Pétrole : La chute des cours pétroliers traduit d'importants changements structurels du marché

Publié par DK News le 23-11-2014, 18h25 | 38

La forte chute des prix du pétrole depuis cet été reflète d'importants changements structurels du marché, induits par une envolée de l'extraction de pétrole de schiste aux Etats-Unis et un ralentissement de la croissance mondiale, relèvent des analystes.

Tous les observateurs sont en effet unanimes à reconnaître qu'une nouvelle page s'ouvre sur le marché pétrolier: la banque allemande Commerzbank fait état d'un «changement de paradigme», l'américaine Goldman Sachs parle d'un «nouvel ordre pétrolier» tandis que l'Agence internationale de l'Energie (AIE) évoque un «nouveau chapitre dans l'histoire des marchés pétroliers».

«On entre aujourd'hui dans une nouvelle phase, avec d'un côté une offre qui a été stimulée, en particulier les pétroles de schiste en Amérique du Nord, et de l'autre côté un ralentissement de la demande par érosion lente à cause du niveau élevé des prix puis, plus récemment, à cause d'une conjoncture macroéconomique particulièrement dégradée», explique Frédéric Lasserre, président de la société de gestion Belaco Capital.

Ainsi, «des années de prix élevés (le Brent oscillait grosso modo entre 100 et 120 dollars depuis 2011, ndlr) ont permis à des technologies innovantes de libérer d'énormes ressources en Amérique du Nord et peut-être bientôt ailleurs», rappelle l'AIE dans son dernier rapport mensuel.

Cette énorme progression équivaut à l'arrivée sur le marché d'un nouveau producteur de pétrole de la taille de l'Irak et du Qatar réunis, calculent les économistes de Commerzbank. Ainsi, comme le souligne Edward Morse de chez Citi, «la croissance de la production américaine est devenue un facteur géopolitique critique sur les marchés pétroliers». Le pays a d'ailleurs accédé cette année au statut de premier producteur mondial d'hydrocarbures liquides, détrônant l'Arabie saoudite, leader historique.

L'impact de cette croissance se fait de manière indirecte, en réduisant de façon spectaculaire les besoins d'importations des Etats-Unis et en forçant leurs fournisseurs à se trouver d'autres débouchés, ce qui attise la lutte pour les parts de marchés ailleurs dans le monde.

Une bataille qui se profile déjà, au sein de l'Opep, où les pays du Golfe, qui assurent les deux tiers des exportations de l'organisation pétrolière, restent réticents à une réduction de leur production pétrolière pour enrayer la chute des prix (-30% depuis juin) sans maintien de leur part dans un marché hautement concurrentiel, estiment des analystes. Pour l'économiste saoudien Abdulwahab Abu-Dahesh, «la réduire de la production signifie la perte de ces parts».

«Les pays du Golfe ont plus d'intérêt à batailler pour les parts de marché et à refuser la réduction de la production. Cela poussera les prix à la baisse, mais éliminera ceux qui produisent à des coûts importants», souligne M. Abu-Dahesh. Sur le long terme, le patron de Belaco Capital, prévoit un phénomène d'ajustement exactement inverse de celui connu dans la phase de hausse, c'est-à-dire un ralentissement des investissements dans les capacités nouvelles et puis une reprise de la demande grâce à des prix sensiblement moins élevés».