Burn out : tout ce qui est vrai... et ce qui est faux

Publié par DK NEWS le 11-12-2021, 14h22 | 10

Difficile de connaître le nombre de personnes touchées par le burn out. Une chose est sûre cependant : les cas ne cessent
d'augmenter et la crise sanitaire est loin d'avoir inversé la tendance. On démêle le vrai du faux pour comprendre ce phénomène.

 

Le burn out est une dépression
FAUX. "Le burn out n'est pas une dépression ni même une “dépression du travail”. L'un des symptômes caractéristiques de la dépression est l'anhédonie, c'est-à-dire la perte d 'envie pour tout, ce qui n'est pas le cas du burn out au début. En revanche, non pris en charge, il peut mener à la dépression", répond notre experte Emmanuelle Wyart. Le burn out n'est pas non plus une simple fatigue que le repos ou des vacances suffiraient à éponger.
Alors, qu'est-ce que c'est ? Les spécialistes eux-mêmes peinent à trouver une définition qui fasse consensus. On retiendra cependant cette "triade du burn out" donnée par Christina Maslach (psychologue américaine pionnière sur le sujet) : un profond épuisement physique, mental et émotionnel, un ressenti de déshumanisation et de cynisme généralisé vis-à-vis du monde du travail, une perte de sentiment d'accomplissement et une baisse d'efficacité personnelle.

Le burn out est dû à une surcharge de travail
PAS SEULEMENT. Les mécanismes du burn out sont bien plus complexes, et ses causes tiennent à la fois à la personne et au monde du travail. Il y a d'un côté un profond engagement dans le travail, un certain perfectionnisme, une éthique forte qui prennent racine dans l'histoire intime de la personne, son éducation, la valeur "travail" véhiculée au sein de la famille, etc. Et de l'autre, tous les "risques psychosociaux" (RPS) bien identifiés en médecine du travail : un rythme intense, le manque de moyens, une faible autonomie, la non-reconnaissance, des changements fréquents, etc. « En venant accentuer la porosité entre la sphère professionnelle et personnelle et en nous saturant d'informations, les outils numériques et le télétravail n'arrangent évidemment rien", ajoute la coach. Ce surinvestissement personnel, physique et affectif dans le travail, combiné à des conditions de travail tendues vont induire un stress chronique. Constamment en mode stress, le corps ne peut plus récupérer. C'est ce déséquilibre stress/récupération qui peut mener au burn out.

Tout le monde peut être touché par le burn out
VRAI… ET FAUX. Le burn out fut initialement identifié chez les professionnels de santé, mais aujourd'hui, tout le monde peut faire un burn out… pour peu que l'on soit très - trop ? -fortement investi dans son travail. "Ce sont en effet les plus actifs, volontaires et créatifs qui sont touchés. La capacité de résistance sur une longue durée est l'un des points communs que je rencontre chez la majorité des personnes que j'accompagne, observe Emmanuelle Wyart. On s'écroule précisément parce que l'on a donné plus, investi plus de temps et d'affect que les autres dans son travail." Ironie du sort - ou perversité du monde du travail -"après leur burn out, les 4/5 des personnes que j'accompagne se sont vu reprocher par leur employeur leur professionnalisme, poursuit la coach. Or, il est très important de déculpabiliser. L'entreprise a une grande part de responsabilité, notamment via les outils de monitoring et d'individualisation de la performance qu'elle met en place."

Le burn out arrive du jour au lendemain
FAUX. Le burn out est un processus lent. "Il peut incuber des mois, voire des années, explique la spécialiste. Cela démarre par une phase de fort challenge professionnel, de réussite qui alimentent un sentiment de toute-puissance." Soumis à un rythme intense, le corps commence à peiner à suivre. On va donc redoubler d'efforts pour continuer à fournir le même travail. C'est alors l'engrenage. "Constamment en stress chronique, l'organisme n'est plus en mesure de ralentir. Il y a une faillite hormonale, menant à un emballement du système nerveux autonome." Jusqu'au moment de bascule : le corps lâche à force de ne pas avoir été entendu. Le choc est alors à la mesure du déni, avec des manifestations différentes selon les personnes : impossibilité de se lever, attaque de panique, malaise, voire paralysie soudaine. « Ce moment de bascule arrive souvent après un élément déclencheur : un accroissement brusque de la charge de travail, un changement de responsable, une mauvaise évaluation non justifiée, un conflit éthique, une baisse de moyens, une mise à l'écart brutale…", énumère la coach.

Les symptômes sont faciles à reconnaître
FAUX. Avant d'arriver à ce stade de combustion, le corps envoie des signes de surchauffe. Plus de 130 symptômes ont été recensés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ils touchent aussi bien la sphère cognitive (difficultés croissantes de concentration, troubles de la mémoire, procrastination et difficulté à prendre des décisions…) qu'émotionnelle (grande tristesse, irritabilité et accès de colère, absence d'émotion, sentiment d'inutilité…) et physique (troubles du sommeil, fatigue intense, douleurs musculaires, migraines, troubles digestifs, ORL ou dermatologiques…). "Cette symptomalogie polymorphe rend évidemment le diagnostic complexe, d'autant que la personne, déconnectée de son corps, n'est plus en mesure de déceler certains signaux d'alerte." Sans compter une forme de déni, car le burn out est encore trop fréquemment - et à tort - perçu comme un aveu de faiblesse.

1/3 - L'arrêt de travail est-il indispensable en cas de burn out ?
Il est fondamental d'accepter le diagnostic et l'arrêt de travail. Certaines personnes le vivent comme un soulagement, d'autres comme une sentence et se sentent coupables, voire honteuses. Nous voyons encore trop de personnes se rendant à leur travail avec l'arrêt dans leur poche. Or, l'extraction de l'environnement professionnel est incontournable. Objectif : déconnexion totale et repos. Le corps et la tête doivent être mis à l'arrêt pour récupérer et se régénérer.

2/3 - Faut-il entamer un travail psychologique ?
C'est en effet fortement recommandé, le doublon idéal étant le suivi par le médecin traitant ET un psychologue ou psychiatre. D'autant qu'en pratique, la crainte de retourner au travail démarre dès le premier jour de l'arrêt. Le compte à rebours commence, ne permettant pas le repos mental pourtant nécessaire dans cette période de récupération. Il est important de parler et de ne pas s'isoler. Une oreille neutre et professionnelle est une béquille particulièrement aidante, surtout lorsqu'une médication est mise en place. Par ailleurs, le psychologue ou psychiatre pourra jauger de la nécessité ou non de prolonger l'arrêt.

3/3 - Comment éviter la rechute ?
Il faut avant tout reprendre une activité professionnelle lorsque l'on se sent prêt, physiquement et psychologiquement. Retourner au travail prématurément, sans concertation avec son médecin, est risqué. De même, il faut pouvoir reprendre dans des conditions adaptées : tiers-temps thérapeutique, mi-temps, adaptation via le télétravail, etc. Cela implique d'organiser une véritable entrevue de reprise avec sa direction. Plus fondamentalement, il est capital de procéder à un travail introspectif pour ne pas repartir « comme en 40 » (les mêmes causes produisant les mêmes effets…) en termes de surinvestissement.Le bilan de compétences, le bilan de carrière ou l'outplacement peuvent s'avérer utiles.