60e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale : La commune d’El Gaâda se souvient du 1er novembre 1954 et d’Ahmed Zabana

Publié par DK News le 03-11-2014, 16h43 | 290

A un jet de pierre d’Oran, dans le cimetière des martyrs de la localité de Zahana (Mascara), se dresse, derrière la stèle arborant les noms des Chouhada de la région, une sépulture à l’ombre d’un arbuste.

Sur la pierre tombale, est gravé un verset du Coran en guise d’épitaphe. Sur une autre : Ahmed Zahana, décédé le 19 juin 1956. Ici repose le premier moudjahid guillotiné par le colonisateur français. A ses cotés, repose son compagnon, Brahmi Abdelkader, décédé le 08 novembre 1954, abattu près de la grotte de Boudjelida, à El Gaâda, à quelques encablures de là, un lieu historique.

Très calme et ombragé, le lieu respire la sérénité et invite au recueillement. Plus qu’un cimetière, c’est un lieu de mémoire. Chaque tombe révèle une histoire dans le grand carré de l’Histoire, autant de pages sur lesquelles on peut lire le sacrifice de ceux qui y reposent : un départ vers l’Algérie indépendante où tout commença le 1er novembre 1954.

Sur le "Boulevard du Chahid Ahmed Zabana" en direction de la cimenterie qui porte son nom, est érigée la statue en bronze du Chahid, le bras tendu vers la ville, un geste protecteur montrant la voie. Derrière la cimenterie, un chemin sinueux et poussiéreux mène à la commune d’El Gaâda, à une quinzaine de kilomètres de là.

De part et d’autre de la route menant vers El Gaâda, une zone à vocation exclusivement agricole, s'étendent des terres fertiles à perte de vue connues pour leur bon rendement en céréaliculture. Les anciens racontent, d’ailleurs, que dans le passé des dizaines de saisonniers venaient de tout l’Ouest pour les moissons qui se faisaient alors à la main. Ils passaient de champs en champs jusqu’à la fin de la saison.

El Gaâda présente l'image d'un village tranquille avec sa stèle en marbre sur laquelle sont gravés les noms de ses nombreux martyrs.Le jeune maire de la commune éponyme, Lahcen Nahal, est débordé : Les festivités du soixantième anniversaire du déclenchement de la guerre de libération nationale, le 1er novembre 1954, approchent et il y a encore beaucoup à faire.

Quand on évoque la "grotte de Boudjelida" et Ahmed Zabana, son visage s’illumine. C’est un fils de la région. Son visage transpire la fierté. Son "territoire" a connu, le 1er novembre 1954, un fait d’arme mémorable. Et quelques jours plus tard, le 8 novembre, une bataille opposa Ahmed Zabana et ses compagnons à l’armée française.

La grotte de Boudjelida se trouve à environ cinq kilomètres du village, sur les hauteurs. La route y menant est en plein travaux. La première couche de tuf est presque achevée, reste une couche de graviers et le bitume. "J’aurai aimé que la route soit inaugurée le 1er novembre, mais les travaux ne seront terminés que dans trois mois. Le relief est difficile et tracer une route vers la colline n’est pas une mince affaire, c’est dommage", regrette-t-il.

A un kilomètre de la grotte, on aperçoit une stèle nouvellement construite. Une plaque en marbre raconte l’histoire des événements qui se sont déroulés à cet endroit. Les lieux sont calmes, mais chargés d’histoire.

Tout près de cette plaque, se trouve l’entrée béante de la grotte. Des marches d’escaliers et une rampe en métal ont été fraîchement installées. Les marches disparaissent dans le trou noir. "L’entrée de la grotte n’était pas aussi large, racontent plusieurs moudjahidine, les forces de l’armée française l’ont bombardée avec une pièce d’artillerie".

On y voit encore des traces noirâtres, des résidus de poudre encore visibles qui s’étendent de l’extérieur et sur environ trois mètres sur les parois de la grotte.C’est dans cette grotte qu’Ahmed Zabana avait établi son Poste de Commandement. "C’est le Chahid Benabdelkader Ahmed, originaire du douar Bghadid, non loin de là, qui montra cette grotte à Zabana qui y fit son PC.

Il était entouré d’une dizaine de Moudjahidine", expliquent des moudjahidine qui connaissent par c£ur l’histoire de la région et de la grotte en particulier. Et c’est à partir de là que la première opération fut menée, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, annonçant le déclenchement de la lutte armée. C’est l’une des nombreuses opérations qui ont été menées un peu partout dans le pays cette nuit là.

Ahmed Zabana lança, donc, l'opération dite "la mare d'eau" contre la maison des gardes forestiers. L’objectif de cette opération était de se procurer des armes. Un garde forestier a été tué. Les moudjahidine se sont, ensuite, repliés vers la grotte de Boudjelida. Mais le 8 novembre 1954, à l’aube, les forces coloniales découvrent la base secrète d’Ahmed Zabana et ses compagnons.

"L’un des compagnons de Zabana était descendu à Zahana (ex-Saint Lucien), mais il fut reconnu et suivi et c’est de cette façon que la cachette a été découverte", indiquent les mêmes moudjahidine.
A l’aube du 8 novembre 1954, la grotte fut encerclée et les soldats français, précédés par un déluge de feu, essayèrent d'en déloger les occupants, en vain.

La résistance héroïque de Zabana et de ses compagnons ont tenu en échec les forces coloniales pendant quatre heures. Brahmi Abdelkader, originaire de la région, tomba au champ d'honneur et Ahmed Zabana, ainsi que Fettah Abdellah sont blessés.Zabana ordonna à ses compagnons encore en vie de s'échapper, mais fut touché durant le combat à la jambe, au bras gauche et à la tempe.

Il est arrêté sur les lieux mêmes du combat à Ghar Boudjlida, puis transféré et emprisonné à la prison civile d’Oran. Le 21 avril 1955, tribunal d'Oran le condamna à la peine capitale. Le 3 mai 1955, Ahmed Zabana fut transféré à la prison de Serkadji (Barberousse) à Alger où il y resta pendant 14 mois, jusqu’à son exécution.Ahmed Zabana a été exécuté le 19 juin 1956, à 4 heures du matin. Il avait 30 ans. C’était le premier moudjahid algérien guillotiné par le colonisateur.