Baya Zitoune, présidente de l'ANFEDR ('association nationale : femmes et développement rural) : «La femme a toujours travaillé dans l'agriculture»

Publié par O. Larbi le 18-10-2014, 18h34 | 482

" Le travail productif des femmes rurales est cette activité "invisible" qui va de l'entretien de l'espace domestique et des tâches ménagères aux fonctions de force de travail dans les champs, l'élevage, la transformation des produits bruts des récoltes, en produits artisanaux comme le tissage de la laine pour confectionner des vêtements."

Pour transformer le grain en farine,  la meule en granit existe depuis des temps immémoriaux, la transformation de cette farine en couscous, en galette, en gâteaux nécessite un savoir-faire et informe sur le niveau de développement social.

Pour toutes les activités, la femme utilise des outils, des installations complexes comme les métiers à tisser au bout de la chaîne de transformation  de la laine: la quenouille pour obtenir du fil, le rouet, le métier à tisser; c'est dire que le travail productif à la campagne est aussi complexe qu'il a fait et fait appel à l'intelligence, la créativité, l'innovation, au savoir-faire manuel.

La division du travail est très étendue selon les activités: agriculture extensive, maraichage, arbres fruitiers, élevage, cueillette, tissage, etc.

Pour chacune de ces spécialités, il existait des métiers: le forgeron pour fabriquer des socs de charrue, des haches, des bêches, des roues pour les charrettes, des serrures pour sécuriser les maisons, des épées des sabres pour défendre le village ou la patrie.

Les constructions, le travail du bois, les métiers de transformation de " masse" comme les huileries, les minoteries sont autant de révélateurs de la progression des campagnes. La femme rurale, de l'intérieur à l'extérieur.

Le cas de la cueillette des figues, leur séchage sur les claies fabriquées avec des roseaux, le tri des fruits secs et leur stockage sont des travaux « réservés » aux femmes. L’exemple vaut pour les femmes de N’gaous qui cueillent les abricots, les sèchent pour des usages de pâtisserie et commercialisent l’amande extraite du noyau.

Le travail à l'intérieur de la maison familiale auxquelles les personnes du sexe féminin sont astreintes dès le plus jeune âge, ne serait-ce que pour aller chercher de l'eau à la fontaine publique, sont considérées comme naturelles; le travail dans les champs, au métier à tisser, l'entretien et la traite des animaux (brebis, chèvres, vaches) , le transport à dos de femmes des produits de l'agriculture: légumes, fruits ( olives, figues fraîches et séchées, blé et orge), de l'eau constitue le travail invisible à la campagne : il n'est pas rétribué.

On ne connaît donc pas le volume financier des richesses créées par les femmes à la campagne.
Baya Zitoune, ingénieur agronome de formation, conseiller au ministère de l'Agriculture actuellement retraitée s'est investie dans l'ANFEDR pour mettre au jour l'apport de la femme rurale à la vie économique et sociale.

" Dans le recensement général de la population, la femme rurale, ses activités n'apparaissaient jamais! Ce sont les planificateurs et les responsables d'études du ministère qui ont attiré l’attention de l'ONS pour introduire dans le questionnaire  des questions spécifiques" dit-elle; pour elle cette "invisibilité " du travail féminin illustre le déséquilibre dans la complémentarité des fonctions entre les hommes et les femmes, pas seulement à la campagne est-il utile d'ajouter.

Des résultats en dents de scie

Les transformations, les bouleversements qu’ont connus le monde paysan et des travailleurs de la terre depuis l'indépendance  ont pour constante l'exode rural, le délaissement du travail de la terre, la quasi disparition de l'élevage des bêtes de somme (cheval, âne, mule) du petit élevage de volaille et d'ovins ou caprins pour assurer des apports en protéines animales.

L'urbanisation accélérée, la recherche légitime de meilleures conditions de vie à la campagne sont des contraintes qui rendent l'action en direction des femmes rurales plus exigeantes, la difficulté pouvant laisser penser à une  démarche d'assistanat.

Mettre l'accent sur la base

La relance de l'agriculture familiale peut être un moyen de remettre au premier plan l'action, l'initiative de la femme rurale à partir de ses choix et de sa volonté librement exprimés. Nul besoin de dirigisme si l'acteur social est convaincu de la nécessité, de l'utilité sociale de ce qu'il entreprend, tel est le levier qui doit être actionné auprès des femmes rurales

Les échelons logistiques supérieurs se transformant en exécutants de la volonté générale aussi diversifiée soit-elle. Ce qui est du simple bon sens, compte tenu de la multiplicité des zones agraires, des cultures, des espaces climatiques, etc.

Il y a lieu d'abandonner les méthodes directives du sommet à la base qui sont des exercices de pouvoir et s'atteler à écouter les attentes de la base.

Cette base qui produit de l’huile à Boulhou dans la wilaya de Bouira : c’est une dame qui est aux manettes du pressoir mécanique !

Elle fabrique en outre des savons parfumés aux fleurs de la région, ainsi que des huiles essentielles ;
Cette travailleuse ne demande rien, sinon, sans l’exprimer, la promotion de sa production.
A côté, un stand de femmes de Ouargla vend des produits en raphia. Sous un autre chapiteau (tous sont prêtés pour la circonstance par la société Asta Vista) , on vend du miel.

A ciel ouvert, un stand dédié au «Mouvement de l’agro-écologie en Algérie» inspiré de l’expérience de Pierre Rabhi. Leurs activités ? Agriculture urbaine, agriculture familiale, produits du terroir,  éducation des enfants à la terre, recyclage des déchets, formation à l’agro-écologie (compostage, culture en pots sur terrasse et balcons, extraction d’huile essentielle).

Cette agriculture familiale est soutenue par le ministère de l’agriculture et du développement rural. L’action de la femme rurale est sous les projecteurs du ministère de la solidarité.

Jadis on parlait d’agriculture de subsistance s’agissant de l’activité sur des surfaces réduites ; aujourd’hui, avec le mouvement bio et les produits dangereux de l’agriculture intensive, il y a la possibilité de relancer un modèle de consommation saine.

Une politique agricole qui contribuerait à la santé publique. Elle passe par une démarche inclusive des producteurs de base. Les femmes étant partenaire essentiel.