Journée nationale de l'étudiant : Taleb Abderrahmane, le chimiste de la Révolution qui a terrorisé la France coloniale

Publié par Dknews le 19-05-2021, 17h46 | 31

Le jeune martyr Taleb Abderrahmane, réputé pour être le chimiste de la glorieuse Révolution, exécuté à la guillotine à l’aube du 24 avril 1958, avait terrorisé la France coloniale par son génie et son engagement sans faille pour l’indépendance de l'Algérie.

Appelé chimiste de l’Armée de libération nationale (ALN), cet artificier qui a terrorisé les forces coloniales, s'était spécialisé, sur instruction des dirigeants de la Révolution, dans la fabrication de bombes dans la Zone autonome d'Alger, a indiqué dans un témoignage à l’APS le chercheur en histoire, Mohamed Rebah qui avait côtoyé le chahid et d’autres membres de la famille Taleb, notamment son père et ses frères.

Sur dénonciation, en 1957, il tombe dans une embuscade tendue par les parachutistes de l’Armé coloniale, laquelle lui fait subir les affres de la torture.

Tous les soirs, il est dénudé et enterré dans la neige jusqu’à la tête pour y être retiré au petit matin, sans que son silence ne soit brisé. Le jour de son exécution dans l’enceinte de la prison Serkadji (ex-Barberousse), alors qu’il n’avait que 28 ans, Taleb Abderrahmane avait lancé à l'imam désigné par l'administration coloniale pour lire la Fatiha, des propos qui font toujours froid dans le dos : "Prends une arme et rejoins le maquis". Quelques mois plus tard, l’imam a rejoint le maquis et décède au champ d’honneur.

En ce sens, la phrase lâchée par Taleb Abderrahmane résume la forte personnalité, mais aussi l’engagement de ce jeune intellectuel qui se considérait comme "un mort en sursis" en raison de ses trois condamnations à mort dont il avait fait l’objet, relate encore M. Rebah, auteur des livres "Des chemins et des hommes" et "Taleb Abderrahmane, guillotiné le 24 avril 1958". "On demande ma tête, encore et pour la troisième fois.

Mais, messieurs, je suis un mort en sursis et, croyez-moi, ma troisième condamnation à la peine capitale ne m’effrayera point", avait lancé à ses bourreaux Taleb Abderrahmane, condamné à mort en même temps que Djamila Bouhired, Djamila Bouazza et Abdelghani Marsali. Né en 1930, soit l’année de la célébration du centenaire de la colonisation de l’Algérie par la France ou ce qui était appelé par les colons "La glorification de la conquête française", Taleb Abderrahmane a ainsi vécu l’époque du Code infâme de l’Indigénat, auquel étaient soumis les Algériens (autochtones) depuis 1881. En ce sens, sa venue au mond e a coïncidé avec la prise de conscience de plus en plus grandissante des Algériens quant au choix inévitable et inéluctable de la lutte armée pour recouvrer l’indépendance du pays.

A cet effet, il s’est imprégné des idéaux du Mouvement national, ce qui lui a fait dire : "Pour ma patrie, pour mon idéal et pour mon peuple, périr n’est qu’un sublime sacrifice auquel je suis résigné. L’Algérie sera libre envers et contre tout".

D’un tempérament timide, Taleb Abderrahmane était aussi un homme généreux, selon Mohamed Rebah, et trouvait toujours du temps pour aider les jeunes lycéens de son quartier qu’il rencontrait au Café Tlemçani dans le quartier La Marine. Il avait également des moments de détente et de s’adonner à la pêche à Ras el Moul.

Taleb Abderrahmane avait suivi, pendant deux ans des études de médecine à la faculté d’Alger, mais sa passion pour la chimie l’a amené à se spécialiser dans ce créneau. Il a ainsi opté pour cette spécialité afin de pouvoir fabriquer des bombes et des explosifs pour l’ALN, raconte de son côté son neveu, Taleb Abderrahmane, qui porte le même nom que son oncle. Passionné de chimie, ce natif de la Casbah dont les parents sont originaires de Mizrana (Tigzirt, Tizi-Ouzou), a également appris la langue allemande afin de pouvoir analyser les expériences du père des f usées V2, l’Allemand Vernher Von Braun, lequel a fabriqué les premières véritables fusées militaires, d’une portée de 350 km et atteignant la vitesse de 5800 km/h. Des fusées ayant servi à bombarder Londres durant la 2ème Guerre mondiale, raconte encore son neveu.

Au maquis, ses compagnons lui avaient attribué le pseudonyme de Mohand-Akli pour qu’il puisse passer inaperçu, son vrai nom étant connu des forces coloniales et était de ce fait activement recherché, témoigne son neveu qui a révélé aussi que Taleb Abderrahmane échangeait des correspondances avec Che Guevara et avait pour idole l’ancien résistant et président du Vietnam, Hô Chi Minh.

Après son arrestation et malgré une mobilisation au niveau national et international pour que Taleb Abderrahmane ne soit pas exécuté, le ministre de la Justice de l’époque, François Mitterrand, a refusé le recours en grâce et le président de la République René Coty a signé la décision de la mort par guillotine, raconte son neveu.

Ce dernier, les yeux larmoyants, a fait savoir que le bourreau de Taleb Abderrahmane, le sinistre Fernand Meyssonier, chargé de l'exécution de la peine capitale pendant la guerre d'Algérie, a témoigné dans ses mémoires "Paroles de bourreau", que parmi les 340 personnes exécutées, il se souvient de trois condamnés à mort. Il s’agit d’une femme qui a assassiné son mari, un gendarme, le deuxième est Fernand Yveton qui porte le même prénom que lui et Taleb Abderrahmane qu’il a qualifié de courageux, raconte le neveu du martyr. Dans ses mémoires, ce bourreau a écrit au sujet de Taleb Abderrahmane : "Il est mort courageusement. J’ai presque des regrets, mais allez-y me dire pourquoi. J’ai voulu le sauver, j’aurais voulu qu’il meure d’une crise cardiaque et ne pas avoir à lui couper la tête.

D’ailleurs j’ai gardé ses lunettes en souvenirs." Le sinistre Fernand Meyssonnier a gardé en souvenir les lunettes du héros Taleb Abderrahmane qu’il avait voulu les vendre aux enchères, mais que les autorités françaises ont interdites.

Le neveu de Taleb Abderrahmane raconte qu’il a refusé de récupérer les lunettes de son oncle car, a-t-il expliqué, les autorités françaises avaient exigé qu’il serre la main du bourreau de son oncle.