Situation sécuritaire au Sahel: Les missions de paix de l'ONU «inadaptées à l'environnement actuel»

Publié par DK NEWS le 17-12-2019, 15h59 | 9

La situation sécuritaire se dégrade au Sahel en  raison de la multiplication des attaques terroristes ayant ciblé les armées  des pays de la région à leurs frontières communes, poussant leurs  dirigeants à demander que les mandats des missions de paix des Nations  unies, jugées «inadaptées à l'environnement actuel» soient renforcés et  plus offensifs. 
     Au Sahel, les armées continuent d’essuyer des revers face aux groupes  terroristes. Il y a plus d'une semaine, 71 soldats ont été tués dans une  attaque de grande ampleur contre le camp militaire d'Inates dans l'ouest du  Niger. Revendiquée par l'organisation terroriste autoproclamée Etat  islamique (EI/Daech), cette attaque est la plus meurtrière jamais  enregistrée dans la région. 
Au Mali, pas moins de 140 soldats ont trouvé la mort ces derniers mois  dans une série d’attaques sanglantes contre les bases militaires. Quant au  Burkina Faso, il a perdu 24 militaires en août dans une attaque contre la  base de Koutougou, près de la frontière malienne. 
Face à toutes ces attaques, les dirigeants des pays du Sahel demandent à  l'ONU que les mandats des missions de paix soient renforcés et plus  offensifs. Réunis dimanche en sommet extraordinaire à Niamey, ils ont en  outre appelé à davantage de coopération mutuelle et internationale pour  endiguer le péril terroriste qui frappe de plus en plus violemment leurs  pays. «Les attaques sans cesse répétées par les groupes terroristes dans notre  espace nous rappellent non seulement l'extrême gravité de la situation mais  aussi l'urgence de travailler davantage en synergie», a ainsi indiqué le  président nigérien, Mahamadou Issoufou. Alors que la menace terroriste persiste au Sahel malgré la présence de  plusieurs opérations militaires, l'on s'interroge sur la nécessité d'une  implication «plus offensive» de l’Onu ou de ses forces comme le demandent  les chefs d’Etat de la région. 
Dans un récent entretien à France 24, la Guinéenne Bintou Keita,  sous-secrétaire de l’ONU pour l’Afrique, répond à toutes les  préoccupations. Tout en rappelant que le rôle des Nations unies est de  pacifier les pays, celle qui a occupé de hautes fonctions au sein de  différentes institutions onusiennes affirme que la lutte contre le  terrorisme «est un combat de longue haleine et doit être portée par les  armées nationales». Elle a indiqué que la lutte contre le terrorisme ne fait pas du tout  partie du mandat des opérations de maintien de la paix. Les Casques bleus  qui sont déployés dans le cadre de missions de paix ont pour objectif de  «réduire les tensions et les violences, de permettre ensuite d'ouvrir les  espaces de dialogue politique avec l’ensemble des partis, et enfin de  protéger les populations civiles». 
 
Les missions de paix de l'ONU jugées «inadaptées à l'environnement  actuel» 
Plusieurs diplomates et observateurs pensent que les missions de maintien  de la paix, comme au Mali ou en République démocratique du Congo (RDC), ne  sont plus adaptées aux conflits actuels. A ce propos, Bintou Keita a encore  indiqué que «les opérations de maintien de la paix opèrent aujourd’hui dans  de nouveaux environnements où la situation sécuritaire est de plus en plus  dégradée avec les attaques terroristes». «Les mandats déjà robustes des missions de maintien de la paix peuvent  être adaptés mais ils sont indépendants de la lutte contre le terrorisme.  J’insiste sur cela. Sinon, on fait de l’amalgame. Le rôle premier des  opérations de maintien de la paix est l'appui à des négociations politiques  et à la mise en £uvre des accords de paix». 
«Cependant, a-t-elle poursuivi, nous sommes en train de faire évoluer la  posture des bataillons avec lesquels nous travaillons pour que les Casques  bleus soient plus flexibles. Et pour qu’ils soient plus en mesure d’être  déployés rapidement. Les territoires sur lesquels ils opèrent sont  immenses. Et sur le plan logistique, ce n’est absolument pas facile». 
«Au lieu d’avoir des bataillons statiques, ce dont nous avons besoin par  rapport aux environnements d'aujourd'hui, ce sont des contingents avec une  mobilité rapide leur permettant d’opérer sur des terrains désertiques comme  au Sahel ou de jungle comme en République démocratique du Congo». Si Mahamat Saleh Annadif, ancien ministre des Affaires étrangères tchadien  et chef de la Minusma pour la stabilisation du Mali, est d’avis que les  Missions de maintien de la paix conçues dans les années 1950 ne sont plus  adaptées dans des environnements actuels pleins de terroristes, il insiste  aussi sur l’urgence de restructurer et de reconstruire les armées  nationales. «L’ONU mène des réformes pour adapter les missions à leur  environnement». 
«Il faut professionnaliser les armées», abonde Ahmedou Ould Abdalah,  directeur du Centre pour la stratégie et la sécurité dans le Sahel Sahara,  basé à Nouakchot.  
Sentiment anti-français dans la région 
La présence des forces françaises dans le cadre de l’opération Barkhane au  Sahel, un territoire désertique de plus de 3 millions de km², rencontre un  rejet grandissant au sein des opinions publiques de plusieurs pays  africains, notamment au Burkina-Faso, au Mali et au Niger. Ainsi, des  commentaires partagés des milliers de fois sur les réseaux sociaux au Mali,  au Burkina Faso et en Côte d'Ivoire, accusent la France de faire le jeu des  terroristes pour justifier le maintien de sa présence militaire dans la  région. L’un des commentaires disait même que l'armée française avait mené une  frappe contre une base militaire nigérienne située à Diffa, une ville du  sud-est du pays, dans le but d’entretenir la menace terroriste. Alors que l’opération Barkhane consiste à lutter, depuis son lancement en  août 2014, contre les groupes terroristes et à soutenir les armées des pays  concernés par la menace terroriste, la région reste l'objet d'attaques de  plus en plus fréquentes. 
 Les violences terroristes persistent dans le nord du Mali et se sont  propagées au centre du pays ainsi qu'au Burkina Faso et au Niger voisins.  Les pertes sont de plus en plus lourdes pour les armées locales, et les  interrogations autour de «la meilleure stratégie à adopter pour lutter  contre les nombreux groupes terroristes à la résilience hors norme, très  mobiles et dont l’activisme déstabilise les Etats» se sont multipliées.  Plusieurs manifestations ont été organisées au cours de l’année à Bamako  et à Ouagadougou contre la présence militaire française dans la  région.