Arbitrage commercial international: pour une meilleure complémentarité entre les justices

Publié par Dknews le 01-10-2019, 18h16 | 7

Les experts participant mardi à Alger à un séminaire sur l'arbitrage commercial international ont préconisé une meilleure complémentarité entre la justice étatique et celle arbitrale pour mieux défendre les intérêts économiques du pays dans les relations avec les opérateurs étrangers.

"L'économie s'est mondialisée, si vous n'avez pas d'arbitrage vous n'aurez pas d'investisseurs étrangers sur le marché (...) Chacun à son rôle à jouer, le juge national comme l'arbitrage. Nous allons maintenant vers la complémentarité que vers la concurrence ou l'opposition qui existait dans le temps", a estimé Ahmed Mahio, expert en arbitrage international, lors de ce séminaire organisé par le Programme d'appui au secteur de la justice en Algérie (PASJA).

Selon lui, "la communauté internationale des affaires se méfiait, à tort ou à raison, de la justice étatique qu'elle suspecte de partialité, d'incompétence et de lenteur et préférait le recours à l'arbitrage et d'autres modes alternatifs de règlement des différends, plus appropriés aux litiges internationaux. Cette méfiance à l'égard du juge national existe même dans les pays développés".

Toutefois, cette approche n'a pas pu aboutir puisque le juge étatique conserve un rôle important, voire une certaine puissance, dans l'aboutissement des procédures arbitrales de règlement des différends, ajoute l'expert.

De leur part, le juge se méfiait également de l'arbitrage évoquant même une "atteinte à la souveraineté nationale" mais peu à peu un processeur de coopération s'est mis en place, note M. Mahiou: "Qui dit relations commerciales internationales dit inévitablement recours à l'arbitrage lorsque qu'il y a des litiges", a-t-il ajouté.

Les systèmes juridiques continuent, poursuit-il, à réserver un certain rôle aux juridictions étatiques même s'ils consacrent parallèlement leur incompétence, en présence d'une convention d'arbitrage.

Le droit algérien de l'arbitrage a mis en place un système collaboratif entre le juge étatique et le tribunal arbitral dans le lequel il organise des relations de complémentarité, en précisant les situations dans lesquelles le magistrat algérien vient en appui du juge arbitral.

Dans ce sens, l'expert recommande la spécialisation des magistrats qui doivent, par ailleurs, maîtriser plusieurs langues étrangères notamment l'anglais et le français pour mieux gérer les affaires d'arbitrage.

De son coté, l'experte dans le même domaine, Yakout Akroune, a prôné l'amélioration de la relation entre les deux justices étatique et arbitrale en s'appuyant sur la formation.

"La formation est l'outil principal pour pérenniser la relation pacifique entre les deux droits", a-t-elle avancé.

Concernant les arbitrages perdus des entreprises algériennes à l'international, Mme. Akroune a estimé que les entreprises algériennes sécurisent mal leurs contrats avec les parties étrangères.

"Dire que nous perdons tout nos arbitrages à l'international c'est aller vite en besogne. Personne n'a établi des statistiques sur ce sujet. Mais il vrai que nous perdrons plus que nous gagnons, parce qu’on ne sécurise pas assez nos contrats qui sont également mal exécutés. Nous avons un déficit en management de projets et un manque de suivi des contrats", a-t-elle expliqué.

Sur le même point, M. Mahio a souligné l'importance d'installer au niveau des institutions et grandes entreprises des conseillers qui gèrent ces problèmes d'arbitrage qui "remettent en cause des fois l'image de l'Algérie".

"Il y a des intérêts commerciaux importants de part et d'autre, chacun doit défendre ses intérêts et ça commence d'abord par avoir des personnes qui maitrisent très bien l'arbitrage", a-t-il indiqué.

Le séminaire sur l'arbitrage commercial international vient couronner une série de formation sur ce sujet, organisée par le PASJA. Un total de 170 magistrats a bénéficié de ces formations.

Le PASJA est un programme de coopération entre le ministère de la Justice et la délégation de l'Union européenne en Algérie, cofinancé par les deux parties à hauteur de 10,55 millions d'euros.