Le dialogue entre le Conseil militaire de transition au Soudan et les représentants de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC) reprend lundi sur fond de divergences notamment sur la constitution d'une instance chargée de gérer la transition, alors que le pays est confronté à une grave crise économique.
En effet, les discussions entre les membres du Conseil militaire de transition et les représentants de la contestation réunis au sein de l'ALC devraient entamer lundi une rencontre de dialogue qui était initialement prévue dimanche à l'initiative de l'armée, avant d'être ajournée à la demande des contestataires.
Selon des sources au sein de l'ALC, il a été demandé son report par les composantes de la coordination afin qu'elles puissent achever des consultations internes avant la rencontre avec le Conseil militaire de transition.
Dimanche tard dans la soirée, le porte-parole du conseil, le général Chamseddine Kabbachi, a confirmé la reprise des discussions lundi, précisant que les pourparlers se déroulent dans une «atmosphère optimiste».
Il a précisé que les négociations entre les deux parties visent à «parvenir à un accord sur l'organisation de la période de transition». Néanmoins, les négociations entre les dirigeants de l'ALC et le Conseil militaire divergent encore sur plusieurs points, notamment sur la composition du «conseil souverain» appelé à remplacer le Conseil militaire.
L'ALC veut que cette autorité soit dominée par les civils, tandis que l'armée cherche à ce qu'il comprenne une majorité de militaires.
Les divergences concernent également la nature du régime présidentiel ou parlementaire, ainsi que la référence à la Chariaa (loi islamique) comme source de la législation.
Les forces du changement ont insisté, dans ce sillage, sur la fondation d'un système exclusivement parlementaire, de caractère civil et sur la mise en place d'un gouvernement de compétences nationales doté de pouvoirs exécutifs et échappe aux injonctions du «conseil souverain» qui sera mis en place.
Dans un communiqué diffusé la veille, l'Alliance pour la liberté et le changement a proposé, en outre, la création d'un conseil législatif où seront représentées toutes les mouvements de contestation soudanaise. Le conseil législatif interviendra durant la période de transition sur l'élaboration des textes en lien avec cette phase et suivra l'action du gouvernement. Il sera appelé à constituer des commissions qui se chargeront notamment de la tenue du congrès constitutionnel consensuel devant élaborer la loi fondamentale du pays.
Celle-ci sera approuvée par voie référendaire. L'ALC s'est dite prête à la résolution des divergences avec le Conseil militaire en l'espace de 72 heures à partir du début des discussions.
Une situation de chaos dénoncée
Après quatre mois de protestations déclenchées par la hausse du prix du pain, la situation économique et sociale au Soudan demeure préoccupante, avec des besoins croissants en nourriture, en médicament et en carburant.
En dépit des efforts entrepris par les autorités, le pays est confronté à l'endettement, au déficit budgétaire chronique et à l'inflation.
Privé d'accès aux marchés internationaux, le Soudan doit recourir aux financements sous forme de dons et de prêts concessionnels.
C'est à ce titre que l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes ont offert, il y a une semaine, des chèques pour le Conseil militaire de transition au Soudan afin de répondre aux besoins des populations et pour relancer la machine économique du pays. Dans ce contexte de morosité, des manifestants ont procédé à des actions de protestation qui ont suscité l'indignation et la colère des autorités en place. Dimanche soir, des manifestants ont bloqué la rue du Nil, considérée comme l'une des principales avenues de la capitale.
Les protestataires ont décidé du blocage au moyen de pierres, de branches et de pneus après que la police les a empêchés de rejoindre via cette avenue le sit-in devant le QG de l'armée, ont affirmé des témoins.
Le Conseil militaire de transition a jugé «totalement inacceptable» cette action de protestation qui provoque des désagréments.
«Cela crée le chaos et rend la vie difficile pour les citoyens», a-t-il dénoncé dans un communiqué.
Démentant des affirmations circulant sur les réseaux sociaux selon lesquelles les forces de sécurité ont l'intention de disperser le sit-in devant le QG de l'armée, le Conseil militaire a demandé aux manifestants de cesser le recours à ce type d'action qui vont à l'encontre des revendications du changement réclamé par les Soudanais.
Le Soudan a besoin d'une stabilité pour amorcer une relance sur tous les plans, a souligné encore le Conseil, tandis que le mouvement de contestation ne faiblit pas et continue pendant le mois sacré de Ramadhan à se rassembler et à réclamer une «transition démocratique» devant être gérée par des civils.