Les après-midi récréatifs proposés aux enfants chaque mardi et vendredi après-midi par le Théâtre régional d’Oran (TRO) connaissent un franc succès,les spectacles se jouant fréquemment à guichets fermés et il est indispensable de réserver sa place quelques semaines à l’avance.
«Ces dernières semaines, nous avons joué à guichet fermé», souligne avec une note de fierté le directeur de l’établissement, le dramaturge Mourad Senouci, indiquant que la capacité d’accueil du théâtre est de 500 places, mais le panneau +Complet+ est affiché dès que le nombre de 400 places occupées est atteint. «Nous évitons par mesure de sécurité que les enfants ne s’installent aux places des deux balcons», a-t-il ajouté.
Chaque semaine, les séances destinées aux enfants enregistrent pas moins de 800 entrées. «Ce succès s’explique par le changement de l’horaire du spectacle et l’enrichissement du programme proposé», souligne M. Senouci. Alors que les enfants, il y a quelques mois, n’avaient droit qu’à une seule pièce de théâtre - des reprogrammations d’anciens succès comme El Assad Wal Hattab, Nahla, Asghar Menni etc - le jeune public a désormais droit à une pièce de théâtre, un spectacle de clowns ou de magie et une séance-photos avec les comédiens et les clowns. Le même spectacle reflète, à chaque fois, le bonheur des enfants de se retrouver dans ce lieu magique qu’est le théâtre.
Des clowns, des personnages puisés des pièces vêtus de costumes de scène ou perchés sur des échasses, sont toujours à l’entrée des lieux pour les accueillir. Les bambins sont nombreux à courir vers eux, dans un élan de spontanéité, pour les serrer dans leur bras. Les parents s’affèrent souvent, appareil photo ou téléphone portable à la main, à immortaliser ces moments de bonheur.
«Parmi les raisons qui font que je me réveille toujours avec le même enthousiasme pour enfiler mon costume de clown, c’est la spontanéité des enfants. Ils sont capables d’aimer et de partager, sans calculs ni arrières pensées», se félicite un jeune clown.
Distraction et interactivité
Entre la pièce théâtrale et le spectacle clown et magie, les comédiens se regroupent au niveau du hall du théâtre pour se mettre à la disposition des enfants. Ces derniers peuvent les embrasser, discuter avec eux, leur poser des questions et prendre des photos souvenir avec leurs héros préférés.
«C’est ce moment particulier que je préfère au théâtre», explique Yanis, un chérubin de 5 ans, qui connait toutes les pièces du théâtre et leurs personnages. Alors qu’il répondait aux questions de l’APS, il a aperçu un de ses personnages préférés, le cafard, de la pièce Asghar minni (Plus petit que moi), un des succès inégalables du TRO.
Yanis s’est mis aussitôt à crier l’Grelou ! l’Grelou! , avant de courir vers sa direction. «Yanis ne peut pas faire ça avec les héros de ses dessins animés diffusés au petit écran. C’est pour cela qu’il préfère le théâtre», commente sa maman, ajoutant que son fils n’hésite jamais devant une proposition d’aller au théâtre.«Le théâtre n’est pas seulement un moyen de distraction.
C’est un excellent moyen éducatif et pédagogique», estime-t-elle, ajoutant qu’elle use souvent d’exemples ou de moralités puisées des pièces qu’elle a suivies avec son fils pour lui expliquer certaines choses de la vie. Pour Mourad Senouci, cet espace d’interaction est aussi bénéfique pour les enfants que pour les comédiens qui sont accueillis comme des stars. Cela les motive et valorise leur travail, a-t-il estimé.
Cet avis est partagé par le comédien Tami Boukhedmi, qui campe le rôle principal dans la pièce El Assad wal Hattab (Le lion et le bucheron). Il avoue que ces moments de partage passés avec les enfants lui permettent de sonder les enfants, de savoir ce qui leur plait et déplait, ce qui les touchent, ce qui les fait rire. Tout cela m’aide dans ma quête d’améliorer constamment ma performance, précise-t-il.
Le pédo-psychologue, Hamid Bendjaber, estime, pour sa part, que le théâtre est loin d’être un art exclusivement littéraire.
C’est une riche palette proposant divers arts comme la musique, le chant, la danse, le décor et l’art de la diction. Il joue un rôle important dans le développement du goût et de la sensibilité de l’enfant et contribue au développement de sa personnalité, indique-t-il, ajoutant que l’art des planches est également un excellent outil pour développer les capacités linguistiques de l’enfant ainsi que l’interaction avec son entourage.
Un avenir prometteur
Naima, mère de deux enfants, est également de cet avis. Soucieuse de développer les connaissances linguistiques de ses deux enfants, elle a trouvé en le théâtre un excellent outil. «Ce qui est génial, c’est que les enfants apprennent en s’amusant. Ils ne se rendent même pas compte de la multitude de choses qu’ils apprennent», dit-elle.
Le théâtre pour enfants est une véritable tradition au Théâtre régional d’Oran, rappelle Mourad Senouci, ajoutant que la première troupe professionnelle du théâtre pour enfants a été constituée à Oran en 1975 par le défunt dramaturge et comédien Abdelkader Alloula, avec comme responsable l’ex-directeur du TRO, Ghouti Azri, qui a continué à consolider ses bases pendant les 15 ans de sa carrière à la tête de l’établissement.
Le défunt universitaire M’hamed Djellid s’est longtemps penché sur l’évolution du théâtre en général et celui consacré aux enfants, en particulier. Alors que le théâtre pour adultes a connu moult phases, où le public était tantôt présent tantôt absent, le théâtre pour enfants n’a jamais perdu son public un peu partout en Algérie, mais surtout à Oran, où il a des racines solides.
D’ailleurs, les recettes du théâtre pour enfants constituent une grande partie des rentrées du TRO. C’es aussi le cas également pour beaucoup d’autres théâtres, note Mourad Senouci, estimant que le théâtre pour enfants a un avenir «radieux et très prometteur».
