Patrimoine : Le chanteur Kadour El Yaboussi, le «révolté» de la chanson aurèssienne

Publié par DKnews le 22-09-2017, 16h59 | 41

Considéré dans la ville de Khenchela et la région des Aurès comme l’artiste à la voix d’or et le «révolté» de la chanson chaouie, Kadour El Yaboussi, de son vrai nom Abdelkader Bourezam, a été honoré à l’ouverture de la 9ème édition du festival culturel local de la musique et de la chanson chaouies, tenue dernièrement à Khenchela, dans un geste de reconnaissance salué tant par le public que par la famille artistique. 

Né en février 1945 au village Oskoum dans la commune de Yabous (wilaya de Khenchela), Kadour Oskoum ou Kadour El Yaboussi appartient à une modeste famille d’artistes.  Il a reçu la passion pour la musique et le chant de son père et de sa tante paternelle, connus par «la voix chaouie qui porte».

Aujourd’hui, âgé de 72 ans, il a affirmé à l’APS avoir reçu son surnom de Kadour El Yaboussi, dès les années 1960 et son style à part, dans l’interprétation de la chanson chaouie, lui a valu également la réputation parmi ses pairs artistes de «révolté» de la chanson chaouie.

Durant ses années de gloire, il était l’artiste le plus sollicité pour les fêtes et grandes occasions dans toute la région des Aurès.

Au cours de la cérémonie d’ouverture du festival culturel local de la musique et de la chanson chaouies, l’artiste Tahar Laâgoubi a affirmé, avant de reprendre la chanson ‘‘Demmam’’ (espérance) qui avait fait la renommée de Kadour El Yaboussi, que ce dernier est un «véritable doyen» de la chanson chaouie.

De son côté, le chanteur Bachir Benarbia qui compte environ 20 albums sur le marché dans le style des Rahaba chaouis, a considéré qu’El Yaboussi est «l’encyclopédie de la chanson chaouie», déplorant le fait que le parcours de cet artiste n’ait pas été «suffisamment médiatisé». 

«C’est une grosse perte pour le patrimoine chaoui de ne pas avoir enregistré les chansons de cette voix extraordinaire et très sensible qui distingue cet artiste», a encore estimé Benarbia, qui a cité, entre autres chef d’£uvres de l’artiste, la chanson «Ya Ra’ii mendjoum ra’ydh ra’ydh’’ (Oh ! chamelier).
Pour Benarbia, «nul n’a pu égaler le talent d’El Yaboussi dans son interprétation des deux chansons «Demmam» et «Ayache».

«Ces deux chansons sont demeurées très appréciées et demandées par le public là où se produisait El Yaboussi en concerts ou dans les fêtes», a-t-il ajouté, notant que «le doyen» pleurait à chaque fois qu’il interprétait ces deux chansons évoquant les sentiments de tristesse, d’espoir et de mélancolie qui tourmentent les mères et les jeunes ayant rejoint les maquis durant la Révolution de libération.

Valorisant le geste de reconnaissance que les autorités lui ont rendu, El Yaboussi confie, non sans peine, qu’il a souffert de mise à l’écart «artistique» en dépit de son apport incontesté à la musique chaouie.

Mais vite, dans un moment emprunt de nostalgie, du haut des ses 72 ans, l’artiste qui vit actuellement dans un état de précarité dans son village Askoum, au retentissement de la gasba chaouie, lance, la voix un peu éteinte, son autre chef d’£uvre, « Ahl lejbal, Amecca oua jebel ahdouni» (Les gens des montagnes m’ont fait une promesse), la chanson qu’on ne cessait de fredonner dans toute la région des Aurès pour se resserrer les rangs durant la Révolution libératrice et affirmer que «les gens des montagnes» ont fait le serment de libérer le pays et d’affranchir le peuple du joug colonial.