L'Emir Abdelkader fondateur de l'Etat algérien moderne, portait «un projet culturel et intellectuel hors pair», ont affirmé mardi à Alger des enseignants universitaires et des chercheurs.
Invité du Forum d'El-Moudjahid consacré à la célébration du 186ème anniversaire de l'allégeance à l'Emir Abdelkader, le Directeur du Centre national du Livre, Dr. Djamel Yahiaoui a indiqué que la personnalité de l'Emir Abdelkader, «de renommée mondiale, n'a pas été suffisamment approchée, se limitant à des cercles académiques restreints», ajoutant que seule sa «lutte» contre le colonisateur avait été mise en avant.
L'Emir Abdelkader reflétait, durant le 19ème siècle, l'image de l'homme arabe cultivé et jouissant de nobles et hautes qualités, ce qui lui valut respect et admiration même de la part de ses ennemis, a-t-il ajouté citant certains titres français de l'époque, lesquels le qualifiaient d'«intellectuel, cultivé et ouvert» mais aussi d'«homme de lettres».
Dr Yahiaoui a passé en revue les grands axes du projet intellectuel et culturel de l'Emir, visant à généraliser l'enseignement au sein de la société, à travers la collecte des manuscrits pour les mettre à la disposition de sa gigantesque Bibliothèque maghrébine. Il encourageait ses soldats à s'abreuver aux sources du savoir et des connaissances et s'intéressait à l'écriture du Saint-Coran et à la consécration de la gratuité de l'éducation, a-t-il rappelé.
Le même interlocuteur a indiqué que la «Zmala», ville créée par l’Emir Abdelkader était capitale de la culture en composition complémentaire avec son idée du djihad et sa passion pour les sciences militaires, mettant en exergue que cette dernière a offert distinctivement l’occasion d*e consacrer l’esprit de la coexistence et l’ordre civil.
Afin de valoriser le rôle de cette éminente personnalité, a-t-il dit, l’accent doit être mis, aujourd’hui, sur la reconsidération du «projet intellectuel» de l’Emir Abdelkader qui se distinguait des autres intellectuels arabes de son époque.
Pour sa part, le chercheur, Mohamed Taibi, a estimé que les études critiques des pensées et du projet de l’Emir Abdelkader, indépendamment de la description de cette personnalité historique, démontraient qu’il disposait d’une «pensée cohérente», née le jour même où l’on lui avait prêté allégeance, laquelle définissait la notion de Patrie.
Les participants au Forum d'El Moudjahid, dont des membres de la Fondation Emir Abdelkader, en l’occurrence Mohamed Boutaleb et Amar Khodja, ont été unanimes à souligner la nécessité d’exploiter et de valoriser les idées de l’Emir, en les inculquant aux générations montantes.
De son côté, le président de l’Association Mechaal Chahid, Mohamed Abbad, initiateur de la célébration de l’allégeance à l’Emir Abdelkader, a affirmé que la personnalité de l’Emir méritait une halte de reconnaissance de ses sacrifices des années durant.
Le monde arabo-musulman gagnerait à s'inspirer de la pensée modérée de l’Emir Abdelkader
L’'enseignant d’histoire des écoles islamiques à l’université de Bursa (Turquie), Mohamed Chalenc a estimé, mardi à Mascara, que le monde arabo-musulman gagnerait à s'inspirer de la pensée modérée de l’Emir Abdelkader prônant la paix et la coexistence.
M. Chalenc a souligné, en marge du premier colloque international sur «l’Emir Abdelkader El Djazairi entre deux rives», que l’émir Abdelkader qui a consacré sa vie à la lutte pour son pays et pour la paix est un grand maître qui guide à la bonne voie, notamment en cette conjoncture que vit le monde arabo-musulman.
Cet académicien a soutenu que la personnalité de l’Emir Abdelkader est riche nécessite davantage d'étude de ses aspects politique, diplomatique, militaire, savant et théologien et ses principes basés sur le droit, la justice, l’équité et le respect de l’humanité qui peuvent inspirer les arabes et les musulmans traversant aujourd'hui une situation difficile marquée par les guerres, les conflits et autres.
Le monde reconnaît à l’Emir Abdelkader une grandeur d'esprit et des qualités faisant de lui un leader des Algériens et des Musulmans, a-t-il affirmé, rappelant qu'il était poète guerrier, pacifiste, soufi et philosophe. Un modèle de la foi, un homme d’Etat, un chef militaire et un messager de la paix. Un homme complet.
Au passage, Mohamed Chalenc a déploré le manque d'écrits sur l’Emir Abdelkader en Turquie en dépit de certaines tentatives d'universitaires pour comprendre sa personnalité, tout en appelant à réfléchir sur un réseau d’études consacrées à l’Emir Abdelkader et mobilisant des équipes pluridisciplinaires nationales et internationales. Les citoyens de Bursa en Turquie retiennent toujours en mémoire le séjour de l’Emir de deux années dans leur ville avant son exil à Damas (Syrie).
L’émir Abdelkader, restera un symbole de la résistance et un homme de culture en dépit des tentatives d’oubli
Les actions visant à perpétuer l’histoire de l’Emir Abdelkader, son legs d’homme de culture, de guerrier et d’humanitaire ont été mises en exergue, lors d'un colloque international ouvert mardi à l'université de Mascara, par l'ancien ministre Kamel Bouchama qui a précisé que cette personnalité restera un symbole de la lutte et de la résistance malgré «des tentatives d'oubli».
«L'Emir Abdelkader a été et restera un symbole de la lutte et de la résistance contre l’occupant à travers le temps, en dépit des tentatives d’oubli et de déni dont a fait l'objet son histoire», a souligné l’ancien ministre et ambassadeur d’Algérie en Syrie, Kamel Bouchama, dans son intervention lors du colloque international sur «L’Emir Abdelkader entre deux rives» organisé par l'université de Mascara.
Le fondateur de l’Etat algérien moderne, a-t-il dit, «n’a pas eu droit aux recherches et études qu’il mérite sur son long parcours historique en tant que résistant, homme de lettres, soufi et humaniste». «Cet homme de la résistance a toujours des aspects méconnus pouvant faire l’objet de recherches et d’ouvrages qui seront sans doute d’un grand apport pour l’écriture de l’histoire nationale», a observé M. Bouchama, estimant que les aspects humanitaires de l’Emir en tant qu’homme de société et soufi peuvent inspirer bien des chercheurs.
L’ancien diplomate a rappelé que le fondateur de l'Etat algérien «a été chaleureusement accueilli à Damas où il a séjourné et bénéficié des mêmes respect et considération que Salah Eddine El Ayoubi, à son retour des guerres menées contre les croisades.
La notoriété de l’Emir résistant, romancier et soufi l’a précédé à Damas où les syriens l’avaient accueilli. Il a contribué à l’essor culturel et social de grande envergure». Toutefois, Kamel Bouchama a regretté que les études et les ouvrages sur l’Emir Abdelkader soient édités le plus souvent à l’étranger.