Réseaux sociaux et information : Quelles limites au règne des algorithmes ?

Publié par Par Samy yacine le 07-12-2014, 15h47 | 40

En accusant Twitter d’avoir déversé un flot continu d’informations qui l’aurait empêché d’asseoir
un jugement serein, le procureur américain  qui a acquitté  le policier blanc ayant  tué par son arme
un jeune noir, dans l’affaire Fergusson, a remis au gout du jour la problématique de la production
et de la diffusion de l’information par les réseaux sociaux.

L’actualité de cette fin d’automne nous apporte beaucoup de sujets d’interrogation sur le devenir de la presse, et des métiers de l’information en général, devant la déferlante des réseaux sociaux qui font de l’information et de l’actualité la plate forme de contenus centrale  sur laquelle  leurs offres de consultation.

Au courant du mois de novembre dernier, le patron du réseau social Facebook ajoutait une petite touche pimentée à ce débat en dévoilant sa conception de l’information que son entreprise se doit de servir aux usagers.

Il a ainsi promis, à l’occasion d’un forum tenu début du mois de faire concevoir  «le parfait journal personnalisé pour chaque personne dans le monde», relate le quotidien suisse  sur son  site www.tdg.ch, en faisant un lien entre cette nouvelle tendance des réseaux sociaux à faire de l’information avec ce «glissement de la société dans les médias numériques ».

Alors que la presse traditionnelle en est encore aux filtres professionnels de sélection de l’information, selon les principes connus de la proximité  multidimensionnelle,  le journal suisse note que  « Facebook peut ciseler son fil d'actualités autour des intérêts de chaque individu, en présentant un mélange d'actualités, d'événements communautaires et de nouvelles des amis et de la famille. »

Pour avoir un point de vue d’experts, le journal a intégré  des avis de spécialistes, et notamment de journalistes et d’universitaires pour  situer les nouvelles lignes de démarcation entre le journalisme traditionnel, exercé par des professionnels, avec la rigueur professionnelle, éthique et déontologique et cette nouvelle façon de faire produite par des programmes informatiques, ces fameux algorithmes,   gardés dans le plus grand secret, au point de laisser penser.

  « Emily Bell, ancienne responsable des éditions numériques du Guardian et directrice du Tow Center, un centre de recherche sur le journalisme en ligne rattaché à l’école de journalisme de Columbia (Etats-Unis) », citée par le quotidien français lemonde.fr que « l’homme de médias le plus puissant en ce moment est Greg Marra, le responsable produit du Newsfeed de Facebook. »

Ceci semble s’expliquer par le fait, souligné par le site du quotidien suisse tdg.ch que « Facebook est une source d'informations pour au moins 30% des Américains…

Ce qui lui donne un pouvoir important sur ces médias, de plus en plus dépendants des réseaux sociaux » Interrogé sur ce nouveau phénomène, Ken Paulson, longtemps patron de la rédaction  du  quotidien  USA Today et présentement ‘’doyen de la faculté de Communication de masse de la Middle Tennessee State University (Usa)’’ estime pour sa part que  «Ce n'est ni bien, ni mauvais, mais quelque chose que les journaux traditionnels ne sont pas en mesure de faire ».

Dans des propos rapportés sur tdg.ch qui ajoute de son côté que  « certains spécialistes des médias reconnaissent que Facebook semble plus en mesure de fournir ce que les gens souhaitent, et d'une façon plus efficace. » Un autre professionnel de la presse.

Alain Mutter, ancien patron de rédaction d’une publication régionale devenu consultant en médias numériques, pense que la tendance ira crescendo, car, déclare-t-il sur tdg.fr, « les journaux s'accrochent à leur ‘’«ancien’’ modèle économique tandis que les organisations comme Facebook personnalisent l'information» au moment où, ajoute-t-il «les jeunes lecteurs dédaignent la presse écrite au profit des supports numériques et mobiles. »

Le quotidien français Le Monde s’est, de son côté,  intéressé à ce sujet en se faisant l’écho «d’une conférence délivrée à l’Institut Reuters de l’université d’Oxford, vendredi 21 novembre », durant laquelle de nombreux spécialistes et professionnels sont venus débattre de cette relation de plus en plus   poussée entre les médias et les réseaux sociaux, et de la place prépondérante que prennent les algorithmes dans la production et la diffusion de l’information.

Le journal français évoque ainsi un glissement de compétence  « au bénéfice des ingénieurs qui programment l’affichage des contenus sur les réseaux sociaux », et met en exergue  le travail de terrain effectué par « Zeynep Tufekci, chercheuse associée au Centre pour l’étude des politiques technologiques de Princeton » sur la diffusion des nouvelles par les réseaux sociaux, Twitter et Facebook, à l’occasion des émeutes de Fergusson.

Le site lemonde.fr souligne ainsi  que « cette sociologue s’est étonnée que les informations partagées instantanément sur Twitter n’émergent que le lendemain sur Facebook, en raison des paramètres de son algorithme.». D’où une hypothèse de travail évoquée par cette chercheuse qui croit en    une «  manipulation potentielle et l’absence de transparence quant au fonctionnement de cet algorithme ».

En dépit des avancées notables des programmes informatiques, il se trouve toujours  des ‘’puristes’’ du sacerdoce journalistique’’ pour croire encore en la légitimité de la médiation sociale du journaliste. Ainsi, en est-il de Ken Paulson, qui a la convicition, selon tdg.ch que «La liberté de la presse a été assurée pour surveiller les gens au pouvoir et informer (...). Il y a une composante cruciale d'intérêt général, qu'un algorithme ne peut pas capter».