Un geste de la France en l’honneur de l’Emir Abdelkader serait de "haute signification"

Publié par DKNews le 12-09-2017, 14h01 | 34

Un geste de la France en l’honneur de l’Emir Abdelkader serait de "haute signification", a estimé mardi l’historien Alain Ruscio, soulignant que la France officielle aurait dû entreprendre des gestes de réconciliation envers l’Algérie.

"Le retard accumulé est considérable ! Voilà des décennies que la France officielle aurait dû entreprendre des gestes de réconciliation", a-t-il affirmé dans un entretien à l’APS, considérant qu’un geste en l’honneur de l’Emir Abdelkader serait de "haute signification".

Alain Ruscio, qui dirige les travaux d’une Encyclopédie de la colonisation française dont le premier tome est paru en février dernier, a publié la semaine passée une tribune dans laquelle il a appelé à ériger à Paris une statue de l’Emir Abdelkader.

"Si les partisans du +bilan positif+ de la colonisation française s’acharnent à maintenir la statue du général Bugeaud sur le sol français, soyons +montherliens+, reprenons l’appel de l’écrivain, lançons un appel pour l’érection d’une statue à la mémoire de l’Emir au centre de cette place parisienne (dans le 5e arrondissement de Paris)", avait-il écrit.

L’auteur de "Nostalgérie. L’interminable histoire de l’OAS", La Découverte (2015) a indiqué, dans ce contexte, qu’il y a à Paris des espaces d’hommage  à Habib Bouguiba (ancien président de la Tunisie), que la IV ème République, naguère, avait envoyé en prison, à Mohammed V (ex-roi du Maroc), que la France exila.

Il a tenu à rappeler aux dirigeants français, "ignorants en la matière", que l’Emir Abdelkader "fut non seulement un grand résistant, mais aussi un fin lettré, infiniment plus cultivé que tous les généraux et politiciens français de l’ère de la conquête, qu’il fut également un humaniste, sauvant des chrétiens des massacres en Syrie, par la suite".

Il a précisé que sa tribune n’était pas vraiment un appel, mais il n’a fait que rappeler un épisode "totalement méconnu : la volonté de certains Français, lucides mais hélas bien rares, tel Henry de Montherlant, de rendre hommage au grand patriote Abdelkader".

A l’époque de la domination coloniale, a-t-il ajouté, "le simple fait d’évoquer son nom et de l’associer à cette notion de +patriotisme algérien+, de le considérer comme un +résistant+, était déjà aller à

contre-courant", rappelant que les villes d’Algérie d’alors  étaient couvertes de statues, de monuments, de stèles, à la gloire des conquérants, parmi lesquels des sabreurs, comme le duc d’Aumale et le général Bugeaud .

"Maintenant, si mon texte peut initier une initiative collective en vue de l’érection d’une statue en l’honneur de l’Emir, je suis prêt à m’engager", a-t-il dit, rappelant qu’il a été parmi les initiateurs de l’appel contre l’envoi des cendres du sinistre général Bigeard aux Invalides (Paris), qui avait eu gain de cause.

Interrogé sur l’éventualité d’une paix des mémoires entre la France et l’Algérie au cours du quinquennat du président Emmanuel Macron, qui avait déclaré, en sa qualité de candidat à la présidence, que la colonisation était un crime contre l’humanité, Alain Ruscio, qui a voulu répondre en sa qualité de citoyen français, s’est dit "extrêmement méfiant" face aux  premières initiatives du président Macron.

D’après lui, "il est capable, il l’a prouvé, de faire des déclarations contradictoires. Sa majorité, en tout cas, n’a rien de progressiste", ajoutant que certes, "il succède à des présidents réactionnaires ou +de gauche+ qui n’ont pas brillé par leur activité mémorielle de réconciliation".

Cependant, il dit rester "attentif  aux évolutions éventuelles d’Emmanuel Macron tout en étant dubitatif".