Guelma : Le médiateur de la République, une note d’espoir contre la bureaucratie

Publié par DK NEWS le 31-01-2021, 19h55 | 11

Dès les premières heures du matin, des dizaines de citoyens chargés de dossiers administratifs affluent au siège de la délégation locale du médiateur de la République de Guelma, se raccrochant à l’espoir nourrit par cette instance nouvellement créée, pour "tenter de rectifier ce que la bureaucratie a annihilé".
Implanté au sein d’une vieille habitation datant de l'époque coloniale, composé de 3 pièces seulement et situé rue Patrice Lumumba au centre-ville de Guelma, le siège exigu de la délégation s’avère insuffisant pour accueillir le nombre important de personnes aux besoins spécifiques auxquels on a réservé un jour par semaine, le jeudi en l’occurrence, pour faire entendre leur voix et trouver des solutions à leurs préoccupations. Ce jour-là, plus de dix personnes aux besoins spécifiques des deux sexes, avaient rendez-vous pour exposer leurs problèmes, munies de requêtes écrites destinées au représentant local du médiateur de la République, Abderrezak Messaoudia, a constaté l'APS in situ. Même si leurs problèmes diffèrent, ces citoyens ont estimé unanimement que "la médiation de la république constitue l’unique oreille qui subsiste pour se faire entendre" après que leurs voix se soient éteintes, selon eux, à force de sollicitations vaines et de portes fermées dans de nombreuses administrations au plan local et central.
Parmi eux, un groupe de personnes atteintes d'insuffisance rénale était venu demander à M. Messaoudia d'intervenir auprès des autorités compétentes pour améliorer leurs conditions de prise en charge dans les cliniques et leur permettre de jouir de divers droits en lien avec leur handicap. Interrogées sur les raisons qui les ont contraintes à se rapprocher de la médiation de la république, ces personnes ont quasiment toutes répondu que leurs espoirs reposent sur cette instance créée par le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lequel s’est engagé à lutter contre la bureaucratie, l’arbitraire et la "hogra", et à protéger le simple citoyen ainsi que les habitants des régions défavorisées.
Sollicitations multiples et récits poignants 
Au siège de la médiation, ils étaient en effet nombreux à s’épancher et à confier à l’APS leur vécu empreint de souffrances et d’épreuves douloureuses, souvent difficiles à entendre sans en avoir le cœur serré et tenter d’y trouver une solution aussi ardue soit-elle.
C’est le cas de Abder rezak, un non voyant âgé d’une vingtaine d’années qui a été frappé de cécité en 2018, suite à une agression physique alors qu’il étudiait à l’université de Constantine.
Inscrit actuellement en deuxième année de droit à l'université de Guelma, Abderrezak, résidant dans la commune de Belkheir (située à 2 km du chef-lieu), traîne désormais un handicap ayant pour origine une agression se soldant par des saignements à l’œil gauche, avant de perdre complètement la vue, d'autant plus qu'il est malvoyant de son œil droit depuis sa naissance.
En plus d’avoir perdu la vue, cet étudiant a eu recours à la justice mais, selon ses propos, il n'a obtenu ni indemnisation ni sanction à l’encontre de l'auteur de l’agression dont il a été victime.
Il dit qu'il sollicite à présent l’intervention du représentant du médiateur de la république pour régler sa situation avec la direction de l’action sociale qui l’enjoint de rembourser un montant de 90.000 dinars au motif d’avoir bénéficié d’un emploi à durée déterminée dans le cadre du dispositif de l'activité de l'insertion sociale (DAIS), tout en poursuivant ses études universitaires.
Malvoyant à 99%, Hani, un jeune homme de 22 ans, originaire de la commune de Bouchegouf, a affirmé de son côté, avoir décroché 5 attestations de standardiste téléphonique, d’informa tique adaptée aux non-voyants, de fabrication de balais et de cravates, ainsi qu'un certificat d’enseignement du braille. "J’ai contacté 25 ministères, dont celui du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale à la recherche d'un emploi, en vain, d’où ma présence à la délégation du médiateur de la république pour solliciter de l'aide", a-t-il confié.
Orpheline et amputée d’un bras, Houria, 48 ans, travaille depuis plus de 20 ans dans le cadre d'un contrat à durée déterminée dans une école primaire de la commune de Boumahra Ahmed, et son unique souci est de "décrocher un emploi permanent avec un salaire suffisant pour subvenir à ses besoins ainsi qu’un logement décent pour elle et sa famille". Tous deux handicapés moteurs, Mahdi (38 ans) et son frère Fares puisent, quant à eux, leur force, de leur atelier de tournage fraisage, mais souhaitent changer de local lequel est situé dans une zone isolée fréquentée par des délinquants alors que la commune de Belkheir regorge, estiment-ils, de locaux plus appropriés.
Maitrisant la fabrication d’appareils et d’équipements de rééducation fonctionnelle, les demandes récurrentes des deux frères, adressées au président de l’assemblée populaire communale et au chef de daïra depuis 2014 sont restées, selon eux, lettre morte.
Nombreuses doléance s, peu de réponses de l’administration 
Selon le représentant du médiateur de la République de Guelma, les nombreuses doléances reçues par la délégation sont révélateurs d’une "bureaucratie qui a gangréné l'administration pendant de nombreuses années, réduit à néant beaucoup de droits et consacré la hogra, en particulier envers les habitants des zones reculées".
Etant lui-même issu d’une zone d’ombre, relevant de l’une des mechtas de la commune de Hammam Nabail, M. Messaoudia a révélé qu'il connaissait "les souffrances dont les plaignants lui font part quotidiennement". Faisant savoir que depuis le 24 septembre 2020, date du début des activités effectives de la délégation jusqu'à la fin janvier 2021, la délégation a reçu un total de 328 doléances de citoyens. La réponse des institutions aux requêtes qui leur sont adressées est "encore faible et prend beaucoup de temps", a-t-il regretté. Selon le même responsable, la moitié des doléances adressées à la délégation locale au cours de la même période, concerne des problèmes de logement, tandis que d’autres ont trait à des licenciements arbitraires ou émanent de résidents des zones d'ombre. "Une grande partie de ces requêtes concerne les personnes aux besoins spécifiques en quête d’une amélioration des conditions de prise en charge en matière d’octroi d’appareils appropriés à chaque handicap dans la perspective d’une intégration sociale et professionnelle", a relevé M. Messaoudia. Ces requêtes, a-t-il dit, "contraignent notamment les entreprises au respect de l’obligation d’employer des personnes handicapées conformément à la loi et à les protéger contre les abus".
La mission du délégué local du médiateur de la République est régit par la loi et consiste à saisir par écrit les instances administratives concernées par les problèmes soulevés et d’attendre leurs réponses. M. Messaoudia a déploré que "les réponses aux plaintes adressées à l’administration restent en deçà des attentes, soit à peine 10% du total des requêtes formulées, s’inscrivant ainsi en porte-à-faux avec les instructions des hautes autorités du pays".