Récipiendaire du doctorat Honoris Causa : Lounis Ait Menguellet, un poète au vers profond

Publié par DKnews le 04-10-2017, 16h48 | 45

Musique sobre réduite au rôle de support, le  Chanteur Lounis Ait Menguellet (17 janvier 1950) a toujours fait le choix  de mettre en avant dans ses oeuvres la profondeur du vers.

Interprétées avec une voix d’or, les succès de l'aède, qui a vu sa  carrière de chanteur d’expression kabyle couronnée mardi par un Doctorat  honoris causa décerné par l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, en  présence du ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, impressionnent par la  beauté du verbe et l’insaisissable sens des poèmes interprétés.

Le secret de sa réussite réside dans ce verbe qu’il choisit avec minutie  pour composer des poèmes dans un langage où se mêlent tradition orale et  sensibilité d'un ciseleur du verbe. Pas besoin de fioritures.

Le vers se  suffit à lui-même quand il est beau, quelques douces notes de sa guitare et  la magie se crée pour séduire des milliers de fans. Un demi-siècle de  carrière, 222 chansons et pas une ride, les tubes de Lounis sont toujours  des succès.

Pétri dans une culture où l’on parle au figuré et l’on use de détours, de  dictons et de proverbes, où le sens est à chercher au second degré, Ait  Menguellet qui aime la compagnie des sages des villages de Kabylie,  s’adresse, lui aussi, à son public dans un langage détourné.

Ses chansons  son toujours à réécouter pour saisir son message. D’ailleurs, ce choix ne lui a-t-il pas valu des colères, toutefois vite  dissipées lorsque le sens est finalement compris, lorsque le jeune Ait  Menguellet, qui voulait certainement bousculer sa société qui était fermée  à tout ce qui est amour, a chanté Qimd G rebbiw (Guitare, reste sur mes  genoux!).

Dans ce poème, l’enfant d’Ighil Bouammas, un village montagneux  de la commune d’Iboudrarene (Tizi-Ouzou), s’est amusé à confondre, à s’y  méprendre, l’image de la guitare avec celle d’une femme.

Chanson que l’on  penserait pourtant... osée.

Lorsqu’elle est diffusée par la Radio (chaîne  II à l’époque), on s’empressait, tout gêné, d’éteindre l’appareil pour ne  pas l’écouter.

Entretenant la confusion jusqu’à la fin, ce n’est qu’au  dernier couplet que le chanteur nomme sa bien-aimée qui n’est autre que sa  guitare, compagne de ses moments de joie et de tristesse.

Considéré comme l’un des pionniers de la chanson d’amour d’expression  Kabyle, Ait Menguellet, de son vrai nom Lounis Abdenebi, avait d’abord  composé et interprété, au début de sa carrière en 1967, des chansons  sentimentales, avant de passer aux chansons politiques dévoilant, à son  corps défendant, un autre Lounis engagé dans toutes les causes qui touchent  ses compatriotes, qu’elles soient identitaires, sociales ou sécuritaires.

La patrie (A ken-yekhdaa Rebbi), (Tamurt idourar), le terrorisme ( Iminig  N’yidh, Siwel-iyi-d Tamacahut), l’amour et la femme dans ( Ur yetsadja,  tayri) sont parmi les principaux thèmes abordé dans ses poèmes, dans cette  nouvelle et seconde étape de sa carrière car, pour lui, le rôle de  l'artiste est d’attirer l’attention des gens sur leur vécu et d'interpeller  leur conscience .Souvent adulé, son public reste pourtant intransigeant  avec lui.

L’homme "ordinaire, plus ordinaire que les ordinaires", comme il  se présente lui même, devient une idole, qui doit être infaillible.

Or,  lorsqu’on est un grand artiste, on subit parfois les revers de ce statut et  c’est ainsi qu’il a du affronter les critiques de nombre de ses fans en  2001.

Blessé, il leur répond deux ans plus tard, avec la chanson Nedjayawen  amkan (Nous vous cédons la place).

Loin de se laisser prendre dans le piège de la monotonie, la carrière de  Lounis Ait Menuguellet a connu une nouvelle étape, la troisième de sa  carrière avec l’arrivée dans le monde de la chanson de son fils, Djaffar.

Premier fan de l’artiste, Djaffar a sur apporter un nouveau souffle à la  chanson de son père par l’introduction de sonorités musicales autres que  celle du mandole par l’introduction justement dosée de quelques instruments  tout en respectant le style musicale sobre de Lounis.

Une joyeuse association père-fils que les fans ont vite adoptée, au grand  bonheur de Lounis qui, loin de penser à annoncer son retrait de la chanson,  se voit offrir une nouvelle jeunesse par les encouragements de ses fans  avides de sa poésie et qui lui réclament toujours du nouveau.

En recevant le titre honorifique d'Honoris Causa, Lounis, toujours humble,  s'est dit fier de voir son nom associé à celui d'un autre chante de la  culture amazighe, Mouloud Mammeri dont l'université éponyme qui l'a honoré  est, pour l'auteur d'Asfru, un bastion des luttes pour la démocratie,  l’identité amazighe et les droits de l’homme.