,  avoir un emploi adapté pour participer au  développement. C'est une atteinte aux droits de l'homme que de ne pas satisfaire les besoins d'un citoyen.

Si ces malades restent un an à l'hôpital, avec un environnement approprié, ils sont dépassés par l'environnement extérieur à l'hôpital. Une journée d'hôpital revient à  10 000 DA. Il s'agit d'un enjeu de santé publique. Il y a des patients qui sont restés dix années à l'hôpital et qui ne veulent plus en sortir car parfois, ils sont complètement oubliés par leurs parents.

Le Pr Ahras rappelle que c'était le 14/03/ 1981 lors d'un séminaire de trois jours qu'ont été votées en Algérie des résolutions «révolutionnaires» pour l'époque, pour définir les moyens d'une prise en charge des handicapés. Nous avions pris, en terme de textes  une avance de quarante ans.

Nous avons fait un progrès immense en termes de formation. 1 seul médecin «réadapteur» durant les années 60/70, nous avons lancé des formations en la matière et nous avons formé un millier de spécialistes. Nous disposons actuellement de 120 formateurs entre professeurs, chercheurs ...

Chaque année sur 151 candidats à la formation seuls 27 réussissent en première session, les autres tentant leur chance en deuxième session. 40 à 45 spécialistes sont formés par an avec une formation de haut niveau. Nombre de spécialistes sont affectés à l'intérieur du pays mais reviennent vite car on ne leur a pas donné les moyens qu'il faut. Ils n'y faisaient que de la consultation.

Un directeur d'hôpital a même demandé à un couple de spécialistes pourquoi ils continuaient à venir puisqu'ils sont payés tout de même. Le professeur des patients évalue le nombre de centres à ouvrir à 6, en faire des centres régionaux. En leur absence, plus de 60%  des patients ne reviennent  pas pour continuer leur traitement. Nos spécialistes à l'intérieur du pays sont sur le terrain mais sans armes.

Said Abjaoui