Ecriture de l'histoire : 150 heures de témoignages d’acteurs de la Révolution recueillies à Jijel

Publié par DKnews le 06-02-2015, 18h38 | 76

Plus de cent cinquante (150) heures de témoignages vivants sur la guerre de Libération nationale ont été recueillies auprès de moudjahidine de la wilaya de Jijel et enregistrées,  a-t-on appris, mercredi, auprès des responsables de la Radio nationale de Jijel.

Cette opération, entamée le 28 septembre 2009, se poursuit encore pour recueillir le maximum de déclarations de personnes ayant vécu la période de la glorieuse Révolution (1954-1962) dans ce qui fut la wilaya II historique, a déclaré à l’APS Bilal Boudjaâdar, producteur-réalisateur spécialisé et chef du service programmation à la station radiophonique locale.

Outre de permettre aux historiens de disposer d’une "matière précieuse", cette entreprise d’envergure avait aussi pour but de "rendre hommage à ceux qui ont façonné la lutte de libération pour permettre au pays de recouvrer sa souveraineté", et de "préserver la mémoire d’un peuple dont le courage et le génie ont su triompher pour une cause noble et juste", a indiqué ce journaliste.

L’émission intitulée "Hatta la nansa" (Afin que nul n’oublie), diffusée chaque lundi sur les ondes de Radio-Jijel, fait appel à des acteurs ayant participé à la lutte pour la Libération nationale, à raison d’une moyenne de 3 à 4 heures d’enregistrement par moudjahid, (un record de 7 heures a été réalisé avec un moudjahid d’El Milia), selon le producteur.

Faire parler des témoins directs de la Révolution algérienne s’est révélé "un exercice mnémonique parfois éprouvant pour nombre de moudjahidine, aujourd’hui âgés, malades et portant les stigmates de cette douloureuse période", a encore souligné M. Boudjaadar dans un entretien à l’APS.

Cette opération a eu des échos positifs comme en témoignent les nombreux appels téléphoniques et les correspondances émanant de citoyens pour faire part de leur intérêt à l’égard des témoignages des acteurs de la guerre de Libération nationale.

La plupart de ces acteurs, qui étaient dans le feu de l’action, semblent quelquefois ne pas mesurer la portée de leur participation à la lutte de libération.

Les faire parler leur permet de rafraîchir leur mémoire usée par le temps et les vicissitudes de la vie. "Il s’était agi donc d’une urgence au regard de l’âge avancé des acteurs de cette époque lourde en sacrifices, d’autant que l’enjeu est d’écrire l’histoire et de donner des repères aux générations montantes", comme n’a pas cessé de le souligner le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, au cours de ses dernières visites dans les wilayas du pays.

M. Zitouni avait notamment rappelé que l’opération de recueil de témoignages, à laquelle a appelé le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, doit permettre une écriture "honnête" de l’histoire de l’Algérie, fondée sur des témoignages recueillis de la bouche même de celles et de ceux qui ont participé à la glorieuse Révolution.

A Jijel, un premier inventaire fait état de la disponibilité de précieux témoignages en mesure de constituer une matière brute pour les chercheurs et les historiens, selon ce journaliste qui a rappelé l’existence d’une convention entre les ministères des Moudjahidine et de la Communication relative à cette question.

Dans leurs témoignages, souvent poignants, les moudjahidine ont évoqué avec le maximum de détails possibles, malgré quelques "trous" de mémoire, tout ce qui a trait à leur parcours dans les rangs de l’Armée de libération nationale (ALN), la situation dans les maquis, la vie dans les camps de concentration et les centres de torture qui "fleurissaient" en Algérie pendant la colonisation.

Ces aveux, s’ils ont le mérite d’apporter un réel "plus" à l’écriture de l’histoire de la Révolution, ne manquent pas non plus d’anecdotes comme l’a rapporté un moudjahid, Messouad B., pris par ses compagnons d’armes pour un sanglier après une chute dans une mare à El Milia et qui a fini par être repêché après qu’on lui ait tendu un fusil.

Un autre fait pour le moins étonnant a été raconté par un moudjahid, Madani K. a été aperçu, alors qu’il était seul, par les troupes coloniales qui s’employaient à tendre une embuscade sur une petite route de montagne.

Pris de court, il a esquissé un geste de la main pour inviter des compagnons imaginaires à le rejoindre, faisant croire aux soldats français qu’ils avaient affaire à un important groupe de "fellagas", si bien, raconte Boudjaâdar, que les soldats ont hésité à ouvrir le feu, permettant à Madani de s’éloigner et de leur échapper.

"L’écriture de l’Histoire de la Révolution est une urgence signalée", a souligné un universitaire de Jijel, paraphrasant feu l’intellectuel et penseur Mouloud Kassem Naït Belkacem qui aimait à répéter : "quand le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit vogue dans les ténèbres".