France-Algérie : 55 ans après la fin de la colonisation française, la question de la mémoire reste toujours suspendue

Publié par DKNews le 29-12-2017, 15h19 | 157

Cinquante-cinq ans après la libération de   l'Algérie du joug colonial, la question mémorielle reste toujours vive dans   toute entreprise de coopération entre la France et l'Algérie au point où,   suspendue, elle n'arrive pas à suivre la volonté politique des deux pays de   développement un partenariat d'exception. 

Même si du côté français, l'ex-président François Hollande a tenté de   faire la paix des mémoires, qui a trouvé de fortes résistances en France,   et le candidat à la présidentielle Emmanuel Macron avait qualifié la   colonisation de "crime contre l'humanité", les voix d'historiens français   et de militants du mouvement associatif, appelant à une reconnaisse   officielle de la France de ses "crimes coloniaux" ne trouvent pas encore   des oreilles attentives de responsables français qui puissent satisfaire   cette revendication tant espérée du côté algérien. 

C'est dans ce contexte précis que l'historien Benjamin Stora a affirmé   récemment que le dossier des crânes de résistants algériens, conservés au   Musée de l'homme de Paris depuis près de deux siècles, est venu réveiller   la séquence sanglante de la colonisation française, qualifiant la question   mémorielle entre la France et l'Algérie de "très lourde". 

"Dans le traitement du dossier mémoriel entre la France et l'Algérie, il   ne faut jamais oublier les Algériens qui ont vécu la colonisation et la   guerre d'Algérie de manière très dure, notamment avec les exactions, les   tueries, les déportations de la population qui était essentiellement   paysanne", a-t-il expliqué dans une intervention au colloque organisé par   l'association "Espace national Histoire et Mémoires Guerre d'Algérie"   (ENHMGA", intitulé "Guerre d'Algérie : l'histoire, les mémoires".

Pour Stora, l'histoire commune des deux pays a été bâtie différemment sur   des socles nationalistes différents, soulignant que si pour le nationalisme   français s'est construit sur le colonialisme et la conquête de l'Algérie,   le nationalisme algérien s'est construit sur le refus du colonialisme et la   guerre de libération qui "a légitimé la nation qui s'est constituée dans le   temps". 

Des discussions engagées mais les résultats ne sont pas encore   visibles

 Le président Macron, que beaucoup attendent qu'il confirme de manière   officielle la déclaration du candidat Macron sur la colonisation, a tenté   de faire bouger les lignes lors de sa dernière visite en Algérie au cours   de laquelle il a annoncé que la France était prête pour restituer à   l'Algérie les crânes de ses résistants et lui livrer des copies des   archives concernant l'Algérie de 1830 à 1962.

Le gouvernement algérien a salué, à travers le Premier ministre Ahmed   Ouyahia, "une percée" dans ce dossier sensible de la mémoire   franco-algérienne, indiquant, dans une conférence de presse à Paris le 7   décembre dernier, que les deux pays vont continuer à discuter à propos de   la restitution graduelle des archives.

Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la coopération bilatérale,   trois sous-commissions ont été dégagées pour traiter la question   mémorielle. Il s'agit de discussions engagées autour de la restitution des   archives, l'indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires et   les disparus algériens durant la guerre de libération nationale.

Depuis   leur installation, aucune information n'a filtré sur les résultats de ces   négociations, ce qui montre, de l'avis des spécialistes, que les sujets   d'ordre mémoriel, même s'ils sont communs, restent "très difficiles" à   trouver le chemin du consensus. 

Ces mêmes spécialistes citent, dans ce cadre, l'exemple du refus de l'Etat   français de reconnaître les massacres du 17 octobre 1961 à Paris où des   milliers d'Algériens, sortis pour réclamer l'indépendance de l'Algérie, ont   été sauvagement tués sur le sol français par la police parisienne.

A l'occasion de la commémoration, un groupe d'intellectuels, d'historiens   et de militants français a demandé au président Macron une position   "précise" sur les massacres de Paris, mais leur sollicitation est resté   vaine, malgré la volonté du président français de ne pas être "prisonnier"   de l'histoire entre les deux pays qui, finalement et selon les propos de   l'historien Stora, ne peut être que "partagée".