France - Algérie : «Il est temps de dépolitiser la mémoire de la guerre d’Algérie en reconnaissant les souffrances des victimes»

Publié par DKnews le 25-09-2017, 16h55 | 123

L’historienne française Sylvie Thénault a  affirmé qu’il faut dépolitiser la mémoire de la guerre d’Algérie en  reconnaissant les souffrances des victimes, estimant que c’est la  ''meilleure façon'' de procéder.

"Il est temps de dépolitiser la mémoire de la guerre d’Algérie en  reconnaissant sincèrement les souffrances des victimes et de sortir des bas  usages de l’histoire", a-t-elle dit dans un entretien au quotidien La  Croix, publié lundi, avertissant que "tant que nous restons dans une  mémoire partielle de la guerre, nous sommes pris dans un jeu de  concurrence, non pas des mémoires mais des courants qui politisent ces  mémoires".

Sylvie Thénault, directrice de recherche au CNRS et spécialiste de la  guerre de libération nationale, a estimé que la réconciliation des mémoires  est "souhaitable".

Evoquant les courants qui politisent en France ces mémoires, elle cite  "ceux qui défendent l’idée de reconnaître et réparer les souffrances des  colonisés sont du côté de la gauche, de l’extrême gauche et de  l’anticolonialisme", précisant que de l’autre côté, la cause des harkis  "fut pendant longtemps utilisée par les nostalgiques de l’Algérie  française".

"Mais la mémoire des pieds-noirs reste, elle, très politisée, notamment là  où les enjeux électoraux sont importants pour le Front national comme dans  le sud de la France", a-t-elle ajouté, estimant que l’avènement d’Emmanuel  Macron à la présidence peut représenter une opportunité . 

"Elle (l’élection d’Emmanuel Macron) peut représenter une opportunité, pas  seulement par son positionnement politique +de droite et de gauche+",  a-t-elle relevé, considérant "qu’il a aussi appris de la polémique  déclenchée par ses propos qualifiant la colonisation de crime de  l’humanité".

Pour l’auteur de "Histoire de la guerre d’indépendance algérienne" (Ed.  Flammarion, 2012), le président Macron appartient à une génération qui n’a  pas connu la guerre, d’autant, a-telle-soutenu, "il est entré en politique  à un moment où l’antiracisme avait une forte valeur".

Macron "est d’une génération où l’indépendance de l’Algérie ne se discute  plus.  De ce fait, il peut poser des gestes, y compris envers les Français  d’Algérie, sans risque politique.  Et il a la possibilité de reconnaître la  responsabilité de la France, sur le modèle de Jacques Chirac en 1995 à  propos de la collaboration", a-t-elle expliqué, considérant que les  souffrances pendant la guerre "n’ont pas eu la même échelle".

 "La torture et les exécutions sommaires ont concerné des centaines de  milliers d’Algériens.
Quant aux camps de regroupements, ce sont deux  millions d’Algériens qui y ont été placés.
La nature des souffrances est  aussi à prendre en compte.

Ce n’est pas comparable d’avoir été victime de  la torture ou d’avoir vu un proche exécuté et de s’être sauvé dans  l’urgence pour échapper au massacre puis d’avoir vécu dans un camp des  dizaines d’années dans des conditions certes misérables", a-t-elle tenu à  souligner.

L’historienne, qui également l’auteure de "Violence ordinaire dans  l’Algérie coloniale" (Ed. Odile Jacob, 2012), préconise, à cet effet, une  "approche globale" de la France vis-à-vis de la guerre de libération qui  devra être accompagnée d’un "travail diplomatique" afin, dit-elle, que "les  gestes et discours ici ne puissent pas être mal interprétés".