Journée nationale de l’Etudiant : Le 19 mai 1956, un nouveau souffle pour la lutte armée

Publié par Dknews le 18-05-2020, 13h59 | 94

Les étudiants algériens qui ont rejoint le maquis le 19 mai 1956 ont impulsé un "nouveau souffle'' à la lutte armée durant la Révolution de libération nationale, selon le témoignage du moudjahid et commandant Mohamed-Salah Mellah, alias commandant Amar Mellah.

Le moudjahid, dont l'âge n'excédait pas 18 ans lorsqu'il a répondu à l'appel de la Nation, a expliqué à l'APS à Batna à l'occasion de la commémoration du 64ème anniversaire de la Journée nationale de l'étudiant (19 mai), que l'apport des étudiants a eu des répercussions dans plusieurs domaines, notamment en matière de gestion, d'organisation, d'information, de diplomatie, de communication et de médiatisation, jusqu'à la stratégie militaire et politique dans la conduite de la Révolution armée.

''En abandonnant leurs études pour intégrer les rangs des militants de la Révolution, certains étudiants ont porté haut la voix du peuple algérien et défendu sa cause sur les ondes radio de nombreux pays, dont la Tunisie, l'Egypte, la Libye ainsi qu'en Europe centrale'', a précisé Mohamed Salah Mellah.

Se remémorant l es années de lutte armée, le moudjahid a fait savoir que la grève des étudiants du 19 mai 1956 ne s'était pas limitée uniquement aux lycéens, mais des étudiants d'universités de l'intérieur et de l'extérieur du pays, ont également répondu avec une profonde fierté à l'appel de la toute jeune Union générale des étudiants musulmans, de l'Armée et du Front de libération nationale à rejoindre leurs frères moudjahidine.

Le succès de cette grève est imputable en grande partie à l'organisation estudiantine algérienne, qui s'était séparée de l'organisation estudiantine française, vectrice de la pensée coloniale et qui percevait la lutte du peuple algérien et la Révolution de libération comme étant "hors la loi" et les moudjahidine tels ''des voleurs et des bandits de grands chemins''.

La mémoire toujours aussi vivace à 82 ans, le commandant Amar Mellah s'est rappelé les circonstances qui l'avaient incitées en mai 1956 à rejoindre les rangs de la Révolution, expliquant que quatre surveillants du lycée franco-musulman de Constantine où il étudiait, à savoir Hihi El Mekki, Kouicem Abdelhak, Abdellaoui et Mohamed Sahnoune, avaient pour instruction de les informer que l'Union nationale des étudiants musulmans algériens avait décidé de boycotter les examens et les études à travers toute l'Algérie.

"Il était de notre devoir de répondre à l'appel de la grève, nous avions donc ramassé nos affaires scolaires et avons quitté le lycée qui est resté fermé 17 mois durant'', a poursuvi le moudhahid, confiant être retourné dans sa ville natale à Tahammamet (la ville d'El Madher de Batna) et d'avoir essayé à plusieurs reprises de prendre attache avec l'Armée de libération nationale (ALN) avant de voir son vœu exaucé grâce au moudjahid El Hadj Abdelmadjid Abdesamad, responsable de la région militaire de Bouarif.

Le commandant Amar Mellah se souvient aujourd'hui encore de ce moment qui a constitué un ''tournant décisif'' dans sa vie, se rappelant qu'il jouait au ballon quand Ahcène, le frère du moudjahid El Hadj Abdelmadjid Abdesamad lui a appris, dans le plus grand secret, que son frère lui avait demandé de rejoindre les rangs de l'Armée de libération nationale.

''A cet instant, je me suis précipité chez moi, j'ai pris une kachabia et une corde pour faire croire aux soldats ennemis, ayant ceinturé la ville de Tahammamet de fils barbelés, que j'allais chercher du bois'', se remémore-t-il, poursuivant : ''J'ai quitté mon village pour rejoindre la Révolution et ma première rencontre avec les moudjahidine a eu lieu avec El Hadj Abdelmadjid Abdesamad, El Hadj Laib et Nedjaî dans un lieu faisant face à la montagne de Bouarif dans la dechra El Massaîd, où j'ai rencontré pour la première fois de ma vie des militants et appris à connaître leurs refuges".

Pour le commandant Amar Mellah, ce fut le début d'une nouvelle ère et un honneur de rejoindre les rangs des moudjahidine pour l'Indépendance de l'Algérie.

Après avoir intégré l'Armée de libération, le moudjahid a appris que Hihi El Mekki était tombé en martyr dans la première zone de la wilaya I historique avec le grade de capitaine, tandis que Abdelhak Kouicem est tombé au champ d'honneur dans la wilaya II historique, avec le grade de capitaine également.Mohamed Sahnoune est décédé fin 2018.

 

Des étudiants de Batna et ses environs ont répondu à l'appel

Des témoignages vivants de nombreux étudiants ayant répondu à l'appel du 19 mai 1956 à Batna et ses environs (wilaya I historique), comme le commandant Amar Mellah, peuvent être consultés à l'annexe du musée du Moudjahid de la ville de Batna, située sur la route de Tazoult.

''Nous avons pu contacter des moudjahidine encore vivants parmi les étudiants de l'époque et transcrire leurs témoignages concernant cette étape importante de la révoluti on et déterminer les conditions de leur recrutement dans les rangs de l'Armée de libération et le travail de terrain qu'ils ont effectué, chacun selon la région dans laquelle il avait été mobilisé'', a affirmé dans ce contexte, le directeur de l'annexe, Mounir Madhkour.

Selon le responsable, ces témoignages suscitent actuellement la curiosité des étudiants et des chercheurs en histoire en particulier, car ils attestent des sacrifices des étudiants algériens qui ont préféré mourir en martyr au lieu de continuer leurs études, afin que l'Algérie puisse retrouver son Indépendance.

Parmi les témoignages qui mettent en exergue l'immense sacrifice de cette génération dorée figurent ceux de deux anciens étudiants et moudjahidine décédés, à savoir Mohamed Seghir Abdesamad et Belkacem Mansouri, le premier originaire du village de Ouyoun El Assafir et le second d'Inoughissen, illustrant leur ténacité à s'engager dans la lutte armée malgré leur jeune âge.

Un autre témoignage du commandant Amar Mellah évoque par ailleurs les coulisses de la grève, ses causes et ses répercussions sur la suite de la Révolution de libération.

De son côté, le directeur des Moudjahidine de Batna, Djemai Boumaâraf, a souligné que de nombreux étudiants ayant répondu à l'appel de la Nation le 19 mai ont fait partie, par la suite, de l'élite et des chefs de file de la Révolution de libération, et dont certains ont été nommés à des postes de responsabilité après le Congrès de la Soummam le 20 août 1956.

Parmi les étudiants ayant rejoint la révolution à la fleur de l'âge, on compte le chahid Abdelali Benbaâtouche et les moudjahidine décédés Mohammed Saleh Yahiaoui, Mohamed Seghir Abdesamad, Abdelhamid Ghenam et Mustapha Merarda alias Mustapha Bennoui, ainsi que ceux du commandant Amar Mellah et Mahmoud Athamna, toujours en vie, a fait savoir le responsable.

Le directeur des Moudjahidine de Batna a également révélé qu'une partie du livre d'or dédié aux martyrs de la wilaya durant la période comprise entre 1954 et 1962, a été consacrée à faire connaître ces héros qui se sont sacrifiés pour que vive l'Algérie indépendante, perpétuer leur mémoire au fil des ans et en faire un exemple à suivre pour les générations futures.