Culture

Patrimoine: Le bijou d’argent, symbole et fierté des Ath Yenni

Publié par DK News le 11-02-2017, 17h57 | 190
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Le bijou d’argent des Ath-Yenni, un héritage ancestral,  continue à résister aux aléas du temps et au «diktat» commercial pour faire  la fierté des habitants de cette commune et représenter son symbole le plus  distinctif.

«Le bijou d’Ath Yenni, héritage ancestral et exigences d’aujourd’hui».
C’est par ce slogan que les visiteurs de cette commune, à 35 Km au sud-est de  Tizi-Ouzou, ont été accueillis, à l’occasion de la denière édition de  la fête du bijou.

Il s’agit d’une manifestation qui met à l’honneur la spécificité  première de cette région de haute Kabylie, le raffiné et authentique bijou d’argent  qui fait depuis si longtemps la notoriété et l’attrait de celle-ci. Aussi, ce  rendez-vous est-il une précieuse opportunité pour faire connaitre ce patrimoine  ancestral et unique en son genre, indissociable de l’identité de la femme kabyle  mais néanmoins, confronté à de multiples menaces de disparition.

Un patrimoine séculaire    
Différentes versions racontent l’origine de ce bijou, dont celle qui  la renvoie à l’an 1492, lorsque la reine d’Espagne chassa de son royaume ceux  qui refusaient de se convertir au catholicisme, juifs et musulmans qui ont été  contraints de s’exiler dans les pays du Maghreb, dont l’Algérie.
Certains artisans  juifs se seraient retrouvés ainsi à Béjaïa, apportant avec eux cet artisanat  qu’ils auraient transmis progressivement aux habitants de la ville.

Parmi ces  derniers, ceux qui finiront, des décennies plus tard, par s’installer à Ath  Yenni.
A l’époque, la commune était réputée pour sa production de fausse monnaie,  qu’elle faisait écouler sur les marchés locaux pour, disait-on, porter atteinte  à l’empire turc dominant.  Cette pratique aurait pris fin lorsqu’elle fût découverte par les espions  du Dey, ce qui aurait contraint les habitants d’Ath Yanni à se tourner vers  la confection du bijou d’argent.

 Une autre version se réfère à la famille Allam -de la tribu des Ath  Abbas, probablement en référence à la Kalâa des Ait Abbés à Bejaia- qui, une  fois installée à Ath Yenni, des décennies auparavant, aurait transmis cet art  aux habitants locaux.

Les alliances contractées avec des familles d’Ait-Larbâa,  l’un des sept villages composant cette commune, expliqueraient la concentration  de ce dernier en plus grand nombre d’orfèvres.  Mais quelle que soit la provenance  originelle de ce précieux patrimoine, un fait indéniable : il est la résultante  de brassages et d’échanges entre des cultures distinctes, avant que le processus  de l’histoire ne les fasse se croiser et fusionner l’une dans l’autre.

 Les bijoux kabyles, connus pour leur fascination et attrait, ont vu  leur réputation transcender les frontières de l'Algérie, pour conquérir une  renommée internationale véhiculée, depuis des décennies, par les touristes étrangers  qui affectionnent particulièrement cette partie de la Kabylie, d’une part.
D’autre  part, par la communauté kabyle établie à l’étranger, en France notamment.

Les  techniques de fonte et de moulage de l'argent, courantes dans toute l'Afrique  du Nord et remontant à l'antiquité, n’ont pas tellement évolué.  La fabrication  restant ainsi le plus souvent traditionnelle, les articles sont confectionnés  au moyen d’une minuscule enclume alors que la technique de l'émaillage est réalisée  en prenant soin de délimiter les parties à teindre et en soudant des fils en  argent.

 Fruit de l’alliage de trois matériaux : l’argent, le corail et l’émail,  le bijou d’argent, localement appelé L’fetta, requiert une précision, une dextérité  et une habileté extrêmes de la part de l’orfèvre.
Autant de critères indispensables  qui donnent naissance à des produits finement ciselés, filigranés, rehaussés  de jolies pierres de corail serti.
Un corail provenant du bassin méditerranéen  alors que l’argent est extrait en Algérie, traité en France avant d’être réimporté.
 L’émail est, quant à lui, importé de la ville française de Limoges.

Un bijou typique
C’est ce processus qui explique la cherté, conjuguée à la rareté de  ces matières premières qui, assemblées et travaillées, consacrent la particularité  de ces bijoux qui différent de ceux de la basse Kabylie (Béjaia), plus proches  des bijoux d’argent des Aurès, en ce qu’ils sont dépourvus d’émail et sobrement  rehaussés de discrètes pierres aux diverses couleurs.

Les bijoux kabyles d’Ath  Yenni sont déclinés sous différentes formes, selon les usages qu’en font leurs  propriétaires : l’on retrouve ainsi les bracelets «Ddah ou Ameshlukh», les chevillières  «Ikhelkhalen», les fibules «Avruch» qui se fixent sur l'étoffe par un ardillon  à l'intérieur duquel coulisse un anneau.  Il en existe de nombreux types, tels  que les «Idwiren» (ronds) et les «Taharaht» qui sont de petites tailles.  Les  «Tibzimin» sont, quant à elles, des fibules de grandes tailles alors que les  «Ibzimen» sont de forme triangulaire.

Les «Abzim» sont présentés comme étant  la pièce maîtresse de la parure kabyle, car se portant sur la poitrine de la  femme.
Il s’agit d’une grande fibule de forme ronde et richement décorée  par de nombreux filigranes, des boules d’argent et une multitude de coraux.
La panoplie de bijoux comporte également «Taessavt», un diadème tout  aussi joliment ornementé d'émaux, de gros cabochons de corail ainsi que de  boules d'argent.
A ces bijoux, s’ajoutent les incontournables «Thimengouchine» ou «Thaloukine»,  à savoir les boucles d’oreille sans lesquelles aucune parure d’argent ne saurait  être complète.

Celles-ci sont de plus en plus variées, mais les plus anciens  modèles demeurent les plus appréciés.  Parmi lesquelles on peut retrouver «Letrak»,  une sorte d’anneau oval orné à l'extrémité par des sertissages de corail et  d'émaux.
«Thigwedmatin» est un autre type de boucles d'oreille, composé d'anneaux  ornés de corail aux extrémités, celles-ci étant agrémentées de plaques rondes  émaillées et pourvues de pendeloques allongées.

Une fonction sociale
Au-delà de l’aspect strictement esthétique, le bijou d’Ath Yenni revêt  également une dimension hautement symbolique et a une fonction sociale : indissociable  des robes kabyles, également propres à la région, il tient une place essentiel  dans le quotidien de celle-ci.
Réduite à sa plus simple expression, la parure  d’argent accompagne la femme kabyle durant ses journées ordinaires alors que  cette dernière tend à arborer la majorité de ses précieux ornements lors des  occasions festives, lui procurant autant d’élégance que de fierté.
Jadis, les  femmes kabyles ne se séparaient jamais de leurs bijoux, y compris lorsqu’elles  s’affairaient à leurs besognes ménagères.

Le plus souvent, les bijoux s’héritent  de mères en filles et sont jalousement préservés : de par leur valeur, autant  symbolique que marchande, ils ne sont vendus à autrui qu’en cas d’extrême nécessité.
 Ces bijoux sont si liés à l’identité de la femme kabyle que toute mariée  se doit de les posséder et les prévoir, en priorité, dans son trousseau.
Pour  ce faire, les mères s’attèlent, des années durant, à économiser le coût nécessaire  à leur achat, s’engageant pour certaines d’entre elles à s’endetter en cas de  difficultés de payement.  Dans l’usage social de la région, il serait «mal vu»  qu’une famille ne dote pas ses filles de ces ornements incontournables, aussi  onéreux soient-ils.

Et pour qu’une parure soit complète, elle doit impérativement  être composée de bracelets, de chevillères, de boucles d'oreille, de colliers  et du diadème.
 Objet d’orgueil et constituant la référence par excellence des Ath Yenni,  l’artisanat d’argent est aussi le meilleur prétexte pour faire découvrir cette  commune rurale caractérisé par un relief constitué d'une succession de collines  au piémont de la chaîne montagneuse du Djurdjura, lequel en constitue la limite  septentrionale.

Déjà sortie de l’anonymat grâce au roman de l’écrivain Mouloud Mammeri  «La Colline oubliée», dédié à son village natal, Taourirt-Mimoun, la commune  a bâti une réputation à travers le savoir-faire de ses artisans orfèvres, dont  la majorité vit de cet artisanat traditionnel qui gagnerait à être davantage  soutenu pour assurer sa promotion et sa pérennité.

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