Mort de Suzanne Citron, l'historienne de la déconstruction du «mythe national» français

Publié par DKNews le 23-01-2018, 14h56 | 32

L'historienne Suzanne Citron, considérée comme celle de la déconstruction du «mythe national» français est décédée lundi à Paris à l'âge de 95 ans, ont annoncé ses proches.

Cette agrégée d'histoire en 1947, n'a pas cessé de militer, dans les mouvements pédagogiques des années 1960-1970, pour la rénovation des contenus de l’enseignement. L'auteure en 1992 de «L’Histoire de France autrement» (Les Editions de l’Atelier) a considéré que la découverte du colonialisme français, notamment en Algérie, est un «séisme intérieur» qu'elle avait vécu.

«Les crimes de la guerre d’Algérie m’ont fait comprendre que la légitimation du fait colonial dans le récit républicain était l’irrécusable indication d’une histoire de l’Etat-Nation construite au XIXe siècle qui ne pouvait faire sens dans la France d’aujourd’hui», avait-elle écrit dans une analyse «De la guerre d’Algérie au Mythe national».

Dans son sens critique de l'histoire et de la colonisation, l'historienne qui publiait des «points de vue», depuis 40 ans dans les quotidiens Le Monde et Libération, expliquait que la découverte du colonialisme était «essentielle» dans sa distanciation critique de l’histoire de France et la révélation d’occultations dans le récit républicain traditionnel.

En se penchant sur l'Algérie, elle a découvert à travers le livre (interdit) de Francis et Colette Jeanson, «L’Algérie hors la loi», publié en 1955, les enfumades du général Bugeaud. «On m’a donc menti sur l’histoire de France», disait-elle, affirmant que les pouvoirs spéciaux accordés, durant la guerre de libération, au gouvernement Guy Mollet par la gauche «sont le paravent d’un système de torture rappelant la Gestapo».

«La guerre d’Algérie, c’est donc la République qui torture au nom de la France une et indivisible de Dunkerque à Tamanrasset», avait conclu Suzanne Citron qui était arrêtée par la Gestapo et internée à Drancy. En marge dans son travail de déconstruction du «Mythe national», elle a militait au sein du Parti socialiste qu'elle quitte 10 ans après en 1985 reprochant au ministre de l’Education de l'époque, Jean-Pierre Chevènement, d’avoir rétabli une histoire nationale plaçant la France au centre du monde. Suzanne Citron a écrit plusieurs ouvrages dont 1971 «L’Ecole bloquée», «Enseigner l’histoire aujourd’hui. La mémoire perdue et retrouvée» (1984) et «Le Mythe national. L’histoire de France revisitée» (1987).