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Prolifération des rats aux Iles Habibas (Oran) : Une dératisation à risque

Publié par DKnews le 29-01-2017, 15h43 | 309
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La lutte contre la prolifération des rats sur l’aire marine protégée des iles Habibas d’Oran est une «opération à risque» si l’on recourt à la méthode chimique, ont estimé des spécialistes.

Interrogés par l'APS sur la solution proposée par une biologiste américaine, Loretta Mayer, préconisant la stérilisation de ces rongeurs pour venir à bout à leur prolifération, ils se sont montrés prudents quant à l’utilisation de cette méthode chimique dans ce site érigé en réserve naturelle terrestre et marine en 2003 et en Aire Spécialement Protégée  d'Intérêt Méditerranéen (ASPIM) depuis 2005, renfermant des potentialités importantes en matière de gîtes pour des oiseaux marins rares et protégés, notamment le puffin cendré, menacé par le rat noir qui se nourrit de ses £ufs.

La méthode de Loretta Mayer, prévoyant une réduction de 40% des populations de ce rongeur en 12 semaines, semble être une «bonne solution». «Pourtant, il faut se méfier», met en garde Mouloud Benabdi, Maitre assistant à l’Université Oran 2, spécialiste en biologie marine et membre de l’association écologique «Barbarous» qui se bat pour la préservation de ce joyau naturel depuis des années.

«Il s’agit d’une méthode chimique, or toute méthode chimique comporte des risques», souligne-t-il à l’APS, ajoutant qu’il est difficile de se prononcer sur la possibilité d’utiliser ce produit sur les Iles Habibas sans avoir toutes les informations sur sa composition et le protocole de son utilisation, dans un premier lieu, et le tester à petite échelle dans un second lieu.

«Quel serait l’impact de ce produit sur les oiseaux et les reptiles -notamment le lézard à lunettes, une espèce endémique protégée - de l’Ile ? Quel serait son impact sur la flore et la faune marine s’il est porté par les pluies ? «, s’interroge-t-il.

Les responsables du Commissariat national du littoral (CNL) semblent partager le même avis. Le CNL, crée en 2004 comme outil essentiel pour la mise en place de la loi du littoral, est chargé de veiller à la préservation et à la valorisation du littoral, de mettre en £uvre des mesures de protection, de fournir aux collectivités l’assistance dont elles ont besoin et de promouvoir la sensibilisation et l’information du public.

Une dératisation à risque

Le chef d’antenne d’Oran du CNL, qui chapeaute, depuis 2016, les opérations de contrôle du rat sur les Iles, Abdelkader Laaloui, a été formel à son tour. «Il n’est pas possible de se prononcer, ou même de donner un avis sur ce nouveau produit tant que toutes les informations sur sa composition, le protocole de son utilisation, son impact sur les autres espèces ne sont pas disponibles», a-t-il soutenu.

«Personne ne peut prendre la responsabilité de valider l’usage d’un produit chimique sur les iles sans le tester», se sont accordés à dire Laaloui et Benabdi, ajoutant qu’il est nécessaire d’avoir des rapports scientifiques qui valident le produit et la méthode, leurs avantages et inconvénients ainsi que leurs conséquences sur le reste des espèces avant de trancher.

C’est d’ailleurs les risques que comporte la méthode chimique qui ont poussé le CNL à opter pour la méthode mécanique pour la première campagne de contrôle des rats, menée entre avril et octobre 2016.

«Il s’agit d’une opération de contrôle de la prolifération des rats et non d’une dératisation», insiste M. Laaloui , notant qu’une dératisation, qui consiste à éradiquer l’espèce est «très coûteuse», alors que le contrôle consiste à limiter leur prolifération, et c'est ce qui a été fait lors de la première campagne.

Si le CNL n’a pas agi avant 2016 pour lutter contre le rat noir, c’est par manque de moyens, explique-t-il. C’est d’ailleurs le même argument qui revient pour justifier les résultats «non satisfaisants» de la méthode mécanique sur les Iles.

Les pièges utilisés n’ont pas été efficaces à cause de leur mauvaise qualité, a-t-il dit, ajoutant que le CNL tente d’acquérir des pièges plus performants. Le problème ne concerne pas la méthode mécanique mais son application. Eradiquer une population de rongeurs au moyen de pièges est possible, mais demande une massive, constante et rigoureuse pression de piégeage pendant un mois ou plus», souligne M.Laaloui.

Aux Iles Habibas, la lutte mécanique nécessiterait plus de 800 pièges avec la mobilisation de quelque 20 ouvriers ou éco-gardes en plus de 2 pilotes d’embarcation semi-rigides ou zodiac, sans citer les moyen logistiques (restauration, carburant, salaires des ouvriers ...etc).

Cette méthode «très écologique» semble au-dessus des moyens du CNL qui n’a utilisé en 2016 qu’une vingtaine de pièges avec un objectif de contrôler la prolifération du rongeur. Son éradication n’étant pas possible avec les moyens actuels, argue-t-on.

Vu la menace que représentent les populations croissantes du rat noir sur les Iles, l’antenne d’Oran a, par ailleurs, préconisé l’usage de moyens chimiques pour la prochaine saison (à partir de mai 2017). La direction du Commissariat l’a soumis à différents experts. L’antenne d’Oran attend toujours une réponse sur la validation ou non de la lutte chimique, a-t-on indiqué.

«Les seules toxines autorisées dans la lutte chimique contre les rongeurs sont les substances coagulantes, notamment les deux molécules chlorophacinone et la bromadiolone qui n’agissent pas sur les insectes et mollusques, ni sur les reptiles, mais seulement sur les vertébrés homéothermes qui sont les mammifères et les oiseaux», a-t-on expliqué.

La distribution des appâts toxiques peut se faire selon trois modalités: distribution aérienne au moyen d’un hélicoptère, distribution manuelle à la volée et distribution manuelle sur postes d’appâtage.

C’est la distribution manuelle, testée notamment sur les Iles Kuriat en Tunisie, qui a de «fortes chances» d’être adoptée aux Iles Habibas si la méthode chimique est validée, a précisé M.Laaloui.

Entre le manque de moyens pour mener une lutte mécanique efficace et l’hésitation quant à l’usage de méthodes chimiques, la menace continue à planer sur les £ufs des oiseaux marins des Iles Habibas, protégés par plusieurs conventions.

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