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Tunisie: Un remaniement ministériel controversé en attendant la voix du parlement

Publié par Dk News le 07-11-2018, 16h43 | 21
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Des réactions controversées ont suivi le remaniement ministériel partiel opéré «dans la précipitation» par le chef du gouvernement, Youcef Chahed, pour «sortir de la crise politique», mais qui reste en attente de vote de confiance jeudi à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP - Parlement).

Le bureau du Parlement devrait alors se réunir jeudi pour examiner la correspondance adressée par Youssef Chahed pour un vote de confiance concernant les nouveaux ministres de son cabinet, a indiqué le président de l’ARP, Mohamed Ennaceur.

M. Chahed a annoncé un remaniement ministériel touchant 18 portefeuilles: 13 ministres et 5 secrétaires d'Etat, alors que les ministres des Affaires étrangères, de la Défense et de l'Intérieur restent à leurs postes.

Il a précisé avoir opéré ce remaniement conformément aux attributions qui lui sont dévolues par la Constitution pour «conférer davantage d'efficience à l'action du gouvernement» et pour former «une équipe gouvernementale solidaire et responsable qui peut assurer la stabilité dans le pays, résoudre les questions brûlantes et sortir de la crise politique».

M. Chahed (43 ans), nommé chef d'un gouvernement d'union nationale en août 2016, a dépassé en longévité tous ses prédécesseurs depuis la chute de l'ancien régime de Ben Ali en 2011.
Une faction de son parti Nidaa Tounes, menée par le fils de Béji Caid Essebsi, chef de l'Etat et fondateur du parti, ainsi que la puissante centrale syndicale UGTT, ont réclamé son départ pendant des mois.

Chahed a fini par créer un bloc parlementaire «concurrent», qui a relégué Nidaa Tounes au troisième rang au Parlement derrière le Mouvement d'Ennahdha et le groupe pro-chahed.
Le remaniement effectué lundi intervient deux ans après la prise de fonction de l'actuel gouvernement.

Il a touché des départements sensibles comme la Justice, la Santé, le Tourisme, le Transport, l’Equipement et l’Habitat. De nouveaux ministères ont été crées dans le cadre du remaniement.

Un remaniement effectué  «dans la précipitation» 

 Ce remaniement a été désapprouvé par le président Béji Caid Essebsi qui l'a qualifié de «précipité» et de «mise devant le fait accompli», ce dernier n'ayant pas été consulté par le chef du gouvernement, selon la déclaration de la porte-parole de la présidence de la Réoublique, Saïda Garach.

L'article 89 de la Constitution tunisienne dispose que : «Le gouvernement se compose d'un Chef du gouvernement, de ministres et de Secrétaires d'Etat choisis par le chef du gouvernement.
En ce qui concerne les deux ministères des Affaires étrangères et de la Défense, le choix est fait en concertation avec le Président de la République», ces deux ministères n'ayant pas connu de changement.

L'article 92 ajoute que: «Le Chef du gouvernement est compétent en matière de: (...) Révocation et réception de démission d'un ou plusieurs membres du gouvernement après consultations du président de la République dès lors qu'il s'agit du ministre des Affaires étrangères ou du ministre de la Défense (...).

Le chef du gouvernement informe le président de la République des décisions prises dans le cadre des ses compétences citées».

Dans le cas du remaniement opéré par Chahed sans avoir consulté le président de la république, ni les partis politiques selon leurs dirigeants, le président de la République peut recourir à l'article 99 de la Constitution qui lui permet de «demander à l'Assemblée des représentants du peuple de procéder à un vote de confiance au gouvernement».

Partis politiques et experts contestent 

Nombre de partis politiques ont contesté le remaniement ministériel, à savoir le dirigeant de Nidaa Tounes, Ridha Belhaj, qui a affirmé qu'il a été effectué dans des conditions particulières, et n’a jamais été le résultat de concertation avec les partis et particulièrement avec Nidaa Tounes vainqueur des élections de 2014.

Belhaj a précisé que M. Chahed n’a pas informé le président de la République du remaniement en question, estimant qu'il a «outrepassé» ses prérogatives.

Il a ainsi laissé entendre que, tenant compte des prérogatives du président de la République, il est possible d’aller à des élections anticipées et de ce fait dissoudre l’ARP ou éventuellement former un gouvernement de technocrates à distance de tous les partis politiques.

Pour sa part, le dirigeant du Front Populaire, Zouheir Hamdi, a déclaré que le remaniement ministériel va créer une «nouvelle crise politique» après son rejet par le président Essebsi, indiquant que le FP considère que le remaniement ne peut constituer une solution pour la crise que traverse le pays.
Une crise politique, qu'il qualifie de «complexe» et qui «ne se limite pas à une crise de pouvoir ou de programmes». Le secrétaire général du parti Al-Joumhouri, Issam Chebbi, a indiqué que «le remaniement ministériel annoncé a mis fin au gouvernement d'union nationale».

Selon Chebbi, la nouvelle composition du gouvernement s'est limitée à la participation des mouvements Ennahdha, Nidaa Tounes et Machrou Tounes, le parti Al-Moubadara ainsi que la nouvelle formation politique qui n'a pas encore vu le jour et qui se prépare au Palais de la Kasbah.
Dans ses concertations, a-t-il poursuivi, Chahed s'est contenté d'inclure les partis politiques ayant manifesté la volonté de rejoindre la nouvelle composition du gouvernement.

Le reste de la famille politique et même le président de la République n'ont pas été consultés, a-t-il regretté.

Et de rappeler «Onze membres du gouvernement sont issus du mouvement Nidaa Tounes sachant que Chahed ne s'est pas concerté avec les dirigeants de ce parti».

De son côté, le secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Tabboubi a qualifié la nouvelle composition du gouvernement «de coalition partisane», indiquant dans une déclaration aux médias que la centrale syndicale n'a pas participé au choix des nouveaux membres du gouvernement.

Deux experts sollicités par l'agence TAP pour donner leurs avis à propos de ce remaniement, ont considéré que le changement des ministres, quelques jours avant le démarrage des discussions sur les projets du budget de l'Etat et de la loi des finances pour l'exercice 2019, pourrait engendrer certaines perturbations étant donné que les ministres limogés ont supervisé l'élaboration de ces budgets.

L'économiste et universitaire Ridha Chkoundali a indiqué que Chahed devrait présenter «un nouveau programme du gouvernement comportant plusieurs points relatifs à la réduction de la détérioration du dinar, l'aggravation du déficit de la balance commerciale ainsi que la prise de mesures permettant de limiter la hausse des prix et la réduction de l'endettement».

En contrepartie, il a considéré que le Chef du gouvernement a lancé «un message positif aux investisseurs étrangers, mettant fin aux tiraillements politiques, en aboutissant à la stabilité, dont ont besoin les investisseurs».

Pour ce qui concerne l'aspect constitutionnel, Kais Saied professeur de droit constitutionnel a estimé que le différend politique risque de se compliquer davantage si le président de la République refuse de signer le décret de nomination des nouveaux ministres et s’il reporte la cérémonie de prestation de serment sans en fixer la date».

Car, a-t-il rappelé, l'article 89 stipule que les nouveaux membres du gouvernement sont appelés à prêter serment devant le président de la République.

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