Nécessité d'éloigner les médias du pouvoir de l'argent

Publié par DK News le 12-02-2015, 19h23 | 22

Le journaliste britannique et consultant en médias, Phil Harding, a recommandé hier à Alger d'éloigner les médias de tous les pouvoirs, en particulier celui de l'argent, insistant sur le respect de la déontologie par les médias publics notamment.

M. Harding intervenait lors de la journée d'étude co-organisée par la Radio algérienne et la BBC à l'occasion de la Journée mondiale de la radio sur la thématique des «enjeux de l'éthique dans les médias du service public».

La liberté d'expression n'est pas un «droit absolu et inconditionnel», a estimé, par ailleurs l'ancien rédacteur en chef et directeur exécutif de la politique éditoriale et de la déontologie à la BBC, citant des exemples récents ayant placé la chaîne internationale face au dilemme de la publication ou non de certaines informations à la portée délicate.

Il a informé, à ce propos, que la BBC avait jugé plus «raisonnable» de ne pas diffuser l'enregistrement vidéo d'un groupe terroriste ayant capturé un otage en Ouganda, il y a quelque temps, et dont elle a été destinataire. «Nous avions préféré ne pas rendre publique la vidéo tel que réclamé par les terroristes et dans laquelle ils exigeaient une rançon contre le maintien en vie de l'otage.

Nous nous sommes contentés de donner juste l'information du rapt», a-t-il clarifié, indiquant avoir fait le «bon choix» dès lors que l'otage avait été libéré par la suite.

Estimant qu'un support public «doit prendre en considération l'opinion de son audience», le journaliste britannique a noté que le code de l'éthique doit être mis en avant dans tout traitement d'information, de même que le respect de la dignité humaine, en se référant à l'interdiction de sa chaîne de diffuser les séquences de l'exécution des ex-dirigeants Mouâamar El-Keddafi et Saddam Hussein.

«Il faut des standards très élevés d'éthique pour tous les médias, aussi bien privés que publics, mais davantage pour ces derniers dès lors qu'ils sont financés par le contribuable et que les auditeurs ont plus confiance en ces supports d'information qu'en ceux relevant du secteur privé», a-t-il explicité.

Reconnaissant, par ailleurs, que la «vérité» est une notion pas toujours facile à faire valoir par les médias car «complexe», M. Harding a conseillé à ses confrères algériens de ne «jamais cesser d'œuvrer» pour délivrer une information «fondée, vérifiée, sourcée, impartiale, comparée et crédible».

La transparence du financement, garant de l'éthique

Pour le journaliste et universitaire algérien, Ammar Belhimer, la transparence quant au financement d'un média public est le «garant» de son respect des règles de l'éthique et de la déontologie car il n'«y a pas de neutralité sans conditions de payement».

Considérant que les règles d'éthique ne sont pas tout à fait les mêmes selon qu'il s'agisse du secteur public ou du privé, il a expliqué que le premier est lié par une autorité de régulation, ce qui suppose plus d'exigences d'éthique dans la mesure ou elle est financée par les deniers publics.

Le secteur privé «s'autorégule», par contre, de lui-même par les professionnels qui fixent les règles et les principes de l'éthique et du professionnalisme, a-t-il poursuivi.

Le journaliste a rappelé que depuis 2009, une loi sur l'audiovisuel existe et insisté, entre autres, sur l'importance de la mise en place d'un environnement juridique qui permettrait la concrétisation du principe de liberté d'expression, de même que l'existence d'un organe «indépendant» qui protégerait les médias des ingérences extérieures et dont les membres seraient nommés de façon «transparente» par la société civile.

Le professionnel des médias a considéré, s'agissant de l'audiovisuel, que ce n'est pas l'audience qui doit être considérée comme une condition d'efficience mais plutôt la «mutabilité «et «l'adaptation» de ce type d'organes.

«La dégradation de la qualité de l'information constatée ces dernières années de part le monde, est liée à l'air du temps où tous les acteurs font dans de la désinformation et la manipulation médiatique», a-t-il conclu.