Economie

OPEP: l'enjeu d'une réduction de la production face à un environnement complexe

Publié par DK News le 04-12-2018, 16h34 | 5
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A la veille de la Conférence ministérielle de l’Opep et de la réunion des pays Opep et non Opep prévues cette semaine à Vienne, l’expert dans les questions énergétiques, Abdelmadjid Attar, ex. ministre des ressources en eau et ex. P-dg de Sonatrach, s'exprime dans cet entretien sur l’évolution des cours du pétrole et l'enjeu d'une réduction de la production face à un environnement international complexe.

 

- QUESTION: L'accord de réduction de la production pétrolière arrivera à terme fin 2018. L'OPEP et ses partenaires vont se réunir à Vienne pour décider de leur futur niveau de production. Pour la Russie et l'Arabie saoudite, il est important de réduire la production mais pas autant qu'il le faudrait pour empêcher un déséquilibre de l'offre début 2019. Quelle est votre lecture là-dessus?

- ABDELMADJID ATTAR: La meilleure des choses qui puisse arriver et, par conséquent, la meilleure des décisions que les pays OPEP et non OPEP puissent prendre est de revenir à l'accord de décembre 2016 en réduisant leur production au moins par l’équivalent de ce qu'ils ont produit en plus depuis le début de l'année pour, soi-disant, faire face à la chute de production de l'Iran du fait des sanctions américaines, c'est à dire entre 1,5 et 2 millions de barils/jour. Ce surplus provoqué par la panique des acheteurs avant les sanctions a été mis sur le marché par l'Arabie Saoudite essentiellement, la Russie, et d'autres pays du Golfe. Ils sont tous conscients du désordre dans lequel évolue actuellement le marché pétrolier, non seulement à cause de ce surplus mais aussi pour d'autres paramètres liés à la croissance de la production pétrolière d'autres pays, de la récession économique mondiale qui entraîne moins de demande pétrolière y compris en Chine, de la mutation accélérée des modèles de consommation énergétique (économie d'énergie, énergies renouvelables...) et, bien sûr, à d'autres facteurs géopolitiques (embargos sur l'Iran et la Russie, guerres économiques USA-Chine-Europe...).

Les enjeux ou les défis de la prochaine réunion OPEP vont tourner autour d'une nécessaire réduction de la production face à un environnement et des positions complexes et contradictoires: Une Arabie Saoudite, principal producteur et régulateur historique au sein de l'OPEP avec plus de 11 millions de barils/jour (mbj), ayant besoin autant que tous les autres producteurs d'un baril à plus de 70 de dollars, mais très affaiblie par la guerre du Yémen et l'affaire d'assassinat de Khashoggi qui la fragilise beaucoup vis-à-vis des USA. Une Russie devenue partenaire principal et deuxième régulateur de la production OPEP-non OPEP, avec plus de 11 mbj aussi, qui tient à récupérer des dividendes de sa solidarité avec l'OPEP au plan politique et économique. Les Etats-Unis, également producteur de plus de 11 mbj, avec Trump dont les décisions sont imprévisibles et déstabilisatrices à travers des embargos économiques, des guerres commerciales y compris avec leurs alliés européens, des pressions politico-économiques sur les plus faibles, le tout avec un objectif "America first". Une économie mondiale qui peine à repartir, y compris en Chine, avec, en cadeau, un G20 qui vient de se terminer sans visibilité sur son avenir, et une trêve entre les Etats-Unis et la Chine pour 90 jours qui ne facilitera pas non plus la visibilité dont auront besoin les pays de l'OPEP en décembre 2018. L'unique choix pour l'OPEP est de réduire sa production, mais de combien et par qui?

 

-QUESTION: Mais si l'OPEP décide de laisser la production inchangée, les prix pourraient baisser fortement, en faveur notamment des Etats-Unis qui ne cessent d’appeler à un pétrole moins cher. Quel est votre commentaire?

-ABDELMADJID ATTAR: Il y a quand même un prix-plancher que même l'industrie pétrolière américaine ne pourra pas supporter, parce que l'économie mondiale, et plus particulièrement celle des Etats-Unis, est et sera encore, pendant des décennies, dépendante du secteur de l'énergie, et plus particulièrement du secteur des hydrocarbures. Les prix ne pourront pas baisser, du moins sur une période dépassant six à 12 mois, à un niveau de 30 ou 40 dollars par exemple, parce que cela sera catastrophique non seulement pour les pays OPEP mais pour les Etats-Unis eux mêmes ainsi que pour beaucoup d'autres régions du monde.

Pour le moment et à moyen terme, le prix d'équilibre sera celui qui convient aux économies des pays de l'OCDE surtout, et des pays émergents comme la Chine, gros consommateurs (USA, Europe) mais souvent peu ou pas assez producteurs (Chine, Inde). Il ne faut pas oublier que la production d'hydrocarbures non conventionnels est maintenant une réalité et le sera encore pendant plusieurs décennies, nécessitant un baril d'au moins 35 à 40 dollars. Au delà de cette période, tout dépendra des progrès technologiques destinés à ralentir l'épuisement des réserves pétrolières et à permettre l'introduction de sources d'énergie alternatives.

 

-QUESTION: En novembre dernier, les cours du brut ont reculé de plus de 20%, en raison de craintes concernant la surabondance de l'offre mondiale. Quelles sont, selon vous, les perspectives du marché pétrolier à moyen terme?

-ABDELMADJID ATTAR: La hausse du prix du baril au cours de la décennie 2004-2014 a enrichi et "endormi" les pays producteurs et exportateurs de pétrole, mais a aussi entraîné un profond bouleversement des stratégies des pays consommateurs en matière de modèle de consommation énergétique et de sécurité énergétique. La chute du prix au milieu de 2014 a été une surprise et pris tout le monde de cours, et il a fallu trois longues années, de 2014 à 2016, avec un prix moyen inférieur à 50 dollars, pour commencer à s'adapter à la mutation qui affecte de façon générale le secteur énergétique. Je pense que la période d'instabilité des prix va probablement durer encore 3 à 5 ans avec un prix moyen qui devrait atteindre 70 dollars le baril, sauf bouleversement très grave de nature géopolitique surtout, qui pourra entraîner aussi bien une baisse qu'une hausse sur plusieurs mois, parce que les autres facteurs qui conditionnent ce prix ne sont plus les mêmes. Ces facteurs ne sont pas entre les mains des pays exportateurs OPEP-non OPEP dont la stratégie va consister, à moyen terme, à défendre un prix minimum au prix d'un gel sinon d'une réduction de production.

Au delà de 2023, il faudrait avoir une boule de cristal pour faire des prévisions, et continuer à suivre de près la politique des trêves successives des Etats-Unis.

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