Yennayer à Boumerdès : Rites et traditions irréversiblement ancrées

Publié par DK NEWS le 09-01-2021, 17h47 | 71

Le mérite de la persistance, jusqu'à nos jours, de ce patrimoine matériel et immatériel revient incontestablement à la diversité, d’une localité à une autre, de cette célébration riche en significations et valeurs de raffermissement des liens de fraternité et de solidarité. 
En effet, une grande partie de cet héritage culturel est demeurée ancrée dans les mentalités et les comportements grâce à l'attachement à sa célébration et à sa transmission de génération en génération, malgré les diktats des temps modernes et l'impact des réseaux sociaux sur les legs, les valeurs, les coutumes et aussi les liens sociaux. 
"Trèze" et "Sabâa Achawat" à Cap Djanet, Bordj Menaïel et Sidi Daoud
Cette célébration, dont c'est l'an 297, est particulièrement visible dans la région Est de Boumerdès, plus précisément à Cap Djanet, Bordj Menaïel ou encore à Sidi Daoud, où les festivités se caractérisent par une offrande, communément appelée "Waâda", "Trèse" ou "Triza", selon le témoignage de hadja Guemaz Fatima, 80 ans, à l'APS. Originaire de "Skhari" à Cap Djanet, elle évoque, dans le détail, la tradition consistant, en la veille de Yennayer, pour le chef de famille se rendre au marché pour acheter toutes sortes de fruits secs, (amandes, noix, cacahuètes, pistaches, glands.....) que la maitresse de maison mélange pour être distribués lors de la soirée aux membres de la famille, voisins et parfois même invités de villages avoisinants, réunis dans la cour de la maison, en plein air, dans une ambiance festive. 
Dans cette région, raconte encore hadja Fatima, les familles aisées notamment, préparent pour cette fête un dîner communément appelé "Sabâa Achawat", consistant en sept plats différents auxquels sont invités tous les proches et voisins. 
Préparés dés le matin par les femmes, qui se font un honneur à mettre le henné et les tenues traditionnelles pour l'occasion, ces festins comprennent outre un plat de couscous aux raisins secs ou accompagné d'une sauce riche en légumes et poulet cuits en entier et le "Cherchem" (blé et autres légumes secs cuits à l'eau). Dans certains cas, poursuit hadja Fatima, un poulet complet est prévu par personne, une tradition sensée apporter richesse et bénédiction à l a famille tout au long de la nouvelle année, Yennayer marquant la fin de la saison labour-semailles. 
"Serdouk" et "Touiza" à Beni Amrane, Chabet El Ameur et Timezrit
Parmi les traditions les plus ancrées à l'est de Boumerdès, et particulièrement à Aumale, Beni Amrane, Chabet El Ameur et Timezrit, précise le spécialiste en patrimoine de la région et président de l'association "Souaki", Belabbes Rabah, la préparation par les familles moyennes d'une dîner traditionnel à base de viande de serdouk (coq). 
Incontournables de Yennayer,"El Baghrir" (crêpes traditionnelles), "Berkoukes", "Chouat", "Msemen", "Assida" et "Cherchem" font également partie du menu, a-t-il ajouté. 
La soirée du nouvel an est égayée par les bougies portées par les enfants, en présage d'une année agricole radieuse, dans une ambiance de fête et de chants sur les rythmes du tambour. 
La célébration de Yennayer est marquée également, poursuit le président de l'association "Souaki", par la préparation d'une gamme variée de plats traditionnels à base d'olives et de l'huile d'olive, en plus de mets sucrés au miel. 
La "Twiza" est une autre tradition propre à cette occasion dans la région Est de la wilaya. Cette pratique de solidarité et d'entraide, explique M. Belabbes, consiste en le don, par des bienfaiteurs, de vaches qui sont égorgées et découpées en parts égales en présence de tous les habitants du village pour être distribuées aux pauvres et nécessiteux dans le village et même au-delà. 
Par ailleurs, et malgré les grandes mutations dans la société, les mères de familles restent attachées, à travers les différentes régions de la wilaya, au rituel du henné en cette occasion. 
En effet, ce produit décoratif traditionnel est fortement prisé avec une prédilection pour le local, réputé pour sa qualité, pour décorer les mains des grands et des petits, et en particulier, des nouveau-nés. Parées de leur henné, les femmes et les fillettes ponctuent la fête par le port de la fameuse robe kabyle. 
Au-delà de ces traditions, Yennayer revêt d'autres dimensions sociale et éducative manifestes tout au long de l'année, souligne le chercheur en archéologie, qui cite notamment l'attachement à l'implication de tous les membres de la famille, y compris les jeunes et les femmes âgées, à la campagne de récolte des olives. Une pratique ancrée dans la région, et certains réservent même leur congé annuel pour se consacrer pleinement à cette noble mission familiale.