Vitiligo : La maladie «effet vache»

Publié par DK NEWS le 05-02-2024, 14h16 | 11

Le vitiligo, une maladie auto-immune encore mal connue, provoque l'apparition de taches blanches sur la peau. Une pathologie bénigne sur le plan physique, mais qui peut avoir de lourdes conséquences psychologiques...  

Souvenez-vous : le 9 mai dernier, le mannequin Chantelle Brown-Young brisait les codes de la beauté en publiant des photos où elle affichait, décomplexée, sa maladie de peau : le vitiligo.

Comme cette jeune canadienne, 1% de la population française environ souffre de vitiligo, une maladie dermatologique auto-immune qui se caractérise par l'apparition de taches blanches sur la peau et qui touche aussi bien les hommes que les femmes, les adultes que les bébés.

 

Le vitiligo, c'est quoi ?

Revenons aux fondamentaux : notre peau est composée de trois strates : l'hypoderme, le derme et l'épiderme, la plus superficielle. L'épiderme est lui-même découpé en cinq couches et, dans la plus profonde (la couche basale) se trouvent des cellules appelées « mélanocytes ». Leur rôle est bien connu de toutes celles qui aiment se faire dorer la pilule au soleil : elles synthétisent la mélanine, un pigment brun foncé responsable de la couleur de la peau.

Mais les personnes souffrant de vitiligo produisent des anticorps anormaux qui s'attaquent directement aux mélanocytes et les détruisent petit à petit, empêchant ainsi la mélanogenèse (ou fabrication de mélanine). Et puisque le vitiligo résulte d'un dysfonctionnement du système immunitaire (auquel appartiennent les anticorps), on dit qu'il s'agit d'une maladie auto-immune.

Résultat, les malades voient leur peau (et même, parfois, leurs muqueuses) se recouvrir de « taches » hypopigmentées : des plaques blanchâtres bien délimitées dépourvues de pigments parce que les mélanocytes ont été détruits.

 « Il existe deux types de vitiligo, précise le Dr Valérie Callot, dermatologue. Dans le cas d'un vitiligo généralisé, on retrouve des taches sur tout le corps du patient, en particulier au niveau des zones de frottement que sont le dessus des mains, les genoux ou encore le dessus des pieds. A l'inverse, le vitiligo localisé ne se traduit que par des taches sur un côté du corps, par exemple sur une main, un bras ou une jambe. »

 

D'où est-ce que ça vient ?

Pas facile de désigner un coupable : les causes du vitiligo sont encore mal connues. Cependant, plusieurs hypothèses viennent éclairer les origines de cette maladie multifactorielle que l'on retrouve plus fréquemment en Inde, dans les pays du Moyen-Orient et au Maghreb.

D'abord, la génétique. En 2010, une étude américaine menée par le National Center for Biotechnology Information est parvenue à isoler 10 gènes impliqués dans les mécanismes de réponse immunitaire qui pourraient jouer un rôle chez les personnes atteintes de vitiligo. « Par ailleurs, en consultation, on retrouve fréquemment des antécédents familiaux de vitiligo », ajoute le Dr Valérie Callot.

Mais les radicaux libres pourraient aussi avoir leur part de responsabilité dans le développement de cette maladie dermatologique. En 2009, une autre étude américaine commandée par le National Center for Biotechnology Information a montré que l'accumulation de radicaux libres pouvait entraîner une « autodestruction » des mélanocytes...

« Il est également important de considérer les causes psychosomatiques du vitiligo, ajoute le Dr Valérie Callot. La maladie peut tout à fait se déclencher suite à un choc affectif ou à un traumatisme. »

 

Quel impact sur la santé ?

Les personnes atteintes de vitiligo sont « tout simplement » recouvertes de taches blanchâtres, plus ou moins nombreuses, plus ou moins étendues suivant le patient. Le vitiligo n'est ni douloureux ni contagieux ; les taches ne sont pas en relief et ne démangent pas non plus ; l'espérance de vie des malades n'est pas réduite. Bref, sur le plan physique, la maladie est bénigne.

Pourtant, hors de question de minimiser ses conséquences psychologiques... D'ailleurs, une étude américaine de 2009 (toujours menée par le National Center for Biotechnology Information) a montré que l'estime de soi des patients atteints de vitiligo était détériorée, et que 20% des malades souffraient même d'une sensation permanente de démangeaison.

 « Les symptômes sont esthétiquement disgracieux, analyse le Dr Valérie Callot. Ainsi, les malades développent du stress, de l'anxiété, voire des dépressions. Ils se sentent obligés de cacher leur pathologie, comme si elle était honteuse. » De plus, comme le vitiligo n'a aucune conséquence sur le plan physique, les malades ont fréquemment le sentiment de ne pas avoir à se plaindre, ce qui renforce leur mal-être psychologique... Le cercle vicieux est enclenché.

 

Quels traitements ?

Mauvaise nouvelle : à ce jour, il n'existe pas de traitement-miracle qui permettrait de stopper ou même de guérir le vitiligo. Néanmoins, les malades ont la possibilité de faire repigmenter leurs taches blanches.

Pour cela, plusieurs méthodes existent mais la plus répandue d'entre elles, c'est l'exposition aux UV-B qui permet de stimuler les mélanocytes restants pour leur faire produire de la mélanine à nouveau. Cela se fait soit dans une cabine, soit à l'aide d'une lampe excimère qui va concentrer les UV-B uniquement sur les taches, lorsque celles-ci recouvrent moins de 10% de la surface du corps. « Cette méthode donne de bons résultats, explique le Dr Valérie Callot. Cependant, il faut au moins 24 séances pour voir une amélioration de la pigmentation, et le traitement dure au moins 3 mois. C'est long, et coûteux. »

En parallèle, les malades sont amenés à s'exposer au soleil, toujours afin de stimuler les mélanocytes restants. « On prescrit également une crème contenant des composés immunomodulateurs, qui permettent de freiner l'action des anticorps anormaux », ajoute le Dr Valérie Callot.

Enfin, en dernier recours, il reste la chirurgie via la greffe cutanée (il s'agit de prendre un morceau de peau non dépigmenté du patient sur ses cuisses ou ses fesses pour le greffer sur une tache blanche) ou encore le dermotatouage (il s'agit de tatouer de la couleur sur les taches blanches les moins réceptives aux UV-B, comme les mamelons)... mais ces techniques restent assez coûteuses.

« Avec ces traitements, on parvient en général à repigmenter les taches du visage dans 80% des cas, et les taches du dos des mains ou des pieds dans 20% des cas, résume le Dr Valérie Callot. L'évolution de la maladie dépend de chaque patient : parfois, elle va se stabiliser rapidement, parfois de nouvelles taches vont apparaître ou même disparaître... »

Porte-parole des victimes du vitiligo depuis qu'elle a publié ses photos, le mannequin Chantelle Brown-Young, elle, a décidé d'accepter sa maladie. Son conseil à toutes les victimes du vitiligo ? « Aimez-vous vous-mêmes ! On peut tout à fait poursuivre nos rêves malgré nos petites imperfections... » Un beau message d'espoir.