Société

Les enfants atteints de sida : un secret lourd à porter

Publié par DKNews le 04-02-2018, 16h49 | 38
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Ils sont comme les autres enfants. Ils jouent, rient, pleurent, suivent des études. Rien ne les différencie des autres enfants de leur âge, sauf ce secret qu’ils portent, souvent depuis leur naissance : ils sont atteints du Sida.

Ces enfants, rencontrés au service des maladies infectieuses du CHU d’Oran, ne semblent pas malades. Rien d’extraordinaire. Les traitements actuels permettent d’assurer une qualité de vie optimale aux séropositifs, souligne le Pr. Najet Mouffok, chef de ce service, considéré comme le centre de référence régional prenant en charge des patients de 14 wilayas dans l’Ouest et le Sud-est du pays.

Ils ne sont pas moins de 250 enfants de différentes régions à être suivis gratuitement au niveau du service. L’Algérie est l’un des rares pays arabes et africains qui prend totalement en charge les porteurs du virus du sida. L’objectif étant d’éradiquer la maladie à l’horizon 2030.

Un des premiers enfants traités au niveau du service à la fin des années 1990 est âgé aujourd’hui d’une vingtaine d’année , rappelle le Pr Mouffok. Elle précise que ses jeunes patients appartiennent à différentes tranches d’âge. En général, la maladie leur a été transmise par la mère.

Dans l’une des salles de consultations chez le Dr. Benzoubara, spécialisée dans la prise en charge des enfants séropositifs, un papa, accompagné de sa fille âgée de quatre ans, accepte de se confier à la journaliste de l’APS.

Venu d’une ville d’une wilaya voisine à Oran, Youcef, père de deux enfants, Lina (4 ans) et Nidal (7 ans), tous deux porteurs de la maladie, a ramené sa fille qui souffre d’un ganglion au niveau du cou. Même pour les petits bobos, le père préfère ramener sa fille au centre pour consultation.

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Ce père, la trentaine, est le seul à ne pas porter le virus. Sa femme et ses deux enfants ont été diagnostiqués séropositifs, il y à trois ans. Ce cas est une "véritable énigme" pour le Dr Benzoubara qui n’arrive pas à expliquer que dans ce couple ayant une vie sexuelle normale, l’un est séropositif et l’autre pas.

"La science n’a pas encore répondu à toutes les questions concernant le VIH", dit-elle évoquant une récente étude qui révèle que certaines personnes présentent une résistance au virus.

Dévasté lors de l’annonce de la maladie, Youcef a fini par accepter son destin. Les soins que doivent subir sa femme et ses deux enfants, les consultations, les déplacements entre sa ville de résidence et Oran, ne lui font plus peur. "J’ai fini par comprendre que la prise en charge du VIH a nettement évolué par rapport à tout ce qu’on pouvait entendre avant. Actuellement, le Sida est devenu une maladie comme toutes les autres maladies chroniques", avoue-t-il.

Pour sa femme, à aucun moment, il n’a douté de son honneur. "Elle a pu contracter la maladie suite à une transfusion sanguine", explique-t-il, rappelant que les rapports sexuels ne sont pas le seul vecteur de transmission de la maladie.

Dans le milieu médical qu’il côtoie en permanence, l’attitude de Youcef, qui n’a pas pourtant reçu une instruction très poussée, force le respect. Il est déterminé à soutenir les siens jusqu’au bout. La vie continue. La maladie n’a pas pu voler les moments de bonheur qu’il partage avec ses enfants qu’il adore. Le spectre de la maladie n’atteint pas certains moments magiques, comme son premier portrait dessiné par Nidal ou les premières déclarations d’amour papa nebghik (je t'aime papa) de Lina.

Quand il parle de ses enfants, les yeux de Youcef s’illuminent. Mais son expression change subitement lorsque la question sur l’impact de la maladie dans sa vie sociale est abordée.

La peur du jugement de l’autre

Youcef vit sous le toit de la grande maison familiale, avec ses parents et ses deux frères également mariés. Il partage tout avec eux, sauf son secret. S’il cache la maladie de sa femme et ses enfants, même aux plus proches, c’est parce qu’il craint leur jugement. Voir ses enfants exclus et boudés le hante. Et sa femme ? Si lui fait preuve de cette confiance inébranlable en elle, les autres ne la ménageront pas.

"Quand ma fille a eu une des maladies opportunistes du sida, la tuberculose, j’ai vu le comportement des gens vis-à-vis d’elle. Ses propres cousins et cousines la mettaient à l’écart refusant d’avoir un contact avec elle. Comment vont-ils réagir s’ils sauront qu’elle a le sida?", s’exclame-t-il.

Devant l’entrée de la pharmacie du service, là où les patients viennent chaque trimestre s’approvisionner en médicaments, on remarque de dizaines de boites vides entassées dans de grands cartons. Les patients préfèrent ne pas emporter les emballages de peur que quelqu’un lise les notices ou reconnaisse la marque, explique le Pr Mouffok.

Si la plupart des malades préfèrent taire leur maladie vis-à-vis de leur entourage, révéler ce secret maladie au plus proches s’avère un véritable dilemme et une décision difficile à prendre. C’est le cas de Soumia, rencontrée dans la salle de consultation du service des maladies infectieuses réservée au suivi des femmes enceintes porteuses du virus. Elle reconnait que la décision de lever le voile sur son état a coûté la vie à son propre père, mort de chagrin et de culpabilité d’avoir marié sa fille à un homme qui lui a transmis le sida.

Cette jeune maman de 29 ans a vécu un véritable drame. Mariée à l’âge de 19 ans à un homme qui semblait avoir tout d’un bon parti, le conte de fée qu’elle vivait s’est subitement transformé en cauchemar après la découverte de la maladie chez sa première fillette de 2 ans. Alors enceinte du second enfant, elle a été également diagnostiquée séropositive tout comme son mari.

Les drames se sont enchainés. Sa petite fille ne survit pas à la maladie. Son père, pris de remords d’avoir lui-même choisi son gendre, décède quelques mois après. "Et le regard de ma famille a été très lourd à porter pendant des années", témoigne-t-elle.

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Le Pr. Mouffok suit le couple depuis des années. Elle a tenu à relever que le mari "n’est pas le monstre qu’on imagine. C’est un homme intègre et plein de valeurs", dit-elle, ajoutant qu’il reconnait avoir fait des erreurs avant son mariage et qu’il a transmis le VIH à sa femme sans même le savoir.

Depuis, les choses sont plus ou moins rentrées dans l’ordre dans la vie de Soumia, prise en charge avec son mari au niveau du centre. Son deuxième bébé, est venu au monde, sain, grâce à une prise en charge spécifique qui empêche la transmission mère-enfant. Elle eu après lui, trois autres enfants, tous sains.

Malgré les cicatrices de cette période houleuse, Soumia a repris confiance. Elle a beaucoup de projets d’avenir, pour elle et pour ses enfants, fort heureusement nés sains.

Quel avenir ?

Youcef se pose, quant à lui, mille et une questions sur l’avenir de ses deux enfants malades. Qu’adviendra-t-il si on apprenait leur maladie à l’école ? Vont-ils faire leurs vies, se marier, avoir des enfants ? Seront-ils condamnés à vivre seuls ? Difficile de trouver des réponses à toutes ses questions.

Le Pr. Mouffok se veut toutefois rassurante. Dans son service, elle refait souvent les carnets de santé des enfants sur lesquels leur séropositivité ou celle de leur maman est mentionnée. Comme tous les malades, ils ont le droit de préserver leur vie privée , dit-elle, rappelant que le sida n’est pas une maladie contagieuse mais transmissible.

"Les enfants que nous suivons sont pour beaucoup brillants à l’école. Les traitements médicaux de plus en plus allégés - un à deux comprimés à prendre quotidiennement - permettent de leur assurer une qualité de vie proche de la normale. De plus, une fois que le virus est maîtrisé dans le corps, les sujets deviennent non contaminants", explique cette spécialiste.

Au niveau du service, les praticiens interviennent souvent sur des aspects sociaux et psychologiques, jouant les rôles de conseillers, de médiateurs et psychologues. Leurs efforts ont permis, au cours de ces dernières années, d’unir pour le meilleur et pour le pire, 35 couples porteurs de HIV.

Ces malades peuvent espérer à une vie normale. Faire des projets et avancer dans la vie, précise le Pr. Mouffok. 

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