Droit à l’oubli sur Internet Pressions européennes sur Google

Publié par Par Samy yacine le 30-11-2014, 16h06 | 58

Après l’arrêt de la cour de justice de l’union européenne de mai dernier, faisant obligation de répondre aux requêtes de ses citoyens en matière de droit à l’oubli, cette même cour revient sur la question dans l’espoir de faire étendre cette obligation à une échelle plus large que le seul contient européen.

De quoi ranimer le débat sur le droit à l’oubli, ses contraintes et les atteintes supposées au droit à l’information. Le bras de fer risque de durer encore entre les instances judicaires européennes et le moteur de recherche américain qui croule depuis le mois de mai dernier sous les demandes de citoyens européens voulant retirer des fichiers les concernant ou les impliquant sur internet.

Cette situation lui a été imposée depuis un arrêt rendu, en mai dernier  par la cour de justice de l’union européenne sur saisine de l’autorité espagnole de protection des données après la plainte déposée par un internaute espagnol qui réclamait la suppressions de deux papiers journalistiques faisant état de ses dettes, qu’il souhaitait ne plus voir indexés par le moteur de recherche de Google au motif qu’ils ne présentent plus un intérêt d’actualité.

Tout en lui donnant raison sur le fond de sa démarche, l’autorité espagnole ne s’est pas estimée en mesure de demander à Google la suppression de ces articles mais a jugé plus utile de demander à la cour de justice européenne de prendre position sur la question.

Ce que cette dernière ne tardera pas à faire connaître son point de vue  en publiant un arrêt, cité par le site du quotidien français lemonde.fr  dans lequel elle mentionne notamment : « Ainsi, lorsque, à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, la liste de résultats affiche un lien vers une page Web qui contient des informations sur la personne en question, la personne concernée peut s’adresser directement à l’exploitant (…) pour obtenir (…) la suppression de ce lien de la liste de résultats. »

Débouté dans son opposition à la  requête du citoyen espagnol, Google, faisant   contre mauvaise fortune bon cœur s’est mis au travail pour faire respecter cette nouvelle injonction européenne. Il a ainsi mis un en ligne le fameux formulaire  de demande de suppression de résultats de recherche qui donne la possibilité à tout internaute de le solliciter pour la suppression d’information le concernant.

Le site http://meta-media.fr qui rappelle que « Google n’a pas accueilli cette décision avec beaucoup de plaisir » cite le directeur des affaires juridiques de Google qui considère que cette injonction judiciaire  est contraire à l’idée générale selon laquelle le passage par un moteur de recherche ouvre la voie à un accès à une  sorte de « bibliothèque du web » dans laquelle on peut trouver tout ce qu’on vient chercher.

Et le site de noter que, depuis cet arrêt, Google « a reçu, à ce jour, 135.000 demandes en Europe correspondant à 470 000 URLS ». A travers la prise de position de Google, d’autres opérateurs, voire même certains intellectuel, c’est un profond débat qui est engagé sur les limites supposées  au droit à l’information des citoyens.

Ainsi, dans une contribution mise en ligne le 10 octobre dernier sur le site lemonde.fr, un psychiatre, chercheur français, attirait l’attention sur les dérives possibles d’une application, écrivait il « sans autre précaution, c’est-à-dire sans que le déréférencement des informations incriminées ne soit précisément signalé, ce déréférencement s’accompagnerait de fait d’un effacement de l’acte qui y a présidé ». 

De ce fait, argumente-t-il, il se pourrait que des situations problématiques se produisent, comme par exemple celle où  « il deviendrait impossible à quiconque de savoir si une information dont il a entendu parler est une rumeur, ou bien si elle est une information authentique déréférencée ».

Ce qui pourrait conduire, d’après lui à une situation dans laquelle   « Internet cesserait d’être une mémoire du monde pour devenir un reflet de la puissance des agences spécialisées et des cabinets d’avocats mobilisés par les puissants qui souhaitent faire oublier un pan de leur vie passée. »

Le débat n’est pas encore bien avancé que la juridiction européenne revient à la charge ces derniers jours pour pousser un peu plus le loin le bouchon de pression sur Google. Et c’est le quotidien new yorkais, Wall Street Journal  qui se fait l’écho d’une volonté affichée par la cour de justice de l’union européenne de faire étendre la sphère d’application de sa décision  au-delà des simples préfixes régionaux, comme ‘’fr’’ ou ‘’es’’, pour  l’étendre aux sites internationaux fonctionnant en .com,  pour toucher ainsi non seulement Google, mais également les autres moteurs de recherche comme Bing de Microsoft ou Yahoo.

Cette nouvelle mesure serait venue sur pression des instances nationales de protection des libertés numériques. Pour le site 01net.com, qui rappelle que jusqu’à présent la décision ne s’applique qu’aux noms de domines nationaux européens,  « si ce texte est adopté, tout Européen issu des 28 pays de l’Union pourrait demander la suppression des informations le concernant même si ces données ne sont accessibles que sur des plateformes étrangères ».

En effet, la situation est telle actuellement que même si des données sont supprimées par Google, elles demeurent accessibles sur les sites non européens, ce qui met, Google, « hors du périmètre européen », souligne 01net.com. Reste à savoir combien durera cette partie de bras de fer et surtout, si elle finira par soumettre Google, ou tout autre opérateur de l’internet au sacro saint principe de la territorialité des Etats.