En 2014,les Tunisiens tournent la page de la transition, aspirent à une vraie démocratie

Publié par DK News le 02-01-2015, 15h20 | 22

En 2014, les Tunisiens ont tourné la page de la transition en élisant un nouveau Parlement et un président qui auront la lourde charge de relancer le pays après quatre ans de transition post-révolutionnaire qui, bien que difficile, n’a pas fait basculer cet Etat dans le chaos à l’inverse d’autres expériences du «Printemps arabe».

Désormais, la révolution n'est plus à l'ordre du jour après le renversement en janvier 2011 de Zine al Abidine Ben Ali et une transition mouvementée marquée par une crise politique, de profondes difficultés économiques et sociales, des dérapages sécuritaires et une montée des activités terroristes.

Après la chute de Ben Ali, la Tunisie a subi une série d'échecs d'ordres économique, social et sécuritaire: le taux de chômage a atteint les 17%, son déficit commercial n'a cessé de croître et l'industrie du tourisme est très affectée par la menace de groupes armés.

La situation sécuritaire et socioéconomique s'est agravée davantage après l'assassinat de deux importantes figures de l'opposition en 2013: Chokri Belaïd (l'un des leaders de la gauche) le 6 février et Mohamed Brahmi (député nationaliste) le 25 juillet.

Une soixantaine de militaires ont également été tués dans des attentats terroristes visant principalement les deux ministères de l'Intérieur et de la Défense, des tentatives de faire sombrer le pays dans une situation comparable à celle observée en Egypte, en Libye ou encore en Syrie.

Mais de l'avis des politologues et analystes, le peuple tuisien a fait preuve d'une grande maturité en prenant conscience que les conflits idéologiques alimentés par des tentatives de diviser le peuple entre islamistes et non islamistes ne sont que des obstacles au processus de transition.

Pour éviter de basculer dans le chaos, la classe politique a donc organisé en octobre 2013 des consultations dans le cadre du Dialogue national parrainé par les quatre institutions phares de la société civile : l'Union générale tunisienne du Travail (centrale syndicale, UGTT), l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat  (organisation patronale, UTICA), l'Ordre national des avocats de Tunisie et la Ligue tunisienne des droits de l'homme.

Un consensus a été établi sur la mise en place d'un gouvernement de technocrates. Mehdi Jomaa, l'ancien ministre de l'Industrie du gouvernement d'Ali Larayedh (figure du parti Ennahdha), a été désigné pour diriger ce gouvernement le 29 janvier 2014 jusqu'à la tenue des élections législatives du 26 octobre et la présidentielle du 23 novembre.

Il a réussi à rétablir l'ordre et atténuer la menace terroriste pour sécuriser le processus électoral. A la veille de sa désignation officielle, l'Assemblée constituante avait promulgué une nouvelle Constitution.

Nouvelles institutions pérennes, nouvelle vie politique

L’adoption de cette nouvelle Constitution a provoqué une détente politique en Tunisie. Les tensions ont baissé d’un cran, un état de grâce s’est installé.Les questions relatives au statut des femmes, à la liberté de conscience étant tranchées par ce texte, approuvé par deux cents députés sur deux cent seize, et d’un gouvernement d’union nationale composé de technocrates.

Afin d’eviter un retour à l’autoritarisme, la nouvelle Constitution donne des prérogatives assez limitées au président, élu pour cinq ans, mais l’election au suffrage universel lui confère un poids politique important.

Nidaa Tounès, une formation constituée de multiples courants dont des représentants du régime déchu, devra pour gouverner s’assurer d’alliances et n’exclut pas d’opérer avec Ennahda.

Scrutin satisfaisant

Pour la première fois depuis leur indépendance en 1956, les Tunisiens ont choisi au suffrage universel, démocratiquement et en toute transparence un nouveau chef de l’Etat - Bourguiba et Ben Ali avaient été le plus souvent candidats uniques alors que Moncef al Marzouki a été désigné par la Constituante-.

Ainsi, Béji Caid Essebssi, un vétéran de la vie politique et figure du Bourguibisme, pour avoir été le ministre de l'Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères de l'ancien président Habib Bourguiba, est élu le 21 décembre troisième président de la République avec 55,68% des suffrages au second tour. Il distance largmement le chef de l’état sortant Moncef al Marzouki qui a réuni 44,32% des voix. Après sa victoire, Essebsi, âgé aujourd'hui de 88 ans, se voulait rassembleur.

«La Tunisie a besoin de tous ses enfants car la tâche est éprouvante et on ne pourra s’en sortir que dans l’union, main dans la main», a-t-il lancé. Le grand absent de ce scrutin, c’est le parti Ennahda qui n’a présenté aucun candidat et n’a pas donné officiellement de consigne de vote.

Pourtant c’est un acteur important du jeu politique car si le parti a perdu en popularité ces derniers mois, il a néanmoins obtenu la seconde place aux législatives avec 69 sièges sur 217 et reste donc la deuxième force politique derrière Nida Tounès arrivé en tête avec 86 sièges.

Défi économique, menace terroriste

Maintenant qu'il a accédé à la magistrature suprême, Béji Caïd Essebsi devra mettre de l'ordre dans les priorités du pays et s'échiner à tenir ses promesses. Sécurité, terrorisme, relations extérieures, propositions de lois... le bureau du nouveau président sera rempli de dossiers. Après une révolution largement motivée par la pauvreté et le chômage, les attentes sont fortes, le pays doit relancer l’investissement, notamment étranger et le tourisme.

Le dossier sécuritaire sera une composante essentielle du prochain mandat présidentiel. La sûreté nationale faisant partie des prérogatives présidentielles, Béji Caïd Essebsi devra mettre en place une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme.

Les relations extérieures sont d'ailleurs un dossier qui va requérir toute l'attention du président. Essebsi a également d'autres prérogatives qui sont la dissolution de l'Assemblée selon des conditions fixées par la Constitution. Tout au long de sa campagne, Essebsi a longuement évoqué, les problèmes relatifs au chômage, à la cherté de la vie ou aux préoccupations des jeunes.

Tous ces thèmes rentrent dans la compétence du gouvernement et de son chef qui devront gérer le pays. Pour Mahmoud Ben Ramdane, un cadre de Nidaa Tounes, «il faudra redonner confiance aux gens, qu’ils sentent que l'Etat est là et que leur vie va changer».