Sahara Occidental : Le soutien de Paris au prétendu "plan d'autonomie" pour le Sahara occidental est en porte à faux avec la jurisprudence de la CJUE (Expert)

Publié par DK NEWS le 04-08-2024, 19h52 | 7

Le soutien apporté par Paris au prétendu "plan d'autonomie" marocain pour le Sahara occidental se trouve "en porte à faux" avec la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), estime le professeur en droit international à l'université de Bruxelles, François Dubuisson qui rappelle que toutes les juridictions internationales s'accordent sur le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination.

"Le Sahara occidental est un territoire autonome au regard des Nations-unies, c'est à dire que c'est un territoire qui a le droit à l'autodétermination", a affirmé M. Dubuisson dans une déclaration à la presse.

A ce titre, il a souligné que "le peuple sahraoui peut déterminer son propre sort, (et) qu'il a été décidé qu'il pouvait le faire au terme d'un référendum", rappelant que "toute une série de juridictions internationales se sont prononcées en ce sens".

Il a notamment évoqué la Cour internationale de justice (CIJ) qui "dans un avis de 1975 avait établi que le Maroc n'avait pas la souveraineté sur ce territoire et que c'était bien un territoire non autonome auquel s'appliquait le droit à l'autodétermination".

Cette position, a-t-il poursuivi, "a encore été confirmée par la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) le -22 septembre 2022- et par la CJUE", faisant savoir que cette Cour européenne va se prononcer probablement dans les prochaines semaines sur divers accords économiques UE/Maroc", étendus illégalement au Sahara occidental occupé.

Pour rappel, en septembre 2021, le Tribunal de l'Union européenne (UE) avait statué en faveur du Front Polisario, soulignant que l'accord de pêche entre l'UE et le Maroc a été conclu sans le consentement du peuple du Sahara occidental.

Les Conseil et Commission européens avaient introduit un recours en appel en décembre de la même année. Cet accord, d'une validité de 4 ans et arrivé à terme en juillet 2023, fait actuellement l'objet d'une procédure judiciaire devant la Cour de justice de l'UE (CJUE) dont le verdict est attendu au courant de cette année.

"En première instance, le tribunal avait annulé ces accords en considérant que l'UE ne pouvait pas passer des accords avec le Maroc portant sur le Sahara occidental sans le consentement du peuple sahraoui", a-t-il rappelé dans ce cadre, relevant qu'il se peut donc que, "la position française se trouve assez rapidement en porte à faux avec la jurisprudence de la CJUE).

Répondant à une question sur l'illégalité de la présence marocaine au Sahara occidental, M. Dubuisson a expliqué que "le Conseil de sécurité avait condamné la marche verte qui avait été organisée par le pouvoir marocain", en 1975.

"Par la suite, la Cour africaine des droits de l'homme avait indiqué très clairement que l'occupation marocaine était illégale et contraire au droit à l'autodétermination du peuple sahraoui", a-t-il ajouté.

Le professeur en droit international a, en outre, souligné que "les juridictions européennes ont été dans le même sens en considérant que le territoire du Sahara occidental n'appartient pas au Maroc et que dès lors il n'est pas possible de passer un accord avec ce pays qui porterait sur le Sahara occidental sans obtenir le consentement préalable du peuple du Sahara occidental, ce qui passe très certainement par un accord avec le Front Polisario".

 

ONU : Au Sahara occidental, il est question de décolonisation et de l'autodétermination d'un peuple

L'Organisation des Nations unies a réaffirmé sa position concernant la question sahraouie qu'elle considère comme une question de décolonisation et assuré que le peuple du Sahara occidental a le droit de décider de son avenir, selon un rapport devant être présenté par le Secrétaire général de l'ONU lors de la 79 session de l'Assemblée générale prévue à partir de la mi-septembre.

Selon le rapport du Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui couvre la période du 1e juillet 2023 au 30 juin 2024, le Conseil de sécurité considère la question sahraouie comme une "question de paix et de sécurité" appelant à "une solution politique juste et durable et mutuellement acceptable garantissant au peuple sahraoui son droit à l'autodétermination".

Le rapport précise, en outre, que la question sahraouie est une question de "décolonisation" sans équivoque. Néanmoins, le Secrétaire général de l'ONU fait part de son inquiétude quant à la situation qui prévaut aujourd'hui au Sahara occidental.

"Je reste vivement préoccupé par l'évolution de la situation au Sahara occidental. Celle-ci a continué de se dégrader et il faut d'urgence inverser la tendance, notamment pour éviter toute nouvelle escalade. La poursuite des hostilités et l'absence de cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario marquent un net recul dans la recherche d'une solution politique" à ce conflit de longue date, déplore le SG de l'ONU.

Il a estimé, à ce propos, que des négociations autour d'une solution politique au conflit s'impose plus que jamais. "Je continue à croire qu'il est possible de parvenir à une solution politique juste et durable mutuellement acceptable et garantissant au peuple sahraoui son droit à l'autodétermination conformément aux résolutions du Conseil de sécurité", soutient le SG de l'ONU dans son rapport.

Par ailleurs, le rapport déplore l'absence de données au sujet de la situation des droits humains dans les territoires sahraouis occupés, rappelant le refus du Maroc d'autoriser l'accès à ces territoires aux représentants du Haut-Commissariat de l'ONU des droits de l'homme.

"Bien que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme ait officiellement demandé, à plusieurs reprises, à effectuer une visite technique au Sahara occidental, conformément à la résolution 78/85 de l'Assemblée générale, et que le Conseil de sécurité, dans sa résolution 2703 (2023), ait exhorté au renforcement de la coopération avec le Haut-Commissariat, y compris par la facilitation des visites dans la région, le Haut-Commissariat n'a pas été autorisé à se rendre sur le territoire depuis 2015", note le rapport.

"Le manque d'accès à des informations de première main et l'absence de surveillance indépendante, impartiale, globale et régulière de la situation des droits humains ont été préjudiciables à une évaluation globale de la situation des droits humains dans la région", ajoute-t-il.

Sur un autre plan, "le bien-être et les conditions de détention des prisonniers sahraouis, en particulier ceux appartenant au groupe Gdeim Izik, qui sont détenus en dehors du Sahara occidental, restent un problème urgent", souligne le Secrétaire général de l'ONU.

"L'Organisation des Nations Unies reste disposée à réunir tous ceux que la question du Sahara occidental intéresse dans un effort commun visant à rechercher une solution pacifique. Je les invite à aborder le processus politique l'esprit ouvert, à ne pas poser de conditions préalables et à saisir l'occasion qu'offrent la facilitation et les efforts de mon Envoyé personnel", conclut le rapport.