Épilepsie : symptômes, diagnostic, traitements

Publié par DK NEWS le 19-02-2022, 16h44 | 11

L'épilepsie, qui touche environ 650 000 Français, dont 50 % de jeunes, reste une pathologie méconnue et source d'idées reçues. On fait le point sur cette maladie neurologique cérébrale avec le Dr Moriez, neurologue.

L’épilepsie est la deuxième maladie neurologique chronique la plus fréquente derrière la migraine. Ce n'est pas une maladie rare : en France, environ 650 000 personnes sont atteintes, dont environ 50 % de jeunes âgés de moins de 20 ans.

Mais preuve est de constater que l'épilepsie reste méconnue et un vrai sujet tabou, souligne l’association nationale de patients Epilepsie France, à l'occasion de la journée internationale de l'épilepsie ce 14 février. L'association organise une campagne de communication L’épilepsie, parlons-en ! afin de mieux faire connaître au grand public le quotidien des personnes épileptiques, et de pointer les situations de rejet dont elles peuvent être l'objet dans leurs relations sociales, au travail, ou à l'école.

Exemple frappant, souligné par l'association : l’immense majorité des gens pense que l’épilepsie se résume à des crises convulsives parfois spectaculaires. "À cause de cela de nombreux préjugés restent  ancrés dans l’esprit du public : maladie mentale, hystérie, folie, alcoolisme… Or en réalité, l’épilepsie est une maladie qui s’exprime de multiples manières", explique-t-elle, par des signes visibles mais aussi peu visibles, voire invisibles. Et le problème, c'est qu'en ne parlant pas des nombreux symptômes de l'épilepsie -autre que la crise convulsive-, le diagnostic est souvent retardé déplore l'association. "De nombreux témoignages de personnes adultes dont l’épilepsie a été  diagnostiquée tardivement réalisent que leur maladie était présente depuis de nombreuses années lorsqu’elles se remémorent les situations antérieures de leur vie : parcours scolaire difficile, difficultés  d’apprentissage, lenteur, maladresses…, explique Epilepsie France. Le diagnostic précoce de leur épilepsie aurait permis une prise en  charge et un suivi médical adapté, et évité des situations stigmatisantes qui les ont durablement marqués."

En outre, parler des différentes formes d’expression de l’épilepsie, c’est permettre de lutter contre une  image réductrice de l’épilepsie qui fait perdurer les idées reçues, stigmatise les malades et peut mettre en danger.

Épilepsie : de quoi s'agit-il exactement ?

Premier truc à savoir : il n'existe pas une épilepsie, mais plusieurs. Le mot "épilepsie" désigne en effet un groupe de maladies qui ont un point commun principal : elles se caractérisent par des crises résultant d'une activité électrique anormale au niveau du cerveau – on peut comparer ce phénomène à un "coup de tonnerre" à l'échelle cérébrale. D'ailleurs, en grec, le mot "epilambanien" (qui a donné "épilepsie") signifie "saisir ou attaquer par surprise".

Les experts estiment ainsi que, dans la grande famille de l'épilepsie, il y a environ 50 "syndromes épileptiques" qui varient en fonction de l'âge du patient, de leurs causes et de leurs symptômes.

Épilepsie : qui ça concerne ? "L'épilepsie est une maladie qui peut survenir à tous les âges de la vie" explique le Dr. Nathalie De Grissac Moriez, neurologue. Cette pathologie neurologique cérébrale est toutefois plus fréquente chez les enfants et chez les personnes âgées.

Quelles sont les causes de l'épilepsie ?

Si, dans certains cas, il est impossible d'identifier l'origine de la maladie épileptique, certaines causes ont été identifiées par la Science :

Les lésions cérébrales acquises : il est ainsi possible de développer une épilepsie après un traumatisme crânien ou un accident vasculaire cérébral (AVC),

Une anomalie de développement : une malformation du fœtus durant la grossesse peut ainsi aboutir à une épilepsie chez l'enfant,

Un terrain génétique : comme la migraine ou l'asthme, l'épilepsie peut avoir une composante génétique qui se transmet de façon héréditaire,

Une maladie immunologique, métabolique ou encore infectieuse : une encéphalite (d'origine virale, par exemple) peut être à l'origine d'une épilepsie.

Épilepsie : quels sont les symptômes ?

On l'a dit : la maladie épileptique se caractérise par des crises qui surviennent en raison d'une activité électrique anormale au niveau de certaines populations de neurones du cerveau. Du côté des symptômes, on distingue donc les symptômes des crises épileptiques mais aussi les comorbidités, c'est-à-dire les symptômes de la maladie qui se manifestent en-dehors des crises.

Au-delà du "cliché" de la crise d'épilepsie (avec les convulsions etc.), une crise épileptique peut se traduire par des symptômes quasi-invisibles :

Une "absence". En langage médical, on parle de "rupture de contact". Cette "absence" du patient peut durer de quelques secondes à quelques minutes,

Des tremblements,

Des mouvements involontaires : "il peut être question de mâchonnements, de claquements de doigts..." souligne le Dr. De Grissac Moriez.

Des hallucinations auditives et/ou visuelles,

Une rigidité musculaire anormale,

De la confusion...

À savoir. "L'épilepsie se définit par la répétition de crises spontanées, c'est-à-dire sans cause réellement identifiée, explique le Dr. De Grissac Moriez. Faire une crise d'épilepsie au cours de sa vie, avec une cause identifiable (le stress, une émotion forte...) ce n'est pas de l'épilepsie : on estime d'ailleurs que 10 % de la population mondiale sera un jour concernée."

"Le fait que la crise d'épilepsie soit spontanée rend la maladie épileptique particulièrement difficile à vivre : les patients ont souvent la sensation d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête, ajoute la neurologue. Les crises peuvent survenir durant la nuit ; elles durent généralement moins de 3 minutes."

Du côté des comorbidités, ces symptômes de la maladie qui sont aussi présents en-dehors des crises, on peut citer :

Une anxiété pathologique,

Des troubles dépressifs,

Une perte de fluidité dans le fonctionnement intellectuel : "ça ne signifie absolument pas que les épileptiques sont moins intelligents que la moyenne, mais qu'ils ont besoin de davantage de temps pour raisonner" précise la spécialiste.

Éventuellement une atteinte au niveau de la mémoire et/ou du langage.

"Les comorbidités de la maladie épileptique sont parfois plus handicapantes que les crises elles-mêmes, note la neurologue. Par ailleurs, on sait aujourd'hui que ces comorbidités ne se développent pas en réaction à la maladie : elles en constituent des symptômes à part entière."

Épilepsie : comment se fait le diagnostic ?

L'examen de référence pour diagnostiquer la maladie épileptique, c'est l'électroencéphalogramme (ECG) : il est réalisé par le médecin neurologue. "L'ECG n'est toutefois pas suffisant : d'ailleurs, en cas d'épilepsie, il est parfois normal" souligne le Dr. De Grissac Moriez. En parallèle, l'interrogatoire du patient et du/des témoin(s) des crises est "précieux".

"La tomographie par émission de positrons (TEP-scan ou PET-scan), l'analyse génétique ainsi que l'IRM cérébrale permettent d'affiner le diagnostic en déterminant de quel type d'épilepsie il est question" ajoute la spécialiste.

La France accuse toutefois un important retard au niveau du diagnostic de la maladie épileptique : selon l'association Épilepsie France, moins de 10 % des patients épileptiques bénéficient d'un suivi par un neurologue ; il n'y a d'ailleurs que 2500 neurologues en activité en France.

Quels traitements pour les patients épileptiques ?

Traitement. Dans la majorité des cas, le traitement de l'épilepsie est médicamenteux. "Dans environ 70 % des cas, les médicaments parviennent à équilibrer la maladie, c'est-à-dire à contrôler la survenue des crises" remarque la neurologue. Il existe de nombreux médicaments anti-épileptiques : "le choix se fait en fonction de l'âge du patient, du type d'épilepsie, de la tolérance vis-à-vis des effets secondaires..."

À savoir. "Chez l'enfant, le traitement n'est pas toujours nécessaire car la maladie peut disparaître avec l'âge" précise le Dr. De Grissac Moriez. Ainsi, l’épilepsie-absence est une des formes les plus fréquentes de la maladie chez l'enfant : elle apparaît vers 5-7 ans et son évolution est généralement bénigne puisqu'elle disparaît souvent vers l’adolescence.

En cas d'épilepsie pharmaco-résistante (c'est-à-dire : qui résiste aux médicaments anti-épileptiques), la chirurgie est une possibilité : "il s'agit de retirer la région cérébrale qui est à l'origine des décharges électriques, explique la neurologue. C'est une solution qui concerne une petite minorité de patients et qui représente une véritable opportunité".

Épilepsie : comment vit-on avec cette maladie neurologique ?

"Il reste beaucoup de préjugés négatifs au sujet de l'épilepsie et les patients épileptiques sont régulièrement confrontés au regard des autres, regrette le Dr. De Grissac Moriez. Des études scandinaves ont ainsi montré que les épileptiques étaient plus à risque d'isolement social et professionnel."

Pourtant, dans la majorité des cas (60 % à 70 %), grâce aux médicaments, l'épilepsie peut être contrôlée et les patients peuvent mener une vie quasi-normale : aller à l'école, travailler, conduire, voir des amis... "Un suivi psychologique est vraiment essentiel pour lutter contre le décrochage scolaire, la honte ou même le risque suicidaire."

"Pour les enfants atteints d'épilepsie, il existe des établissements spécialisés comme l'ITEP Toul Ar C'hoat (Finistère) : les enfants (de 6 ans à 20 ans) sont pris en charge de façon globale par une équipe de 65 professionnels, ils apprennent à accepter la maladie, à repérer leurs forces et à bâtir leur estime de soi malgré la pathologie."