Economie

CHERIF ABERKANE, Président du Conseil de l’Administration du Groupe REMELEC : « On doit compter sur les compétences Algérienne »

Publié par Par Amar CHEKAR le 05-06-2018, 17h57 | 762
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DK NEWS : M Cherif Aberkane, voulez-vous donner une présentation ?

Cherif Aberkane : Je suis un jeune de 72 ans. Notre groupe REMELEC sis à la zone industrielle de Rouiba, active dans le domaine de l’électromécanique depuis 40 ans. Nous fabriquons des cellules de moyennes tensions. On vient de réaliser les travaux de la signalisation et l’alimentation énergétique des tramways de Sidi Bel Abbes, Ouargla et de Sétif. Ces projets,  sont  l’œuvre de compétences Algériennes à 100%. 
Après mûre réflexion, on a pris la décision de recruter un ingénieur Algérien qui a fait ses études en France, afin de l’installer en tant que responsable du bureau d’études au niveau de notre entreprise REMELEC.  Tenant compte de la qualité des travaux, on vient de nous confier aussi, le projet  du tramway de Mostaganem. Je précise que c’est une première en matière d’étude en Algérie. Auparavant,  ce sont les entreprises étrangères qui les réalisent.  Nous sommes fiers de cette réalisation. Et pour aller de l’avant, nous avons acheté une licence du groupe Schneider et les produits sont déjà opérationnels. Nos produits sont homologués par Schneider et Sonelgaz. Nous sommes certifiés ISO 9001. Maintenant, je peux dire que sur le plan technique, on évolue dans le bon sens. 

L’Etat ne cesse d’insister sur l’importance du développement de la production nationale hors hydrocarbures, tout en mettant en place une batterie de disposition pour développer  l’exportation. Qu’en est-il au juste des obstacles qui bloquent ou ralentissent   le développement de l’entreprise Algérienne, afin d’aller de développer sa part dans le marché de la concurrence nationale et internationale ?

Les difficultés et les obstacles rencontrés par les entreprises sont connus de tous. À mon sens, « le blocage numéro un, c’est la bureaucratie qui bloque et ralentit le développement de l’entreprise économique Algérienne. On perd beaucoup de temps dans les difficultés bureaucratiques ». Ceci d’une part, d’autres parts, je pense qu’on n’est pas prêt pour passer à l’exportation. A mon humble avis, ce n’est pas une priorité, parce que, on doit d’abord satisfaire les besoins du marché national avant de passer à l’exportation. Une fois l’objectif atteint, on peut exporter l’excédent qui apporte la plus-value. Ainsi, on aura moins de dépense en devise. En plus de cela, ça permet aux Algériens d’apprendre à améliorer la qualité des produits, de prendre connaissance des exigences du marché de la concurrence. Une fois les besoins du marché national sont satisfaits, on peut passer à l’exportation de l’excédent.  On ne peut  exporter des produits qui ont une plus-value dans le marché national, afin de faire l’équilibre de notre balance.
Autrement dit, si l’on importe 95 % de matière première de l’étranger pour fabriquer votre produit au niveau local, comment peut-on le réexporter ? Comment aller vers la compétitivité ?, comment concurrencer un Robot Européen avec la qualification et qualité de la main d’œuvre qui manque grandement ? Il faut être sage. C’est pour ça que je dis qu’il faut apprendre à travailler et améliorer ses connaissances, il faut prospecter le marché international, participé aux différentes foires nationale et internationale.  
Je cite à titre d’exemple. On est allé voire la foire du transport à Amsterdam, nous n’étions que deux Algériens. Moi et mon collaborateur seulement à aller dans cette évenement économique international. Ce n’est pas mon rôle d’aller voir ce qui se passe dans le marché de la concurrence Européenne et internationale. Oui, Industriel, on fait des erreurs, mais pour avancer, on doit apprendre à corriger nos propres erreurs.  Il faut  lever tous ces obstacles qui empêchent le développement des entreprises qui sont le centre du développement de l’économie de notre pays. 

Le risque est-il un passage obligé avant d’aller de l’avant ? 
Il faut un début à tout. On prospecte le marché de la concurrence. On fait tous des erreurs, on les corrige pour revenir au  sens positif. Maintenant. Je vous donne un exemple. Je suis le premier privé Algérien à fabriquer les cellules à moyen tensions. C’était un risque que j’ai pris à l’époque, mais, j’ai fini par corriger les erreurs. Je suis Algérien, J’aime mon pays. Je n’ai pas d’autre pays pour aller investir ailleurs. Aujourd’hui, je suis concurrencé par les Turks. Il y a une grande différence entre la main d’œuvre Turks et main d’œuvre Algérienne. Je cite un cas très simple. J’ai fait l’analyse entre un partenaire Turks qui active dans une surface de 2 ha, ce fabriquant produit 24000 transformateurs par an, avec un personnel  de 250 employés. Sa  ration est de 5% sur le chiffre d’affaire.
 Je suis allé à l’entreprise ENEL à Azazga, Tizi Ouzou, pour faire un partenariat avec eux. Je pose les mêmes questions, et voilà les réponses. On fabrique 5000 transformateurs dans une surface de 45 ha. La masse salariale et de 850 employés. Le ratio indiqué est de 20% sur le chiffre d’affaire. Voyez-la-vous différence qui existe entre ces deux entreprises !
Cette différence est du tout simplement à la discipline et la qualité de la main d’œuvre qui fait la différence. Eux, ils sont habitués au travail et nous à gagner de l’argent sans fatigue. Conclusion. « Aujourd’hui, il est plus facile de trouver un ingénieur que de trouver un manœuvre. »

DK NEWS : La problématique de l’indisponibilité de la main d’œuvre qualifié pose problème pratiquement a tous les secteurs en Algérie. Quelle solution préconisez-vous en tant qu’opérateurs économique et de manière concrète ?
En tant qu’opérateur économique, j’ai déjà proposé des solutions. Nous avons un énorme flux d’immigration qui vient des pays Africains, notamment le Mali, du Niger, du Tchad etc. je pense qu’il faut recenser ce potentiel qui peut régler au moins une partie du problème du manque de main d’ouvre. Premièrement, ça permet de contrôler la situation sur le plan sécurité et les maladies. Cela peut nous permettre de s’assurer une partie de la main d’œuvre. Une fois les personnes déclarées en bonne et due forme, l’entreprise économique peut les recruter dans un cadre légale. Ceci dit, en cas d’éventuels accidents, l’entreprise ne risque rien. Aussi, l’entreprise est prémunie des risques qui peuvent parvenir de cette catégorie de travailleurs de l’immigration. Mais, malheureusement, à l’état actuel des choses, les entreprises qui les recrutent prennent de gros risques. 
Les pouvoirs publics ont mis en place une batterie de mesures pour l’allègement des charges fiscales, l’amélioration du système bancaire, la débureaucratisation. on parle souvent des guichets verts réservés aux entreprises. Avez-vous sentez un changement sur le terrain de l’application ?
Sur le terrain je ne vois pas grand choses. Je cite l’exemple d’un cas des banques. Aujourd’hui, vous allez dans une banque pour faire un retrait, on vous demande de justifier ce que vous allez faire avec votre argent. Vous déposez votre argent avec un chèque, on vous demande d’où vient le chèque. Ce n’est pas le rôle du banquier, mais c’est le rôle des services concernés. C’est le travail de la sécurité qui suit et poursuit les fraudes. Le banquier encaisse de l’argent et ça s’arrête là. C’est un cas parmi tant d’autres. Personnellement, je n’ai rien vue de positif. Entre le discours et la réalité ça fait deux choses. C’est toujours les mêmes obstacles qui reviennent. Alors, si on revient au niveau des formalités des douanes et banques, c’est encore plus compliqué qu’avant. 

La tripartite revient chaque année. Qu’en pensez-vous des résultats ? 
Il n’y a que les présidents qui parlent. La base ne donne pas son avis. Si jamais quelqu’ un de la base donne son avis, on exclut. Nous n’avons pas le droit à la parole. Notre entreprise emploie plus de 640 employés. 28 ingénieurs. On a formé 39 ingénieurs. Aujourd’hui ils sont recrutés chez les entreprises Européennes, comme Marcel Dasso, Renault, Schneider, Général électrique, Siemens, Cevital, ils sont bien payés jusqu’ à plus de 500.000,00 DA.  Par contre,  me concernant directement, je ne peux pas assurer ces salaires qui dépassent les moyens de notre groupe. Aujourd’hui, a force des choses, on est devenu les sous-traitants des entreprises étrangères. Voilà les vrais problèmes qu’on doit régler, afin d’amorcer le développement continue de l’entreprise Algérienne.  Lorsque on répond à un appel d’offre, il ne faut pas prendre un appel d’offre clé en main. Mais, Il faut séparer la partie extérieure et intérieure qui peut être réalisé par l’entreprise Algérienne. Il faut faire des appels d’offre nationale pour faire profiter l’entreprise Algérienne.  Je ne prétends pas qu on sait faire tout. Mais, on va apprendre à corriger nos erreurs, comme c’est le cas de toutes les entreprises étrangères. Si l’Etat ne fait pas confiance aux enfants du pays, qui va nous faire confiance ? Si on ne protège pas l’intérêt des enfants du pays, qui va nous protéger ? C’est cette réalité amère qui nous fait mal. Ces problèmes je les ai déjà abordés sur un des plateaux de la télévision nationale. 

Pensez-vous que la qualité du produit national et vraiment compétitif par rapport aux produits d’importation ?
Dans certains cas, je peux avancer que le produit national est beaucoup mieux que les produits d’importation. On peut citer des exemples concrets.  Je cite l’exemple de notre produit qui est contrôlé par le groupe Schneider. Il est contrôlé par la maison mère et le groupe Sonelgaz.  Je n’ai pas à rougir devant les produits d’importations.  Je n’ai jamais eu de problème. Dieu Merci. Voilà un exemple concret devant nous. Et si je vous dis que les études du tramway d’Alger sont réalisées par un Algérien qui réside en France ?

Avez un message pour conclure ? 
 Tout ce que je demande. C’est de faire confiance aux enfants du pays avant tout. Les enfants du pays doivent passer en priorité, comme ou mieux que les autres pays du monde.  Tous les pays du monde le disent et le font. On a intérêt à penser aux vrais problèmes du pays.  Deux grandes préoccupations nationales que l’on doit penser. Nous avons la démographie galopante et l’avancée du désert. Si l’on ne fait pas les choses à temps, Il arrivera un jour ou nos enfants, n’auront pas d’espace pour implanter le produit agricole.  Le travail de l’éducation commence à partir de la cellule familiale. 

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